Interview Poker - Eric Koskas : Indiana Jones du poker
Jouez avec Koskas et Lellouche sur Winamax
Les grands tournois de poker font sortir subitement de l'ombre certains joueurs, tel une levée subite de rideau sur la scène. Ce n'est pas le cas pour le marseillais Eric Koskas, 35 ans, qui vient de terminer 4ème de l'European Poker Tour San Remo début avril 2008. Bien avant ce passage sous les feux de la rampe et son intégration dans l'équipe de joueurs pros Winamax, il faisait parler déjà parler lui.
« Moumouth », son pseudo de joueur en ligne, était déjà bien connu des fans de poker High Stakes online. Eric « Moumouth » Koskas joue dans des sphères à plusieurs zéros étrangères au commun des joueurs. Son jeu déroutant et très agressif, fait de variance spectaculaire, suscite parfois l'incompréhension de ceux qui ne peuvent accéder, durer et s'exprimer dans cet univers allogène où les tapis représentent des sommes colossales. Eric n'a jamais changé son jeu malgré la critique, il n'a jamais douté, et c'est cette force que l'on retrouve chez les grands joueurs qui adaptent leur jeu, sans jamais le changer.
« Moumouth » ne doit rien à personne. Son jeu atypique et sa joie de vivre intéressent et intriguent. C'est sans doute pour cette raison qu'il a plus de mérite qu'un autre de se retrouver parmi les meilleurs.
Si l'on suit Eric, nous sommes vite entrainés dans une série de cascades, de rebondissements et de péripéties multiples, où l'action est continue, le suspens permanent et les surprises de taille. Nous sommes donc allés interroger cet « Indiana Jones du poker », à la fois fort et fragile, après son parcours italien.
Pokernews : « Bonjour Eric. Il parait que tu es un surdoué des chiffres. Tu es capable de retenir les codes à barre ou les plaques minéralogiques d'une voiture pendant très longtemps. Est-ce la raison qui te pousse à ne pas jouer les figures ? »
EK : « Il est vrai que j'affectionne particulièrement les petites mains, c'est une manière stratégique de jouer. Il est plus facile de créer l'accident ou du moins la surprise avec ce genre de combinaisons. Inversement, je crains de jouer les grosses mains. Elles apportent souvent des déconvenues et peuvent être terribles, de plus, elles excluent le bluff, ce qui enlève du piment au coup joué.
Pokernews : « Ta profession te relie aux pharmacies, aux maisons de retraite, tu viens du milieu médical. Cela se traduit-il dans ta manière de jouer, avec des poussées d'adrénaline suivi de coups à dose homéopathique ? »
EK : « J'ai un besoin permanent de me guérir moi-même. Je ne recherche pas la victoire, mais plutôt un aboutissement. Le style doit s'harmoniser avec le personnage que vous êtes. Beaucoup pratiquent un jeu dénaturé par pure nécessité, tout en réfrénant leur pulsion, ils se mentent à eux-mêmes. J'ai pour ma part, choisi l'authenticité en adaptant mon jeu à mon personnage sans calquer des modèles préétablis. J'ai refusé d'être une copie, au risque d'essuyer des reproches, voir des railleries. Sans jamais baisser les bras, j'ai tracé mon chemin. San Remo est une étape qui rassure mes convictions sans prétentions aucune.
Pokernews : « Imaginons que tu gagnes trois EPT… »
EK : « Aujourd'hui, je n'en suis qu'au perfectionnement de mon jeu. Je n'ai pas encore fait assez dans ce domaine. Pour moi, je considère déjà que je suis dans le circuit, bien que je ne me considère pas comme un pro. Lorsque nous sommes restés à quatre pour cette finale, j'avais déjà gagné. J'estimais que n'importe lequel d'entre nous pouvait gagner et mon style avait déjà prouvé son efficacité »
Pokernews : « Prévois-tu de te consacrer plus au jeu ? »
EK : « Non. Je ne pense pas. Ca reste secondaire. C'est un plaisir de faire des compétitions. Je pense être quelqu'un capable d'arrêter le jeu car je considère que je suis arrivé à mes fins. Pour gagner à quatre lors de la finale, j'ai mis la stratégie de côté. La volonté, je ne l'avais pas. Si je perdais, ce n'était pas grave. Finir dans les 4, dans les 5 même, c'était une question de prestige. »
Pokernews : « Tu avais des supporters ? »
EK : « J'ai joué pour moi d'abord. C'était bizarre, cela n'a pas beaucoup joué, dans ma tête, je suis resté en moi. »
Pokernews : « Si tu es tout seul, tu es tout aussi bien… »
EK : « Il y avait un mur entre eux et moi, je jouais tout seul. Oui, par contre, j'ai besoin que du monde me regarde, sur les écrans de télévision par exemple. »
Pokernews : « Lors de la finale, à un moment, tu t'es levé, et tu as dit, il a deux Dames ou il tente de bluffer… »
EK : « C'était intérieur, pour justifier au monde mon call, on parlait aux gens de mon jeu, je parlais au monde... Je sais qu'il n'avait rien, et on le verra à la télévision. Cette fois, j'ai été phénoménal de refuser de prendre…. Après, c'est la chance m'a aidé. »
Pokernews : « On dit que ta première partie de poker s'est déroulée à Marseille par le biais de Romain Fériolo… »
EK : « Il m'a dit : ce jeu est fait pour toi. Moi, je l'ai vu jouer à Monaco. Je ne prenais pas la mesure de la performance… Romain y jouait son second tournoi. La complexité du Texas Hold'em semblait adapté au style de jeu que j'aurai pu imprimer. »
Pokernews : « Si tu vas au paradis, tu y vas en Ferrari ou en Cheval Blanc ? »
EK : « En Cheval Blanc. Je préfère le vivant au matériel. »
Pokernews : « Le cheval… cela ne te rappelle pas les tournois d'antan ? »
EK : « La noblesse, la mise à mort peut-être…. Ou le coté justicier. Si quelqu'un est antipathique, j'ai envie de l'éliminer. Par contre, les quatre finalistes, je n'avais pas envie de les battre. Après, c'était le destin. »
Pokernews : « Tu refuses la médiocrité ? Le poker, reflet de la vie ?»
