Interview poker : Mikaël Rotman 'Lunderground', forçat des MTT
Mikaël Rotman alias 'Mike' pour ses amis, 'mikunder' sur le forum PokerNews ou encore 'lundergound' sur Pokerstars.fr, a conquis le titre de champion du classement Tournament Leader Board (TLB) 2011, symbole de performance et régularité en tournois online.
Véritable forçat du multi-tabling online ayant enchaîné un an durant jusqu'à cinquante 'MTT' par jour, 'Lunderground' revient sur son parcours dans le poker, de sa découverte du jeu au coup de fil surprise qui mettra un point final à sa folle épopée.
Cofondateur de la Team Gamblers, ce joueur de bientôt 29 ans qui se voit et se décrit comme un "prolétaire du poker" nous décrit l'envers du décor avant de se lancer à l'assaut du circuit de tournois live European Poker Tour pour lequel il a remporté trois packages tous frais payés.
Mikaël Rotman, "génération Moneymaker"
Comme beaucoup de joueurs français, Mikaël Rotman a découvert le poker via les programmes de Canal+ et la démocratisation du poker dans l'hexagone : "Je pense faire partie de la generation Moneymaker" explique-t-il, "je joue depuis cinq ou six ans, en commençant par des cash games live entre amis qui m'ont permis de me frotter ensuite aux regs des cercles de jeu parisiens".
Dans le sillage du raz-de-marée de jeunes joueurs découvrant le poker sur internet, 'Mike' change de cap et s'oriente instinctivement vers les tournois plutôt que le cash game qu'il trouve "moins passionnant". Les premiers coups de rame confirmeront rapidement cette prédilection : "les tournois m'ont donné envie de progresser. J'ai donc commencé à faire du volume sur les tournois online du 'point com' fin 2009, début 2010".
Alors que le succès sur le '.com' se fait attendre, Mikaël partage alors sa vie entre son travail d'enquêteur téléphonique à mi-temps et le poker online, un hobby prenant qui se transformera une passion chronophage avec l'avènement de l'ARJEL.
Le TLB 2011, "objectif secret" de 'Lunderground'
"Mon boulot m'a fait tilter en avril 2010" se souvient-il. "Mon temps libre de demandeur d'emploi m'a permis de passer à un 'grind' intensif et en septembre 2010 je me suis vraiment mis aux MTTs sur le .fr".
Résultat : il termine troisième du classement TLB annuel de Pokerstars.fr derrière 'Rodmaster198' et son ami Aubin Cazals 'kzouls31', ce qui lui permet de décrocher un package pour l'European Poker Tour. "Je ne pensais vraiment pas au TLB en commençant à multi-tabler sérieusement" explique Mikaël. Il choisit l'EPT San Remo : "C'était incroyable ! Quand j'y repense je me demande parfois si je n'ai pas rêvé ce moment".
Le rêve devient réalité et se matérialise par une première ligne Hendon Mob : sur les 987 joueurs au départ, il termine 77ème et encaisse 13.000€ de prix :"l'EPT San Remo c'était vraiment du bonus, donc j'avoue que ça fait un joli 'rakeback' " sourit Mike.
"Secrètement, le TLB était mon objectif 2011. Au fond de moi je savais que je me lancerais dans cette course et je voulais faire mieux qu'en 2010. Après un début d'année difficile, l'EPT et mes vacances, tout s'est déroulé comme je souhaitais".
"J'étais prêt à aller au bout"
"En début d'année, je ne mettais pas le réveil" se souvient Mikaël qui attaque alors l'année au petit trot. "La session commençait à l'heure où je me levais. J'enchaînais avec les inscriptions tardives et les satellites qui m'ont souvent aidé à me rembourser les sessions catastrophiques".
Pendant six mois il enchaîne trente tournois par jour "cinq jours sur sept", montant en puissance avant de terminer l'année avec cinquante tournoi par jour en moyenne, quasiment à temps plein avec des fins de session à 5h du matin. Les mois passant, la relative désinvolture du début année laisse place à une discipline aussi contraignante qu'inévitable.
La pression de ses concurrents dans la course de fond du TLB ne lui laisse en effet pas l'occasion de souffler : "En fin d'année, c'était réveil à 13h, café, clope et inscriptions tardives. Je mangeais vers 20h mais rarement à heure fixe" explique 'Lunderground'.
