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Chronique Kipik : je sais ce que tu as (à quelques pourcents près)

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Avant de commencer, je voudrais faire une petite mise au point. Notre but, avec cette série d'articles stratégiques, était de s'adresser à tous les joueurs, quel que soit leur niveau. J'essaie donc de rester aussi simple que possible, et d'éviter au maximum les abus de « jargon pokeristique ». Toutefois, si quelque chose vous échappe, n'hésitez pas à m'interroger sur le forum.

La semaine dernière nous a permis d'approcher ce qu'est la fold equity (fe), c'est à dire les chances que notre adversaire a de se coucher et ce que ça vous rapporte. Nous avions illustré ce concept par un exemple simple en montrant comment jouer en s'affranchissant totalement de nos cartes. Là où un joueur « de base » va regarder ses cartes pour décider de ce qu'il doit faire, un joueur plus avancé va d'abord estimer la rentabilité du coup et ensuite décider de son action.

Dans l'exemple de la semaine dernière, nous en arrivions à la conclusion que, si la Grosse Blinde (BB) paie 30% du temps un tapis de 8 blindes, alors nous pouvions pousser notre tapis avec n'importe quelles cartes en Petite Blinde. La fold equity qu'il nous laisse (70%) étant suffisante pour ne même pas avoir besoin de regarder nos cartes.

Trouver l'équilibre

En termes techniques, cela s'appelle un point d'équilibre : s'il paie 30% du temps, ou moins, on peut partir à tapis 100% du temps. S'il paie plus de 30% du temps, on ne pourra plus jouer profitablement 100% de nos mains et il faudra renoncer à jouer les plus mauvaises. Selon la fréquence avec laquelle notre adversaire paie, il sera toutefois toujours possible de déterminer un seuil d'équilibre avec lequel on pourra faire tapis profitablement avec X% de nos mains selon qu'il paie avec Y% des siennes.

Armé de PokerStove et d'un tableur, vous allez pouvoir facilement déterminer quelques uns de ces points d'équilibre. Comme « tapis de 8bb, sans ante, on peut faire tapis avec 100% de nos mains si la BB paie 30% du temps ». Vous allez jouer tellement souvent ce genre de situation que cela revient au même qu'apprendre ses tables de multiplications quand on est enfant. Ce sont les bases... que je ne vais toutefois pas vous donner, il est nettement plus profitable de faire l'exercice soi-même pour bien « sentir » la dynamique entre fold equity et profondeur de tapis

Toute la difficulté est, bien évidemment, de déterminer la fréquence avec laquelle votre adversaire va payer. Si vous estimez qu'il paie 20% du temps, alors qu'il paie en réalité une fois sur deux, inutile ensuite de faire de beaux calculs : l'hypothèse de départ est erronée, la suite l'est aussi. Et même si le résultat vous est favorable, votre raisonnement erroné vous aura amené à jouer un coup perdant… dans l'absolu.

Cela demande un peu de technique. Et beaucoup de pratique. La pratique viendra plus tard, intéressons-nous à la logique derrière le raisonnement.

Dis-moi combien de fois tu relances, je te dirai ce que tu joues

Au Hold'em, il existe 1326 combinaisons de cartes possibles. Pour 169 mains différentes. Chaque paire existe en 6 exemplaires (AA, AA, AA, AA, AA, AA). Chaque main assortie en 4 exemplaires (AK, AK, AK, AK). Et chaque main dépareillée a 12 combinaisons possibles.

Si vous pensez que votre adversaire est sur une main très solide, genre paire de Valets ou mieux et As-Roi, cela représente donc : 6xJJ+6xQQ+6xKK+6xAA+4xAKs+12xAKo. Soit un ensemble de 40 combinaisons possibles. Sur un total de 1326. Autrement dit, 3% des mains (40*100/1326).

Dire qu'un joueur ne relance que paire de Valets et mieux ou As-Roi, par exemple en début de parole (une sélection de mains qui sera assez souvent correcte aussi pour le pourcentage de surelance d'un joueur très serré), revient à la même chose que de dire qu'il relance 3% de ses mains. Ou 3% du temps. La relation marche bien évidemment dans les deux sens : si vous utilisez un tracker, et avez joué suffisamment de mains contre un joueur, lorsque votre logiciel vous dit qu'il relance 3% du temps en début de parole, il vous dit en fait que ce joueur ne relance alors (probablement) que paire de Valets et mieux ou As-Roi.

Il s'agit évidemment d'un exemple simple. Et, là non plus, personne ne vous demande de faire ce calcul à chaud. L'important est de comprendre la logique derrière le calcul. Et de faire un peu tourner PokerStove (encore une fois, LE logiciel obligatoire) pour réussir à vous faire une image, même approximative, de ce que représente tel ou tel pourcentage. A titre d'exemple, quelques valeurs et une sélection de mains que cela représente :

1%: KK+

3%: JJ+, AK

5%: 99+, AQs+, AQo+

7%: 88+, ATs+, AJo+

10%: 77+, AT+, KJs+, KQo

20%: 66+, A4s+, A9o+, K8s+, KTo+, Q9s+, QTo+, J9s+, JTo, T9s

30%: 22+, A2+, K7s+, KTo+, Q9s+, QTo+, J9s+, JTo, T9s, 98s, 87s, 76s, 65s

(au cas où : AQs+ signifie As-Dame assorti et mieux, autrement dit As-Dame et As-Roi assortis. KTo+ = Roi-Dix dépareillé ("o" pour "offsuit") et mieux, soit Roi-Dix, Roi-Valet, Roi-Dame dépareillés)

Des chiffres aux actes : le hand range

Cela nous permet de définir une notion fondamentale dans le poker actuel (en tournoi et encore plus en cash game) : le hand range. Plutôt que de chercher à mettre son adversaire sur une main, on essaie de le mettre sur un « panel » de mains qu'il peut avoir. Afin d'adopter une stratégie qui soit le plus rentable possible sur ce panel. Et plus seulement sur quelques mains.