EK : « Parfaitement. Les gens qui jouent bien sont généralement des gens bien. Je ne connais pas un très bon joueur de football qui ne soit pas intéressant dans la vie. J'ai une opinion des gens en fonction de leur façon de jouer. C'est pour cela que lorsque je n'apprécie pas un joueur, je peux être exécrable. Lorsqu'un joueur paie souvent, il est généreux. Lorsqu'un joueur joue agressif, c'est un humain. Un joueur serré est une personne qui n'a pas une forte sensibilité. »
Pokernews : « Si tu écrivais un livre sur le poker, comment le titrerai-tu ? Leçon de la vie ?»
EK : « Trop banal. J'ai besoin d'originalité. « Le poker, la lumière de la vie », ou bien « La lumière de l'âme ». En jouant au poker, tu peux entrevoir le reflet de l'âme. »
Pokernews : « Lors de la finale à San Remo, tu ne t'es pas rasé. Est-ce du fétichisme ?»
EK : « Non, mais ça me rassure, c'est un jeu. Embrasser sa bague, porter la même veste, pendre l'ascenseur avec Antony… [NDR : Anthony Lellouche] Ca n'allait pas plus loin que ça, et ça me faisait rire. Alors que pour certains, le fétichisme est un impératif. »
Pokernews : « Tu es désormais sponsorisé par la salle Winamax. Que représente pour toi le sponsoring ? »
EK : « Avant, je refusais le sponsoring. Je ne faisais rien, je n'avais pas de résultats notoires. Mais aujourd'hui, c'est une reconnaissance. Je voulais gagner d'abord et j'espérais par la suite un signe fort qui indique que l'on croyait en moi. Winamax m'a envoyé ce signe »
Pokernews : « Quel est le tournoi de tes rêves ? »
EK : « Le 25.000$ du Bellagio. Le Bellagio est un endroit mythique.»
Pokernews : « Le rêve américain ? »
EK : « Il existe encore. Il a triomphé dans les années 70-80 en France. Tout le monde a dit qu'il allait disparaitre, mais avec il réapparait, le rêve américain est un état d'esprit que la France semble à nouveau appréhender »
Pokernews : « Un bon joueur de poker peut-il être un bon ambassadeur ? A-t-il un message à délivrer aux débutants ?»
EK : « Il y a un problème d'humilité… Je ne peux pas faire passer un message ce serait trop prétentieux. Le poker, c'est une lutte contre soi même et le reste du monde. Il faut pouvoir se permettre de faire comme moi, accepter de perdre de l'argent sans jamais dénigrer ses convictions profondes.»
Pokernews : «En fait suivant le vieil adage : Il faut payer pour apprendre… Qu'est-ce qui t'enrichit dans le jeu ?»
EK : « Quant on me dit que Negreanu parle de moi.. Quand on dit du mal de moi et que ceux qui le font pensent se faire du bien... Les discussions avec les autres joueurs… lorsque j'envoie mon tapis avec rien…J'appréhende chaque situation avec philosophie en essayant d'en tirer un avantage ou une leçon pour la suite »
Pokernews : « Que penses-tu de l'expérience dans le jeu ? »
EK : « Le problème de l'expérience, c'est qu'elle enlève parfois le grain de folie, si tu arrives à joindre l'expérience au grain de folie… Le joueur de talent doit être fou. Le grand joueur de poker doit tendre vers le génie. C'est l'alliage de la folie et du talent. »
Pokernews : « Après être mort, et avant de ressusciter, quelle serait ta dernière phrase ?»
EK : « The show must go on… Messieurs, je ne vous ai pas assez bluffé, je reviendrai ! »
Pokernews : « Merci Eric. Nous nous avions bien compris que le poker était un Show pour toi. Un amusement sur écran géant ou tu donnes libre cours à ton expression. Sans masque, sans retenue, et surtout, sans prétention, tu pratiques ton jeu. Au fond, la conclusion ne serait-elle pas d'affirmer que : tous les génies subissent un élan d'incompréhension avant d'être légitimés sans controverse. »
Jouez avec Koskas et Lellouche sur Winamax
Le show Eric Koskas / Minieri - EPT San Remo 2008