L'Onyx Cup de Full Tilt est-elle bonne pour le poker ?
Lundi 14 mars, Full Tilt Poker a annoncé la création de l'Onyx Cup, une série de tournois 'live' dotés de buy-ins allant de 100.000$ à 300.000$ avec un prize pool global estimé à 30 million. Il y aura cinq tournois préliminaires plus une grande finale à 250.000$ qui bénéficiera d'1M$ ajoutés à sa cagnotte. Les différents tournois se tiendront sur le sol américain, en Europe et en Asie.
L'Onyx Cup a suscité des réactions partagées au sein de la communauté des joueurs de poker. Certains sont ravis de pouvoir assister à des tournois 'Super High-Roller', d'autres ont un jugement plus critique et réservé. La ligne de partage passe aussi au sein même de la rédaction de PokerNews, raison pour laquelle nous avons laissé Chad Holloway et Rich Ryan débattre des avantages et des inconvénients de cette nouvelle compétition.
L'Onyx Cup est mauvaise pour le poker (Chad Holloway)
Trois raisons principales font que je ne suis pas un fervent défenseur de l'Onyx Cup : Un mauvais timing, une concurrence malsaine et un spectacle qui s'annonce décevant. Tout d'abord, Full Tilt Poker aurait-il pu choisir un plus mauvais moment pour lancer son championnat ? Lancer ce genre de tournois au moment où le monde entier traverse une récession traduit à tout le moins un certain manque de jugeote. Beaucoup de joueurs de poker se battent pour boucler leurs fins de mois et on leur demande de s'intéresser à un spectacle où les joueurs les plus riches du monde jetteront l'argent par les fenêtres comme s'il s'agissait de billets de Monopoly. Même si je sais bien que ce genre de spectacle répond aux attentes d'une partie des fans, je pense quand même que c'est l'exception plutôt que la règle.
Non seulement l'Onyx Cup est lancée en plein marasme économique mais elle rentre également en concurrence frontale avec d'autres tournois majeurs. Lorsque plusieurs tournois sont programmés au même moment, c'est la qualité moyenne de chacun d'entre eux qui s'en trouve diminuée. Et les spectateurs qui en font les frais.
Prenez la Grande Finale de l'European Poker Tour par exemple. Par le passé, ce tournoi a attiré certains des plus grands noms du poker. Des noms qui vont désormais devoir opérer un choix entre l'EPT et le tournoi inaugural de l'Onyx Cup à Las Vegas. Il n'est pas difficile d'imaginer lequel des deux les pros de Full Tilt vont choisir et celui qui recueillera les suffrages des pros PokerStars.
Toutes les questions soulevées plus haut amène directement à mon objection suivante : la dérive de la concurrence entre sites de poker en ligne. Récemment, Full Tilt aurait interdit à ses pros de participer à l'émission 'High Stakes Poker', sponsorisée par PokerStars. Combien de temps avant qu'ils soient empêchés d'aller jouer sur tous les circuits sponsorisés par Pokerstars, European Poker Tour et North American Poker Tour en tête ? Inversement, PokerStars empêchera-t-il bientôt ses joueurs d'apparaître dans les tournois Full Tilt comme l'Onyx Cup? Cette concurrence est en train de se faire au détriment de la qualité des tournois et de tous ceux qui les regardent.
Empêcher les joueurs de participer à certains tournois ne bénéficie à personne. La qualité d'un tournoi est directement liée à celle du field. Comme mentionné plus haut, il est peu probable que des pros comme Negreanu, Jason Mercier, Bertrand "ElkY" Grospellier ou Barry Greenstein apparaissent à l'Onyx Cup. A la place, nous aurons des joueurs comme Howard Lederer, Chris Ferguson, Patrik Antonius et Erik Seidel qui, malgré toutes leurs qualités, ne sont vraiment pas spectaculaires à regarder jouer.
En plus de toutes les barrières déjà évoquées, l'Onyx Cup devra également faire face à d'autres difficultés, comme la concurrence de la Professional Poker League nouvellement créée, le trop petit nombre de tournois de qualification et la difficulté à trouver des joueurs qui auront les moyens de se payer les tournois de l'Onyx Cup. Je ne suis pas contre le concept d'une série de tournois 'Super High-Roller', mais cette copie-là a besoin d'être sérieusement revue avant d'atteindre son plein potentiel.
