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Interview Poker - Antony Lellouche, « guerrier de l'apocalypse »

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Interview Poker - Antony Lellouche, « guerrier de l'apocalypse » 0001

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Antony Lellouche, 27 ans, était considéré depuis longtemps comme l'un des meilleurs espoirs français du poker. Il concrétise finalement son rôle de leader naturel au sein de la team Winamax en remportant à San Remo une brillante deuxième place lors du premier tournoi italien de l'European Poker Tour (EPT). Après Londres en septembre 2007, c'est sa seconde table finale dans une même saison EPT.

L'Italie était sans doute le moment de révéler ce nouveau gladiateur du poker. Interview.

Pokernews : « Antony, une victoire dans un tournoi majeur, qu'est-ce que cale signifie pour toi ? »

Antony Lellouche : « Pour moi, le tournoi est avant tout un plaisir. Chaque coup gagné est une étape vers la victoire, contrairement au cash game. L'intensité de ce plaisir est un crescendo qui augmente avec la diminution des joueurs restants. »

Pokernews : « Le public français voulait ce grand moment, qui, semble-t-il, se faisait attendre. S'est il opéré en toi un autre état d'esprit? »

AL : « Auparavant, je voulais sans doute prouver au monde que je savais jouer. Je jouais plus de mains marginales. Le panache avait son importance, cette forme d'expression me paraissait nécessaire aux yeux des autres, mais ne trouvait pas d'amplitude sur la durée. Il est peu probable que le spectacle s'accorde avec le résultat. La recherche du spectaculaire traduit quelque part le doute qui est en toi. J'ai moins de peine à trouver mon équilibre aujourd'hui parce que je suis convaincu d'une chose : je sais que je sais jouer. »

Pokernews : « Les italiens étaient nombreux dans la foule lors de cette finale à San Remo, mais nous entendions tout de même des supporters scander ton nom dans le public. Es-tu sensible à ce soutien moral ? »

AL : « C'est important. Des amis me soutiennent durant les tournois. Ils me permettent de décompresser. Cependant, je ne suis pas toujours accompagné. Par exemple, à Londres [NDR: EPT 2007], j'étais seul. Je peux trouver la concentration malgré la solitude. »

Pokernews : « T'arrive-t-il de perdre confiance en toi ? »

AL : « Jamais. Si… peut-être trois fois dans ma vie, pendant deux heures. Mais dans ces cas là, je prends un douche, je dors, et ça repart. »

Pokernews : « Quelles périodes de ta vie t'auront marqué ? »

AL : « Au début des années 2000, alors que j'étais très jeune, j'ai eu l'opportunité de pratiquer de manière intense dans un cercle de jeux parisien. En fait, les parties n'étaient pas orthodoxes, nous pratiquions le combat plus que le poker. L'endroit avait son Bayard qui me disait que nous étions des « guerriers de l'apocalypse », il parlait d'arènes et de gladiateurs. Nous étions dans la Rome Antique où les joueurs étaient plutôt des combattants déchainés que des professionnels aguerris. Je jouais dans un péplum où les têtes tombaient chaque jour. Au delà des sommes, j'y ai gagné force et endurance. Depuis, j'ai perdu cent fois mon argent, et cent une fois je suis revenu de l'enfer. »

Pokernews : « Comment reprends-tu confiance ? »

AL : « La douche ! Le réveil, une douche, et ça repart. Quand je gagne par contre, je dors peu, j'ai envie de voir le jour, la vie, de voir mes amis, de passer du temps avec mon entourage. »

Pokernews : « Quel est ton meilleur souvenir ? »

AL : « Ma troisième place au Deuce-to-Seven lors des World Series of Poker en 2007. Il ne s'agit pas d'argent, encore une fois. Personne ne se souviendra de ce tournoi. Sauf moi ! »

Pokernews : « Ton plus mauvais souvenir ? »

AL : « En 2005, à Las Vegas, un tournoi du World Poker Tour, le « Doyle Brunson North America » au Bellagio. Je suis 2ème cheap leader avec mon tapis, je suis très bien. Un certain Tran est de blind, j'ai 3-5 au bouton, je fais une relance normale et un joueur inconnu call à la petite blind, il a juste une pièce de plus que moi. Le flop : D-4-7, dont deux cartes à Trèfle. La petite blind check, Tran à la grosse blind check aussi, je relance le pot de manière mitigée. Call de la petite et grosse blind. Un 6 de trèfle sort sur le turn. J'ai une quinte. Check, check. Je mise deux tiers du pot et la petite blind fait tapis. Je ne le vois pas avec deux trèfles. Instant-call de ma part. Il a deux As ! Dont l'As de trèfle. Tréfle à la river, c'est l'assommoir.

