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Pokerstars : Un SuperNova Elite parle du 'Black Friday'

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Chad Holloway
8 min à lire
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Les événements consécutifs au Black Friday ont impacté la vie de milliers de joueurs aux Etats-Unis et ses effets se feront ressentir encore longtemps. Si la majorité de ses victimes se compose de joueurs récréatifs, qui ont simplement perdu la possibilité de s'adonner à leur loisir favori, certains ont été si profondément affectés qu'ils se sont retrouvés contraints de quitter le pays où ils vivaient pour pouvoir continuer à gagner leur vie.

Le drâme des Supernova Elite

Vous savez déjà sans doute que des pros de haute-volée se sont installés au Canada, comme Phil Galfond, Vanessa Selbst et Brian Hastings ; Mais d'autres joueurs, dont on parle moins souvent, ont aussi été obligés de s'exiler — les Supernova Elite de PokerStars.

Il s'agit d'une catégorie de joueurs capables de 'grinder' à plein temps pour atteindre les 1.000.000 de VPP et ainsi acquérir le statut SNE. Ce dernier vous donne droit à plein d'avantages, comme du rake-back et des voyages par exemple. Malheureusement pour les SNE qui vivaient aux Etats-Unis, leur moyen de subsistance a brusquement disparu sans prévenir le matin du 15 avril 2011. PokerNews a rencontré un de ces joueurs pour discuter avec lui des effets du Black Friday sur sa vie et celle de sa famille.

Mike "MeleaB" Brooks est arrivé aux Etats-Unis en 2000 pour y finir ses études, à peine informé du poker sur Internet ; Ceci dit, comme beaucoup de britanniques, ils s'adonnait déjà aux paris sportifs sur Internet. Et c'est finalement en jouant sur Betfair qu'il a découvert le poker en 2003. En mars 2006, cela devenait son occupation à plein temps. Même s'il a commencé par jouer sur Full Tilt Poker, il est passé sur PokerStars en 2008 et a atteint le statut SNE dans la foulée. Lorsque les événements du Black Friday sont arrivés, Brooks jouait depuis la Caroline du Nord. En l'espace d'une semaine, il est retourné vivre en Angleterre avec sa famille, devenant l'une des tous premiers pros du Net à émigrer.

Son 'Black Friday'

- Est-ce que le Black Friday a été une surprise totale pour toi, ou as-tu toujours été conscient que le risque existait ?
- J'en étais conscient mais je savais aussi que j'aurais toujours la possibilité de retourner en Angleterre. Et puis je me disais qu'il y aurait sans doute un processus graduel, qui me permettrait de prendre mes dispositions, pas que ça allait péter en quelques heures. En fait, je me suis réveillé ce vendredi-là et j'ai passé tout l'après-midi, la soirée et une bonne partie de la nuit à me tenir au courant et à tenter de sauver ce qui pouvait l'être. Au petit matin, j'avais pris la décision de repartir en Angleterre.

- Est-ce que PokerStars s'est montré à la hauteur ?
- J'ai reçu un appel de Steve de chez PokerStars, on s'est parlé et il m'a confirmé que si je retournais en Angleterre, je pourrais sans doute voir mes comptes transférés là-bas pour me remettre immédiatement à jouer. Si je prenais mon avion le mercredi, qui tombait je crois le 20 avril, alors je pourrais me remettre à jouer le dimanche, c'est-à-dire neuf jours seulement après le Black Friday.

Ils m'ont aidé dans toutes les tracasseries administratives, ils ont eux-même transféré mes papiers à leur équipe de sécurité anglaise, histoire d'avoir un feu vert immédiat. Ce n'était jamais qu'un retour en Angleterre. Même si Je n'y ai pas vécu depuis onze ans, ce n'était pas si difficile. Je veux dire, je savais déjà où j'allais vivre, je possédais déjà une adresse et un compte bancaire ici. Ca a sans doute été beaucoup plus facile de gérer mon cas que certains autres. Quand quelqu'un déménage dans un autre pays, comme au Canada, il aura sans doute plus de questions à poser que moi, des questions auxquelles PokerStars sera capable ou non de répondre, Tout bien considéré, mon rappatriement a été quand même un truc assez simple à gerer.

Full Tilt et bankrolls en ligne

- As-tu toujours cru que ton argent était en sécurité en ligne ?
- Oui, ce n'était pas vraiment un souci pour moi. Plus que la bankroll dont je disposais online, je me suis surtout inquiété de mes futures sources de revenu. Perdre de l'argent sur Pokerstars ça ne fait jamais plaisir mais perdre mon compte PokerStars ça aurait été encore plus grave. Avec tout le trafic qu'il y a sur cette room, ça aurait été super pénalisant. Mais ça va. Ils s'occupent bien de leurs client chez PokerStars.

- Et concernant l'argent que tu avais encore sur Full Tilt Poker?
- Il n'y avait plus grand chose. En fait, j'avais complètement vidé mon compte et puis quelqu'un qui me devait de l'argent m'a tansferé 500$ sur Full Tilt. Ils y sont toujours, quelque part.