"A la fin je n'avais plus de jour de repos, je comptais les heures qui me permettait de décompresser quand je jouais de 13h à 5h du matin" raconte Mikaël qui tourne alors à "dix/douze tables simultanées en moyenne". Un format qui a toutefois quelques avantages : "le volume et le multi-tabling à outrance m'ont permis de résister au tilt des 'bad beats'. Quand on a douze tables ouvertes, on a pas le temps de tilter sinon c'est toute la session qui est foutue".
Ce rythme de stakhanoviste a son prix, physique et psychique. A-t-il jamais pensé à jeter l'éponge ? "Abandonner, non. J'étais prêt à aller au bout. Ca m'est arrivé de craquer je pense, j'ai eu mes moments de faiblesse mais je ne voulais pas reproduire les mêmes erreurs que l'année dernière".
D'autant que la compétition devient de plus en plus intense avec le champion en titre et d'autres joueurs qui enchaînent les grosses performances. "Fin décembre 2010, je n'arrivais plus à jouer" admet-il, "j'étais obnubilé par la remontée incroyable de 'rodmaster' au classement".
Cette expérience déplaisante lui donnera la force de ne pas flancher l'année suivante : "cette année au contraire, même quand mes adversaires reprenaient des points, ça me motivait" explique Mikaël qui s'apprêtait à vivre une fin d'année infernale. "Le TLB a pris tout mon temps. A la fin, ma vie sociale en a pris un coup. Je ne voyais plus mes amis s'il nZe venaient pas chez moi. C'était dur de voir assez peu ma famille, j'ai presque tout sacrifié pour arriver à mon objectif".
Un coup de fil surprise pour finir en roue libre
Lorsque noël se profile, 'Lunderground' se prépare mentalement à vivre une nouvelle semaine d'enfer mais un simple coup de téléphone va sonner la délivrance quelques jours plus tard. 'Poloris' lui annonce qu'il abandonne la course au titre : "Impossible de te rattraper, bien joué, profites bien du nouvel an" lui explique en substance son principal et dernier concurrent qui a fait la course en tête pendant plusieurs mois.
"Quand Fabrice m'a appelé pour me féliciter je n'en revenais pas. J'étais tellement dans ma bulle que j'avais encore du mal à réaliser que j'avais gagné"
. Ce rebondissement de dernière minute met fin à 360 jours de marathon à quelques mètres de l'arrivée : "à ce moment là, toute la pression est redescendue. J'étais en pleine session mais je n'avais même plus envie de la finir !" se rappelle Mikaël.Désormais, Mikaël Rotman se tourne avec confiance vers son avenir dans le poker tout en restant mesuré dans ses ambitions. "Il me faut une perf pour booster ma bankroll et faire encore plus d'events" explique-t-il. Grâce à sa victoire au TLB et les trois packages EPT décrochés, ce sont autant d'opportunités de briller sur la scène live.
Objectif 2012 : moins de grind, plus de live
A l'instar des lauréats des Césars attribués récemment, Mikaël conclut et entretien à bâtons rompus avec une pensée pour tous ceux qui lui ont permis de se réaliser dans le poker en toute liberté : "Je ne pense pas avoir de choses a rajouter, à part remercier les personnes qui m'ont soutenu, supporté ou aidé dans cette épreuve tout au long de l'année". Voilà qui est fait.
Ses objectifs 2012 ? "Plus de tournois live, un 'grind' online plus qualitatif et une gestion de bankroll de nit" énumère Mikael avec un clin d’œil. Mikaël Rotman a déjà joué (sans succès) l'EPT Deauville 2012 mais garde plusieurs chance d'améliorer sa performance de San Remo : "Après Deauville on jouera sûrement l'EPT Campione en Italie avec Kzouls et peut-être l'étape de Madrid, même si je pense garder le dernier package pour la Saison 9 du circuit".z
Ni véritablement "shark" malgré des stats impeccables (il n'a pas encore de performance majeure à son actif), ni véritablement "pro", un adjectif largement galvaudé ces derniers temps, il se voit plutôt quelque part entre "amateur confirmé" et "RMIste du poker".
Une image qui résume parfaitement l'état d'esprit d'un joueur qui doit sa réussite à une volonté acharnée, un travail sans relâche et une humilité bienvenue. Son titre de champion du TLB Pokerstars.fr n'en est que plus méritoire.
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