L'Onyx Cup est bonne pour le poker (Rich Ryan)
En février, j'ai écrit dans PokerNews US que le poker avait besoin de quatre tournois majeurs dotés de buy-ins de 100.000$. Aussi, lorsque FTP a annoncé la création de l'Onyx Cup, j'ai été évidemment ravi. Ce championnat remplira parfaitement sa mission, qui est de mettre en scène les meilleurs joueurs du monde en train de se disputer d'énormes sommes d'argent . Chaque année, pendant le Main Event des World Series of Poker, la question que tout le monde se pose est "Est-ce qu'un professionnel va le gagner cette fois ?" A la table finale du Main Event 2009, qui rassemblait tous les supporters ? Phil Ivey ou Darvin Moon ? Les jolis contes de fée sont mignons tout plein mais les gens préfèrent de loin voir les meilleurs joueurs effectuer les coups les plus spectaculaires, et pas des flambeurs mettre des millions en jeu en payant avec Q♦J♦.
Cette série de tournois est conçue pour une catégorie spécifique de joueurs. Ces deux dernières années, le circuit a été envahi par des tounois à buy-ins 'allégés' à destination du joueur moyen. C'est très bien pour le poker en général mais ça n'est pas suffisant pour satisfaire l'intégralité du marché. Phil Ivey lui-même a publiquement admis qu'il ne disputerait plus de tournoi dont le premier prix n'atteindra pas au minimum 1M$. Et la plupart des meilleurs joueurs sont peu ou prou sur la même longueur d'onde. Les tournois à 'faible' buy-in ne sont tout simplement pas rentables pour eux, vu le temps qu'ils devraient y consacrer. Bref, un seul moyen existe pour satisfaire ce marché d'élite : des tournois 'super High-Roller'.
C'est exactement le but que s'est fixée l'Oynx Cup et son effet sur les joueurs 'normaux' ne peut être que positif. Sans parler du spectacle d'exception qui sera proposé, l'équité ainsi dégagée n'est pas non plus à négliger. Si un tournoi de l'Onyx Cup a lieu au même moment qu'un autre tournoi dans lequel vous êtes engagé, votre field devrait être plus facile à manoeuvrer. Puisque la variance et le caractère EV+ sont des facteurs essentiels dans le choix d'une compétition de poker, la plupart des joueurs devraient être ravis de ne pas avoir à affronter les meilleurs de la discipline. Je comprends que des joueurs comme Daniel Negreanu voient l'Onyx Cup d'un mauvais oeil car elle risque de rentrer en concurrence directe avec la Grande Finale de l'EPT. Mais si vous ne participez à aucun de ces deux tournois, en quoi cela vous concerne-t-il ? Toute l'année, les joueurs doivent d'ores-et-déjà effectuer des choix et faire une croix sur plein de tournois, que ce soit à cause de la fatigue, de la distance à parcourir ou d'autre facteurs encore. Ce n'est pas pare que tel ou tel joueur en est absent que ça nous empêche de les suivre à distance. Comme on dit, 'The show must go on'.
En ce qui concerne la bataille que se livrent Full Tilt et PokerStars, je ne pense pas non plus que ce soit un gros problème. Full Tilt n'arrête pas de souligner que ses tournois sont au format 'Open' et, connaissant Pokerstars, je me doute bien que voir un ou plusieurs de leurs joueurs remporter la table finale d'un tournoi télévisé siglé Full Tilt ne les empêchera pas de dormir, bien au contraire. Et si, pour une raison ou une autre, la lutte devient plus âpre et que Pokerstars décide malgré tout de ne pas laisser ses joueurs participer à l'Onyx Cup, eh bien nous devrons donc nous contenter de Dwan, Ivey, Antonius, Seidel et de tous les autres champions ne portant pas un badge Pokerstars. Personnellement, ça ne me pose pas de gros problème existentiel.
Pour conclure, l'Onyx Cup me semble être une bonne chose pour le poker parce qu'elle va créer un 'buzz' d'anthologie. Que vous soyez d'accord ou pas avec moi, je suis sûr que vous suivrez les résultats de ce nouveau championnat. Tout simplement parce qu'ils ont de l'importance. La première main n'a pas encore été distribuée que, déjà, tout le monde en discute sur les différents forums et dans tous les médias liés au poker. Alors imaginez la folie médiatique qui va déferler lorsqu'un des participants remportera deux ou trois de ces tournois d'affilée.
Ces neuf prochains mois, le monde du poker s'arrêtera de respirer à chaque Onyx Cup. Si ce genre d'excitation n'est pas bon pour le poker, je me demande bien ce qui le sera.
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