- Pourquoi avoir quitté Full Tilt pour Stars?
- A cause du service déplorable de Full Tilt. Tu sais, j'étais un joueur à très gros volume, je jouais déjà l'équivalent d'un SNE. Je touchais 27% de rake-back, ce qui me faisait un peu plus de 4.000$ par mois. Donc, Full Tilt gagnait plus de 11.000$ par mois sur mon dos, ce qui nous donne 130.000$ par an. Quand on fait gagner autant d'argent à une boite, on peut s'attendre à un service un peu plus personnalisé.

Ca leur prenait toujours une éternité à répondre aux emails et les réponses étaient en gros des formulaires-type, qui ignoraient très souvent le problème soulevé. J'ai fini par en avoir marre et je leur ai envoyé un mail expliquant qu'ils pourraient au moins se fendre d'un salaire pour avoir quelqu'un qui ne ferait rien d'autre que répondre aux questions des joueurs à gros volume. Et puis je suis parti. Sur un coup de frustration.

- Est-ce que d'autres joueurs t'ont déjà demandé conseil en prévision d'une expatriation ?
- Sur le forum TwoPlusTwo, pas mal de joueurs ont posé des questions. Plusieurs threads ont démarré sur les déménagements à l'étranger, dont un assez massif, avec plein de questions et de réponses. J'y ai participé.

Les sharks américains reviennent

- Comment évalues-tu le niveau des parties depuis le Black Friday?
- Au départ, je dirais qu'elles étaient légèrement plus faciles parce que les joueurs U.S. sont quand même un peu meilleurs que le reste du monde. Essentiellement parce qu'aux Etats-unis, c'est beaucoup plus difficile pour un joueur occasionnel d'aller déposer de l'argent sur un compte poker. En Angleterre, il suffit de filer un RIB et c'est parti. Aux USA, il faut être un peu plus motivé. Et donc, les joueurs U.S. sont meilleurs parce qu'ils ont déjà subi ce premier écrèmage à la base.

Donc, quand tu retires tous les joueurs US d'un coup, c'est-à-dire environ un tiers du trafic total, tu te retrouves obligatoirement avec un field moyen plus faible. Donc je pense que ça a joué dans un premier temps. Mais aujourd'hui la situation est diférente : tous les joueurs récréatifs américains ont cessé de jouer ; par contre, tous les pros et les semi-pros américains sont en train de trouver des moyens de se rebrancher en ligne. Maitenant que tous les poissons ont quitté le bocal et que certains sharks sont revenus, les parties sont devenues plus dures. Toujours battables mais plus dures.

- Est-ce que le Black Friday est directement responsable de ton déménagement en Angleterre ?
- Oui.

Un déménagement ? Des dizaines de milliers de dollars envolés

- Si le poker était légalisé et régulé aux Etats-Unis, penses-tu que tu y retournerais ?
- Rien n'est impossible. Mais le problème, c'est qu'un déménagement, ce sont des milliers de choses à gérer. Si j'avais 21 ans et que j'etais célibataire, aucun problème ! Mais j'ai une femme, deux filles et j'ai déjà dû les forcer à partir une fois. J'ai quatre maison aux Etats-unis que j'essaie toujours de louer, j'ai vendu deux voitures, il a fallu que je fasse faire des visas, que j'emménage ici, j'ai dû faire face à des dépenses monstrueuses. J'y ai laissé plusieurs dizaines de milliers de dollars, il a fallu que je rachète des meubles, que je paie les frais de scolarisation de mes filles.... Si on me disait dans un an 'c'est bon, tu peux revenir', je refuserais. On est probablement ici pour un bon bout de temps, sinon définitivement. A long terme, on ne sait jamais mais tout ça est tellement stressant et puis ça ne serait pas juste pour mes filles, que je les déracine une nouvelle fois.

- Tu penses que le poker en ligne finira un jour par être légalisé aux Etats-Unis ?
- Oui, c'est inévitable, ça rapporte tellement d'argent. Le poker en ligne est une véritable mine d'or, ça n'est pas logique du tout de ne pas le réguler. A mon avis, ce sera fait dans un an ou deux. J'ai peu de doutes à ce sujet.

Le 'live' n'est pas une planche de salut

- Avant de déménager en Angleterre, as-tu un temps envisagé de passer au jeu en 'live' ?
- Non, pas vraiment. Je connais beaucoup de gens qui ont essayé mais je ne connais personne qui me le recommande. Déjà, on y fréquente pas mal de types un peu borderline, ensuite je n'aime pas trop le mode de vie consistant à rester enfermé toute la journée dans un casino, enfin il y a le problème des voyages incessants. Sans compter que mon jeu est basé sur les gros volumes, je joue 24 tables à la fois, il faudrait que je le change radicalement pour pouvoir jouer sur une seule table. Avec des perspectives de profit bien moindres. Il faudrait que je joue à des limites plus élevées, avec une plus grosse bankroll et que j'accepte de m'exposer à une variance très supérieure... Non, vraiment, je ne l'ai pas envisagé une seule seconde.

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