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Chronique Kipik : le poker, plus c'est dur, plus c'est bon

Chronique Kipik : le poker, plus c'est dur, plus c'est bon 0001

NDLR : Kipik est un joueur de poker français, spécialiste des tournois en ligne. Retrouvez chaque semaine sa chronique sur Pokernews et rejoignez-le sur notre forum.

En réaction à ma première chronique, on m'a fait la remarque que ce que j'avais connu n'était plus d'actualité. C'est tout à fait vrai. Et croyez bien que je regrette cette époque bénie (et regrette encore plus de ne l'avoir connue que tardivement) où chaque jour apportait des milliers de nouveaux joueurs avec pour tout bagage quelques vidéos de tables finales vues à la TV. Quand ce n'était pas seulement Rounders…

Depuis que j'ai commencé à jouer -et ça ne remonte pas non plus si loin que cela !- les forums comme Pokernews se sont multipliés et ont gagnés en qualité ; les livres qui se comptaient sur les doigts d'une main, et n'étaient souvent pas très bons en plus, remplissent aujourd'hui une bibliothèque; même le coaching, que ce soit individuel ou en groupe, est devenu banal ; et quasiment n'importe quel joueur qui a connu un peu de réussite a ouvert son blog, parle de ses mains et s'est déjà filmé en train de jouer.

Après le boom des joueurs vint le boom de l'information.

Et le niveau général n'a cessé de s'améliorer.

Si vous découvrez actuellement le poker, ou envisagez d'y jouer plus sérieusement, il faudra vous y faire : le jeu s'est durci ces dernières années. Certes, il restera toujours des nouveaux venus, arrivés là comme par hasard, réfractaires à toute notion théorique ou qui souhaitent juste se faire plaisir (pour beaucoup –la majorité ?-, le poker est un loisir… où l'on s'amuse !). Mais, globalement, le joueur de poker a gagné en éducation. Et c'est une évolution que l'on constate à tous les niveaux. Y compris (même si c'est bien évidemment relatif) aux plus petites limites…

Alors, on peut se plaindre que ce n'est plus aussi facile qu'avant. C'est vrai. Ou on peut y voir un formidable moteur de motivation. De progression. Cela exige certes plus d'efforts. Mais, soyons honnêtes, le poker reste tout de même un jeu facile. En tout cas pour qui s'en donne la peine et joue dans ses moyens.

Aux débuts du poker online, si les adversaires étaient excessivement mauvais, on ne pouvait compter que sur sa propre expérience pour progresser. Pire : on pouvait en fait ne pas progresser et continuer à gagner. Et beaucoup, dans ces conditions, ont stagné… jusqu'au jour où, inévitablement, ils se sont faits dépasser. Paradoxalement, alors que le niveau ne cesse de s'élever, il n'a en effet jamais été plus facile qu'aujourd'hui, pour quelqu'un qui souhaite s'impliquer, s'instruire et « comprendre » le jeu, de trouver l'information qui lui permettra de progresser très rapidement et de voir ses résultats monter en flèche. C'est tout le mal que je vous souhaite : connaître ce moment magique dans la vie d'un joueur, où l'on peut presque voir grandir jour après jour la différence entre son talent et celui de ses adversaires (son « edge »). Où le poker devient évident. Où l'on commence à croire en ses chances. Et à envisager l'avenir (même si on oublie trop souvent que des milliers de joueurs connaissent au même moment la même progression)…

Pourtant, pour le débutant d'aujourd'hui, la profusion d'informations à sa disposition n'a pas que des avantages. Et peut même vite devenir son pire ennemi. On discute ainsi beaucoup plus sur les forums de mains où la décision est très délicate… justement car la décision fut très délicate/ et pour une somme (financière ou en blinds de tournoi) importante. Or, ces mains difficiles n'ont en réalité que souvent peu d'intérêt : ou leur résultat est extrêmement marginal. Ou elles arrivent tellement rarement que s'y intéresser n'est pas loin de la perte de temps. Mais on discute très peu de toutes ces mains qu'on joue tous les jours, où, sans même s'en apercevoir, il y avait un peu plus à gagner. Un peu moins à perdre. Ou un peu mieux à faire. Et c'est encore pire en tournois, où l'on se focalise à l'excès sur les mains qui nous éliminent. Et pas assez sur celles, anodines et souvent pas jouées d'ailleurs, qui ont fait qu'on s'est retrouvé à tapis contre un adversaire qui nous couvre. Ces mains là se noient dans la masse. Et dissimulent souvent nos propres lacunes.

