Roger Hairabedian : Eléphant de guerre du poker

Arthur Bataille

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20 Fév 2010 5 min à lire Dernière mise à jour 06 Aout 2010

Imaginez une course de lévriers très racés, vous êtes convié à l'arrivée des prodiges pour l'ultime manche de la compétition. Confortablement installé côté gradins, dans un nuage de poussière vous entendez le bruit sourd des participants qui abordent les tous derniers mètres, sans pour autant discerner la meute. En tribune, la presse très spécialisée s'affaire, elle s'affuble de sa meilleure plume, concocte des remises de prix pour féliciter le nouveau virtuose. Contre toute attente, la surprise déborde du champ de course improvisé. Un grand pachyderme surgit en tête, "Big Roger" vient de remporter le titre du meilleur joueur de poker 2009, l'éléphant de guerre a trompé tout son monde...

France Poker Awards : histoire d'un pétard mouillé

Nous sommes le 17 décembre 2009, parmi les multiples classements proposés par les magazines de poker, les joueurs français reçoivent une exposition particulière de la part de nos confrères FFJP-Live Poker. D'après leur mode de calcul, Eric Haik sera sacré meilleur joueur de l'année, le 20 décembre au matin.
Parallèlement, le plus gros événement de poker en France doit avoir lieu en janvier 2010. Il s'agit de l'EPT Pokerstars de Deauville, le gotha du poker doit s'y rendre au grand complet. Prés de 800 joueurs sont attendus, quelques millions d'euros seront distribués, la presse y fera son show. La conjoncture est idéale pour annoncer le France poker Awards. Les jeux sont déjà faits à deux jours de la clôture du championnat, les magazines s'apprêtent à titrer sur Eric Haik. Ce gagnant méritant fera la une sans conteste, sa prestation est tout à fait honorable ... La mèche a bien été allumée, mais la détonation s'est faite attendre; parti à Dakar, Hairabedian a mouillé le pétard médiatique.

Safari africain : Chasse aux points à Dakar

17 Décembre 2009, embarqués sur le vol Paris Dakar Jean Paul Pasqualini et Roger Hairabedian ont décidé la même excursion. Le casino organise quelques tournois qui seront comptabilisés pour ce fameux championnat. Les deux vétérans se sont invités à ce safari pour une dernière chasse aux points. Loin de l'hexagone, rien ne laisse augurer de l'issue de cette expédition. Après ce raid éclair sur le sol africain, certaines mises en pages ne devaient jamais voir le jour. Le patatras se produit le 19 décembre 2009, après le tournoi du "High Roller" de Dakar. Dans la brume du classement annoncé, un éléphant pointait subitement sa trompe.
La hiérarchie du championnat tenait dans un mouchoir de poche à deux jours de la fin. Les quelques points nécessaires récoltés par Roger Hairabedian au casino de Dakar, soufflent la première place à Eric Haik. Jean Paul Pasqualini se hisse deuxième sur le podium après ses résultats de Dakar. Les vieux de la vieille réalisent un doublet mémorable.

Roger Hairabedian : une victoire feutrée

Un poker policé, édulcoré, façonné, orienté et politiquement correct qui finit par frôler le superficiel. Aucun de ces adjectifs ne caractérisent "Big Roger". Ce solitaire marginal, a franchi les portes de la victoire dans un dernier tourbillon de poussière. Le sacre du joueur pour un accueil feutré ... trop feutré si l'on en croit le manque d'émotion suscité.
Une année de compétition, pas moins de vingt six places payées, un palmarès étoffé de prés de deux millions de dollars de gains, le tout pour une figurine synthétique. "Big Roger ", se fend de son sourire légendaire et félicite sobrement les journalistes. L'affaire du meilleur joueur de l'année est entendue, adjugée en dix minutes et noyée dans le cortège des récompenses.

Le média orchestre le bal, mais pas toujours la bonne partition

Cet exemple laisse perplexe, car il n'a pas la dimension escomptée. Une cérémonie ne peut se targuer du sceau de la référence tout en prêtant son flanc à l'ambiguïté. Les exigences médiatiques ne doivent pas entacher le succès des nominés. Des "auspices" de l'information ont jugé bon de prêter l'oreille à l'innocence de l'émotion cutanée. La déception authentique, a pu trouver chez certains professionnels un relai commercial utilisé à mauvais escient. Empreint d'un fond de polémique, l'écho attendu ne fut pas au rendez-vous pour cette remise des prix. Pourtant ce 20 janvier 2010, l'un des récompensés avait beaucoup de mérite, le meilleur joueur de l'année 2009 est un "phénomène" sous plusieurs angles. Dans cette nouvelle jungle très règlementée du poker, il mérite que les égards lui soient rendus.

"Big Roger" Hairabedian : Un baroudeur du poker

Le temps n'a pas affecté ce poids lourd qui flirte avec le succès depuis de longues années. Ce Booz des temps modernes ne s'est jamais endormi, il étreint le poker comme cette moabite que jadis Victor Hugo déposa à nos pieds. Le poids des ans, ni même la difficulté de l'ouvrage ne l'ont pas affecté. Il écrit jour après jour sa légende des siècles, seul face à la postérité. Depuis trop longtemps il arpente les quatre continents et prend place sur des chaises trop étroites pour l'accueillir. L'univers qu'il côtoie respire la jeunesse et les généreux donateurs, pourtant, contre vents et marrées ce cuirassé arrive toujours à bon port. Nous rendons donc l'hommage que mérite la performance, tout en lui prêtant le piédestal auquel il aurait du prétendre. Ce père de famille nous rappelle tout simplement le sens des réalités dans un monde excessivement aseptisé. Le baroudeur "Big Roger", a gagné seul et contre tous, il nous a encore bluffé. Quoi de plus normal de sa part: un éléphant ça trompe énormément.