Brenes et ses requins, par Dr Pauly
“The shark is hunnnnnnnnnnnngry!”
Humberto Brenes est une personnalité de la scène pokéristique mondiale. Avec sa célèbre moustache et sa casquette à la visière ornée d'un drapeau costa-ricain, il est reconnaissable de loin. Sans parler des requins.
La genèse du requin
Il y a quelques années de cela, Brenes a eu l'idée d'utiliser un requin en plastique. Cet ex-businessman, reconverti en joueur de poker professionnel, savait qu'il allait avoir besoin de trouver quelque chose qui sorte de l'ordinaire, qui le différencierait de la masse. Il admet lui-même que son anglais est un peu hésitant et a donc du sortir son sac-à-malice pour attirer l'attention des médias.
Brenes a donc introduit un requin miniature dans le monde du poker. Tout d'abord utilisé comme protège-carte, le charmant animal s'est rapidement intégré à la routine d'Humberto. Les équipes de télévision ont tout de suite adoré son sketch du requin et, depuis lors, les photographes de tous bords n'ont plus jamais cessé d'immortaliser Brenes et son squale.
Les ennuis commencent
Mais avec la célébrité vient le temps des critiques. Les forums poker l'ont traité de clown. Quelques puristes ont pesté contre l'irrégularité supposée de son petit numéro. Pendant la retransmission du Main Event des World Series of Poker sur ESPN, il est même devenu la tête de turc du commentateur Norman Chad, visiblement intarissable sur le dédain que lui inspirait le costa-ricain et son jouet en plastique.
Pourtant, Brenes apporte souvent de la bonne humeur aux tables. Après tout, le poker télévisé reste un divertissement et Brenes sait parfaitement comment se mettre le public dans la poche, malgré la barrière de la langue. Brenes et son requin ont rapidement noué une sorte de relation symbiotique : où que Brenes se rende (Las Vegas, Europe, Amérique du sud), le requin l'accompagne.
Mais aux World Series Of Poker 2008, Brenes a été forcé de le remiser au placard après que l'encadrement du tournoi lui eut infligé une pénalité pour "conduite anti-sportive". A la niche, le requin. La règle en question, qui bannit toute "célébration excessive", avait été décrétée l'année précédente, avec en tête les hurlements et les cavalcades d'Hevad Khan, une chaise sur la tête, lors des WSOP 2007.
Mais, du coup, cette nouvelle règle empêchait Brenes de se livrer au numéro qui l'avait rendu célèbre.
“No mas sharks” soupira un Brenes déçu.
Bien sûr, les requins étaient un super-moyen de figurer en bonne place dans les reportages des médias anglophones mais - et c'est ce que beaucoup d'entre nous ne savent pas - Brenes essayait aussi de sensibiliser le public à un problème écologique majeur : la réduction drastique de la population de requins dans le monde.
Brenes et Pretoma
Brenes travaille main dans la main avec Pretoma, un organisme de conservation marine basé au Costa Rica. Même si le gouvernement costa-ricain a déjà lancé plusieurs programmes pour préserver ses forêts, l'écosystème marin du pays n'a pas bénéficié des mêmes efforts. La mission de Pretoma est de “protéger les ressources halieutiques et d'instituer des pratiques de pêche soutenables au Costa Rica et en Amérique Centrale”.
L'une des campagnes de Pretoma visait spécifiquement le "shark finning", cette pratique qui consiste à pêcher des requins pour leur couper les ailerons à vif, avant de les rejeter à la mer. On estime que 35 millions de requins sont victimes de ces pratiques chaque année. Les ailerons de requins sont un mets de choix en Asie, où ils sont généralement consommés en soupe. La médecine chinoise accorde aussi aux ailerons de requins certaines propriétés curatives.
Le "finning" a décimé la population mondiale de requins, y compris les requins marteaux, qui sont pourtant une espèce protégée. D'après le site web de Pretoma, “la population mondiale de requins-marteau halicorne (Sphyrna lewini) a dramatiquement chuté ces dernières années, de 95% dans certaines zones, à cause de la sur-pêche”.
Le 'Humberto's Shark Hunt Charity Bounty Event'
Humberto Brenes a donc accordé son plein soutien à Pretoma dans sa mission de protéger la population mondiale des requins. Il y a quelques jours, il a même crée un tournoi de charité, appelé "Humberto's Shark Hunt Charity Bounty Event", dans son Costa Rica natal. Ce tournoi a coïncidé avec l'étape d'ouverture du Latin America Poker Tour, au Paradisus Resort de Playa Conchal (Costa Rica). Brenes a fait démarrer son tournoi la veille du Main Event et, fidèle à son goût pour le spectacle, il a placé un "bounty" sur la tête de plusieurs Pros du Team PokerStars, facilement repérables grâce au requin-marteau gonflable confié à chacun. Si vous éliminiez un joueur avec un requin, vous remportiez la prime placée sur sa tête.
Le tournoi a rassemblé beaucoup des meilleurs joueurs d'Amérique latine, dont Andre Akkari, Veronica Dabul, Alex Gomes, J.C. Alvarado, Maria “Maridu” Mayrinck et Leo Fernandez. Le fils du célèbre catcheur mexicain “Santos” avait même décidé de jouer le tournoi en portant un masque de catcheur argenté. Parmi les joueurs présents figuraient également les américains Victor Ramdin et Shirley Rosario.
La victoire de Veronica Dabul
“C'est une bonne cause. Comment aurions-nous pu dire 'non' à Humberto?” a ainsi expliqué Veronica Dabul. “Il a tellement fait pour le poker en Amérique Latine. Nous soutiendrons toutes les causes qu'il soutient”.
Dabul, membre du Team PokerStars Pro argentin, s'est à un moment retrouvée "short-stack". La nuit était déjà bien avancée, elle était sensée jouer le Main Event du LAPT dès le lendemain et s'est donc mise en tête de sauter proprement.
“Je n'ai pas arrêté de partir à tapis à l'aveugle, le seul problème c'est que je n'ai pas arrêté de gagner!” a raconté Dabul. “Quand j'ai vu que j'avais un gros tapis, j'ai changé de stratégie. J'ai décidé de gagner le tournoi”.
C'est donc une Dabul morte de sommeil qui s'est imposée dans ce tournoi de charité. Elle a remporté un siège pour le LAPT Chili (l'une des récompenses rajoutées au prize pool par PokerStars) et a aussi remporté la prime mise sur la tête de Brenes.
Au final, le "Shark Hunt Charity Event" a permis de lever pas moins de 30.000$, une somme qui est intégralement allée à Pretoma. 9.600$ ont été collectés en buy-ins et en rebuys, et Brenes et Pokerstars ont chacun accepté de rajouter au pot une somme équivalente.
Nous n'avons pas eu le loisir d'interviewer les mini-requins d'Humberto pour recueillir leurs réactions. Brenes, quant à lui, était proprement rayonnant.
“Je suis très satisfait du résultat”, nous a-t-il confié avec un sourire béat. “Et j'ai hâte de pouvoir organiser un autre tournoi de charité”.
Donc, la prochaine fois que vous verrez Humberto Brenes à la télévision en train de faire le pitre avec ses requins, ne soyez pas trop prompts à le juger; Il essaie d'attirer l'attention sur la disparition des squales dans le monde. Pour plus d'informations, vous pouvez visiter le site web de Pretoma à l'adresse www.pretoma.org.
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