Pokernews : « Ce n'est pas mal joué ! »

AL : « Est-ce que j'ai dit que le coup était mal joué ? C'est émotionnellement que c'est difficile… »

Pokernews : « Tu as payé en étant sûr qu'il n'avait pas les trèfles… »

AL : « Peu importe. C'était l'une de mes premières opportunités d'accrocher un résultat dans un tournoi prestigieux, et ce genre de déconvenue agit comme un couperet sur le moment. Le seul avantage reste que ce genre de coup aide à se forger une carapace. Si c'était à refaire aujourd'hui, je le jouerais de la même façon sans en ressentir les mêmes effets. Pour la petite histoire, ce joueur a terminé second et Carlos Mortensen a gagné le tournoi. »

Pokernews : « Penses-tu te retirer un jour du jeu avec un somme déterminée ? »

AL : « Oui. J'arrête de jouer au poker pour me consacrer à mon métier, négociateur immobilier. La négociation de haut niveau, c'est comme au poker. »

Pokernews : « Prends-tu plus de plaisir en tournoi ou en cash ? »

AL : « En tournoi, cent fois plus. En cash, je sais qui je vais jouer généralement, y compris à Las Vegas. »

Pokernews : « Ton jeu préféré ? »

AL : « L'Omaha 4 ou 5 »

Pokernews : « Quel joueur te donne le plus de plaisir ? »

AL, après réflexion : « Thomas… Thomas L'Espagnol »

Pokernews : « Quel est le joueur français, à part David Benyamine, que tu considères comme performant ? »

AL : « Ian Boubli »

Pokernews : « Paradoxalement, dans les parties françaises de high stakes, on a l'impression que la plupart des participants ont plus de moyens que de maitrise parfaite du jeu. »

AL : « Par ce que, justement, ils en ont les moyens. »

Pokernews : « Pourquoi ces gens qui ont les moyens se permettent de jouer dans ces parties ? Ces joueurs existent-ils encore ?»

AL : « Parce qu'ils considèrent que c'est un challenge. Ils espèrent battre les meilleurs. Ils cherchent des émotions. C'est aussi une façon pour eux d'affirmer d'emblée leur rang social. »

Pokernews : « Toute personne qui a réussi a du génie en lui. L'homme d'affaire, très présent dans le poker, considère-t-il pouvoir appliquer son génie au jeu ? »

AL : « Oui… Récemment, j'ai pris deux coups à un italien, il râlait, je lui ai dit : tu as une belle montre ! Un manière de lui rappeler qu'il a les moyens. Les gens qui ont réussi dans le milieu des affaires cherchent une similitude avec le poker. Ils appliquent leur méthode au jeu, en regardant les joueurs de haut niveau comme des concurrents directs. Mais bien souvent, l'infériorité est trop flagrante. Cela a pour effet de fortement les agacer. Ce qui ne les décourage pas pour autant : ils considèrent qu'ils trouveront toujours le moyen d'aboutir à leurs fins. »

Pokernews : « Quel serait pour toi une situation idéale dans six mois ? »

AL : « Dans six mois ? C'est trop long, il y a Vegas et les World Series of Poker. Je vise une finale. »

Pokernews : « Dans dix ans ? »

AL : « Avoir un enfant dans cinq ans… une femme… et une affaire qui marche. »

Pokernews : « Dans trente ans ? »

AL : « Je ne veux pas que mon fils joue au poker, c'est trop difficile. »

Pokernews : « Si tu devais donner un conseil à un joueur ? »

AL, après réflexion : « Faire du sport. C'est très important. Et puis savoir souffrir au début. »

Pokernews : « Tu as beaucoup souffert au début ? »

AL : « Plus que personne. C'était de la souffrance utile. Lorsque je suis arrivé à 20 ans dans ce cercle à Paris, j'ai pu acquérir une carapace au prix de multiples déceptions. J'y ai aussi trouvé un soutien amical, ce qui m'a aidé dans le temps. Cet apprentissage dans un milieu hostile a contribué à me rendre plus fort psychologiquement. »

Pokernews : « Estimes-tu cet apprentissage nécessaire a posteriori ? »

AL : « Oui. Un joueur qui ne connait pas les tourments de la perte et les ennuis liés au jeu sera beaucoup plus fragile. J'ai souffert, et je me sens plus fort mentalement. Après ça, il ne peut plus rien m'arriver. Un conseil : si tu as un enfant, fait en sorte qu'il ne joue pas au poker. Pour arriver à gagner, il faut souffrir. Je me suis cassé trois fois la main, de rage, en tapant sur les murs. »

Pokernews : « Le poker peut-il être un ascenseur social ? »

AL : « Non ! Il ne faut pas le considérer comme tel. Bien jouer dans le monde du poker apporte la reconnaissance de ses pairs, voir un contrat de sponsoring dans certains cas. Cependant il ne faut pas se leurrer, c'est aussi une jungle. Je conseillerai d'avoir une activité génératrice de revenus par ailleurs, tout en pratiquant pour le plaisir avant tout.

Pokernews : « Merci Antony. Souffrance et humilité au poker. Telle est la leçon que nous retirons de tes propos… Et nous ne pouvons nous empêcher de laisser la conclusion à Rudyard Kipling : « Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite / Et recevoir ces deux menteurs d'un même front, / Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire seront à tout jamais tes esclaves soumis.» »

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Tête à tête Lellouche / Mercier - EPT San Remo 2008

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