Légendes du Poker - Scotty Nguyen
Voici le portrait du joueur de poker américain et champion du monde WSOP 1998 Scotty Nguyen.
"Si tu suis, ca ne va pas être beau à voir, baby". Esbroufe dissuasive ou guet-apens caractérisé, la dernière crânerie de Scotty Nguyen lors de la finale des World Series of Poker 1998 ?
Il s'agissait de la main finale mettant un terme du championnat $10.000 des World Series of Poker 1998 face à Kevin McBride. L'agressivité, la confiance outrancière, l'humour a toujours fait partie du jeu de Scotty Nguyen. Et c'était la seule chose que voulait entendre Kevin McBride. Il suivit avec la totalité de son tapis sur une main durant laquelle il avait été l'agresseur de bout en bout jusqu'à la rivière. McBride suivit donc, et le tournoi fut terminé pour lui. Nguyen abattait un full de neuf par les huit et remportait dans le même temps un million de dollars. Ainsi qu'un bracelet en or. Le rêve prenait une forme concrète pour Scotty qui entrait dans une autre dimension.
Car Nguyen n'est pas un prodige du poker. Son ascension remarquable jusqu'à atteindre le star-system du monde du poker est aussi improbable que son habilité à survivre durant son enfance au Vietnam déchiré par la guerre. Né à Nha Trang le 28 octobre 1962, Scotty a grandi parmi ses 15 autres frères et soeurs de sa famille. Il dédit l'ensemble de ses succès à sa mère : "elle a dépensé chaque centime qu'elle économisait pour m'envoyer aux Etats-Unis, sans elle je n'aurais jamais pu accomplir tout ça".
En 1974, poussé par sa mère et par quelques autres habitants de son petit village qu'il considérait, Nguyen pris sous ses bras le peu de choses qu'il possédait et embarquait à bord d'un navire pour les Etats-Unis. Une fois arrivé à Chicago et pris en charge par des proches, Scotty tenta de s'adapter au style de vie des américains. Sa famille lui manquait, il se battait pour apprendre un nouveau langage tout en maudissant le mauvais temps. Par la suite, il fut accueilli par une seconde famille à Costa Mesa en Californie. Il reste que les différences culturelles étaient toujours difficiles à avaler.
Comme beaucoup de jeunes gens, il fut virulent dans le système scolaire et son voisinage. Il cassa son lot de vitres, vola quelques bicyclettes, et considérait que le lycée étaient inutile, que l'école ne constituait qu'un poids dans sa vie. Et comme beaucoup de jeunes gens (et particulièrement aujourd'hui), il trouva dans le poker un divertissement qui l'excitait. Il joua avec des amis, puis dans les arrières salles. Lorsqu'il en éprouvait la nécessité, il trouvait toujours un moyen de réunir quelques sous pour entrer dans des parties, puis il franchit la porte des cercles de jeux. Le changement d'atmosphère ne modifia pas de beaucoup ses résultats. Il perdait toujours.
Dans son esprit, Las Vegas devait bien être un endroit plus excitant encore. Cette pensée l'intoxiquait, la ville représentait le pouvoir, et Scotty déchaîné par sa confiance ne tarda pas à prendre la direction de Las Vegas en 1989 à l'âge de 21 ans. Il tenta de jouer au poker pour un temps, mais son jeu n'avait pas été assez travaillé pour qu'il puisse se reposer dessus sur le long terme. Il prit un travail dans deux casinos, le Harrah's Holiday et le Golden Nugget. Entre ses deux jobs, il prenait part aux jeux low-limit et apprit en regardant les joueurs de plus près. Il apprit aussi à être agressif et à gérer sa confiance.
Nguyen se voua à ce qu'il considérait comme la voie du succès, tout en se disant que le poker représentait le meilleur moyen pour nourrir sa famille. Il se mit donc à joueur plus sérieusement. Après deux années de hauts et de bas, passées à perdre parfois l'ensemble de son argent qu'il avait en réserve sur une soirée, il quitta son second travail pour jouer à plein temps. Ses résultats devinrent excellents.