De même, aussi bons soient les livres à disposition (le boom du poker a aussi amené son lot d'ouvrages sans aucun intérêt), ils ne peuvent qu'avoir une approche théorique ou, et j'ai envie de dire dans le meilleur des cas, refléter le style de leur(s) auteur(s). Les vidéos postées en ligne sont également très « result oriented » : qui s'est déjà amusé à publier une vidéo où il se fait défoncer sur 4 tables de cash game ? Ou éliminer après 90 minutes de tournoi sans quasiment avoir joué une main (pas moi, en tout cas) ?

Si l'information ne manque pas, elle peut aussi nous faire oublier ce dont personne ne parlera jamais : nos propres lacunes et faiblesses; nos propres erreurs ; nos propres tendances naturelles qu'il lui faudra éliminer (ou, au moins, dominer). Il faut certes se servir de l'information disponible pour s'éduquer. Mais aussi ne pas s'y perdre pour se comprendre.

Une autre façon de dire les choses est de rappeler que, quel que soit le volume et la qualité de l'information disponible, l'essentiel reste de jouer. Et de jouer beaucoup. Car rien ne remplace, finalement, la pratique.

C'est ce qui m'a le plus surpris en coachant des joueurs de petites limites. Tous disposaient d'un excellent bagage théorique. Tellement plus que moi quand je jouais aux mêmes limites ! Mais, dans le même temps, cette culture les paralysait (au moins partiellement). C'est une bonne chose de penser à « pot contrôler » parce que la main de notre adversaire est incertaine. Mais c'est une lacune de le faire pour se simplifier la vie plutôt que de réfléchir en profondeur, par exemple, à ce que notre adversaire peut avoir. Quitte à se tromper. Si on a peur de se tromper, et de perdre sa cave de NL25 ou de sortir de son tournoi à $4.40, qu'en sera-t-il quand on jouera dix fois plus gros ?

Si les joueurs d'aujourd'hui sont plus « éduqués », il y a souvent loin du bagage théorique à sa mise en pratique… la partie badbeats du forum est là pour en témoigner si par hasard il vous arrivait de l'oublier (après un coma prolongé par exemple). Et la théorie ne doit surtout en aucun cas brider notre jeu. Elle doit le guider, pas devenir un carcan rigide dans lequel on s'enferme.

Inutile donc de s'inquiéter outre mesure si certains concepts vous semblent trop complexes. L'apprentissage du poker se fait par paliers, comme la décompression. Et vouloir aller trop vite, ou trop loin dans les concepts avancés, est le plus souvent une erreur (d'autant que, si vous jouez en petites limites, jouer simple est généralement une excellente idée… sinon la meilleure). Il est normal, naturel, d'avoir envie de progresser. De passer à la limite supérieure. De vouloir devenir « bon » et jouer des mains de folie comme en high stakes . Mais Durrr, et les autres, ne se sont pas « faits » en un jour. Ils sont le résultat de (centaines de) milliers mains. Avec toute la réflexion, et les erreurs de réflexion, qui vont avec.

Et ce sera ma conclusion de la semaine : oui, avec la multiplication des sources d'information, le niveau aujourd'hui est nettement plus relevé hier. Et il sera probablement encore plus relevé demain. Mais le poker reste un jeu somme toute assez simple, où l'on peut, encore et toujours, être gagnant. L'information est là, il n'y a qu'à se servir. Mais se seront toujours ceux qui ne se contenteront pas de se servir qui iront le plus loin. Il était facile, il y a encore quelques années, de gagner car la très grande majorité des joueurs avait la fainéantise de réfléchir. Cette grande majorité est aujourd'hui mieux informée et comprend, plus ou moins bien, les principes de base du jeu. Mais la nature humaine est ce qu'elle est : la majorité n'aura jamais vraiment le courage de pousser la réflexion jusqu'au bout. De travailler son jeu. D'acquérir la discipline nécessaire à devenir un joueur régulier, gagnant.

C'était peut-être plus facile avant. Mais c'est bien motivant maintenant !

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