Imaginons que j'aie A-A au Bouton. Et le joueur à ma droite relance. Ma stratégie doit être différente selon qu'il relance :

- 3% du temps. Il a probablement un monstre qu'il ne pourra jamais coucher. Mon intérêt est donc de le pousser à s'investir au maximum préflop, si possible à tapis : ma fold equity est nulle et ça tombe bien, je ne souhaite pas qu'il se couche.

- 10% du temps : son hand range commence à devenir assez large, avec quelques mains qui ne supporteront pas la pression. Mais peuvent très bien être jouées agressivement ou, en tout cas, paieront assez facilement une surelance. L'important, ici, va être de trouver une stratégie qui optimise nos résultats sur ses meilleures mains (ce qu'on appelle la partie haute de son hand range, ou top range). Mais aussi sur le reste de son range (ou, en tout cas, sur la portion la plus large possible de son range). Il va être facile de jouer son tapis quand il a une grosse main. Mais il est encore plus intéressant de l'amener aussi à investir plus qu'il ne devrait quand il a une paire moyenne ou As-Valet par exemple. La stratégie idéale ne sera pas toujours la même, et va essentiellement dépendre de notre profondeur de tapis et de notre connaissance du joueur. De ses tendances.

30% du temps : son hand range est ici tellement large que sous-jouer les As devient presque une évidence. A moins que notre voisin soit une maniaque complet, qui réagit systématiquement à une surelance par l'offensive ou ne sache absolument pas abandonner une main, toute agressivité de notre part va le voir abandonner le coup la très grande majorité du temps. Même si on dispose de seulement 15 blindes, il va souvent être plus intéressant de le laisser s'empaler au flop plutôt que de simplement ramasser sa relance et les blindes (même si cela représente un résultat non négligeable pour notre tapis, surelancer avec AA revient au même que de le faire avec 72 : la fold equity est tellement importante que le résultat est prévisible).

Une semaine en arrière, une réflexion en plus

Si je reviens à l'exemple de la semaine passée, il serait beaucoup trop optimiste d'imaginer que notre adversaire puisse coucher As-Dix, Dame-Roi ou paire de 7 pour 8 blindes. A la bulle d'un gros tournoi live, face à un adversaire un peu faible, oui. Mais, sur Internet, cela n'arrivera quasiment jamais. On peut raisonnablement assumer que, dans tous les cas, et quel que soit notre adversaire, il nous paiera systématiquement au moins 10% du temps. Et sa range pour payer se situe probablement au-delà.

Il n'est pas vraiment possible de donner un chiffre précis, c'est là que votre lecture du jeu, votre compréhension, votre expérience entre en jeu. Disons que, selon les adversaires, ce sera quelque part entre 15 et 25%, les joueurs qui paieront avec 30% étant déjà plus rares (mais ils ne sont pas non plus exceptionnels).

Peu importe, il ne nous en faut pas plus pour prendre notre décision : si vous pensez que votre adversaire ne lâchera aucun As, aucune paire ni même des mains aussi marginales que Dame-9 ou Roi-7 assorti, vous pouvez estimer qu'il vous paiera 30% du temps. Peut-être un peu plus. Peut-être un peu moins. Il ne s'agit pas non plus d'une science exacte. Mais c'est assez, dans ce cas, pour être passé au-delà du point d'équilibre où vous pouviez faire tapis sans regarder votre main.

Si, au contraire, vous estimez qu'il sera plus sélectif, vous pouvez sauter sur l'occasion (et sans regret quand il vous paie, je rappelle qu'on est alors gagnant quoi qu'il fasse).

De la logique à l'action

Le bon réflexe à avoir, dans ce genre de situation, est de savoir de quelle fold equity on a besoin pour être rentable (le point d'équilibre). Avec 8 blindes, il nous faut 70% de fold equity pour faire all-in avec 72o (et être rentable). Ce qui nous donne une hand range de call à partir de laquelle on perd à long terme (ici, s'il paie 30% du temps, on est au mieux sur une situation marginale). Et de se poser la question de savoir si notre adversaire est du genre à payer avec les plus mauvaises mains de ce range. Ou pas.

Cette relation fréquence-hand range est cruciale pour tout calcul de rentabilité. Elle est même plus importante que la main dont on dispose (pour rappel, dans l'exemple à 8 blindes, on cherche à savoir si on peut faire all-in avec 72o). On verra dans les semaines à venir comment la combiner avec la fold equity pour déterminer la rentabilité d'actions agressives (ou comment cette relation détermine notre fold equity).

Mais il me semble indispensable de bien l'assimiler avant tout. D'arriver à penser en simultané en pourcentage et en panel de mains. C'est une étape majeure vers une compréhension mathématique du poker. Et, comme pour la fold equity, ce n'est pas une étape très complexe. Elle nécessite juste un peu de pratique. Il est hors de question de faire ce genre de calcul pendant qu'on joue. Ce sont vos « devoirs à la maison » : PokerStove, un tableur, changez une variable par ci, une autre par là, observez comment le résultat change. Et retenez, ou notez, les valeurs intéressantes. Vous verrez vite que celles-ci reviennent régulièrement dans vos tournois.

Bon courage !

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NDLR : Kipik est un joueur de poker français, spécialiste des tournois en ligne. Retrouvez chaque mardi sa chronique sur Pokernews et rejoignez-le sur notre m'interroger sur le forum.

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