Scotty apporta de la vitalité au jeu, comme peu de joueurs peuvent le faire. Il arbore un sourire, fait rire les tables, il prend du plaisir. Il fait également face à ses adversaires avec un style hyper agressif qui l'amène à prendre une bonne partie des pots sans montrer ses cartes.
Agé de 23 ans, Nguyen atteint son premier objectif en dépassant le million de dollars de "bankroll" (réserve d'argent). Il fêta l'événement au Caesars Palace et en perdit 99 pour cent. La leçon était difficile à accepter, mais il explique que cette expérience l'a rendu plus dur.
Les années qui suivirent, le style "pas de prisonniers" de Scotty le servit plutôt bien, mais lui fit perdre son bankroll plus de fois qu'il ne peut le dire. A chaque fois qu'il touchait le fond, Scotty retournait à un jeu Limit moins important et recommençait à zéro. Rien ne pouvait l'empêcher d'imaginer qu'il était le meilleur.
En 1995, Nguyen atteint une place payée pour la première fois dans un tournoi des World Series of Poker. Il empocha 157.000$ et un bracelet en or en 1997 durant un tournoi Omaha huit ou plus à 2.000$. A partir de ce jour, Scotty s'autoproclama meilleur joueur d'Omaha huit dans le monde. Ses résultats parlaient pour lui, et bien qu'essentiellement joueur de tournois, il accepta et accepte toujours de nombreux défis à n'importe quel prix. Et il y a peu de preneurs.
Nguyen se hissa au sommet du monde du poker en 1998 lorsqu'il remporta le championnat des World Series of Poker. Comme dans la plupart des jeux auxquels il participe depuis, Scotty usa de sa capacité (et de sa roublardise sans fond) pour manipuler ses adversaires pour en faire ce qu'il désire. Bien qu'il soit très plaisant à écouter la plupart du temps (du moins jusqu'à ce qu'a sa huitième bière), il n'est pas rare qu'il en vienne à taper sur les nerfs de certains joueurs, souvent à l'avantage de Scotty d'ailleurs. Il peut se monter drôle à une table, mais encore une fois, son jeu lourd, pousse au crime, agressif est destiné à mettre certains joueurs à nu, et à les conduire à commettre des erreurs.
Nguyen est aussi un joueur à vif et résistant, qui joue de plus en plus à mesure que les cartes lui sont favorables. Un bon exemple en est l'édition 2001 des World Series of Poker lorsqu'il fut payé trios fois au bout d'une course de huit jours, accrochant un bracelet en or lors d'un tournoi Omaha Hi-Low Split à 5.000$.
Un autre exemple est celui du tournoi Festa al Lago en 2003 où il fut payé trois fois (avec deux premières places) en cinq jours. Le mois suivant, il atteignit quatre tables finales (encore une fois, avec deux premières places) aux Légendes du Poker à Los Angeles en 2003.
Scotty commença à joueur aux tournois du World Poker Tour en 2003 et apparu à l'occasion de plusieurs tables finales, dont une première place dans le récent Open "Gold Strike World Poker" 10.000$ de Tunica en janvier 2006. Il figure actuellement à la troisième place dans la liste des plus gros montants de tous les temps touchés par des vainqueurs de tournois. Et ce derrière Joe Hachem (qui empocha la plus grande partie de ses 7,6 millions de dollars lors du championnat des World Series of Poker en 2005) et Daniel Negreanu.
Pour être honnête, plus rien de ce que fait l'homme ne me surprend encore. Sa renommée, tout comme son rire, est contagieuse et à l'exception des cas où vous vous retrouvez devant l'un de ses nombreux all-in, le "Prince du Poker", Scotty Nguyen, est un joueur terriblement attrayant. Je crois que rien, ni personne, ne peut arrêter Scotty. Il est assurément une légende du Poker.
NDR: Un seul moyen de rencontrer Scotty... Qualifiez-vous pour les World Series of Poker par exemple sur CD Poker