Fabrice Gouget "Poloris" : de Clubber à Grinder Expat
Comment passe-t-on de joueur amateur désargenté à professionnel sur 5 ans ? Quel regard sur sa propre évolution ? Classé second meilleur joueur des tournois France Poker Series (FPS) en 2012, le joueur de poker pro français Fabrice Gouget répondait lors des FPS Cannes aux questions de la rédaction Pokernews sur une vie vécue "à 200%", parfois jusqu'à "l'épuisement" total.
>>Programme FPS Paris novembre 2013, 1000 joueurs attendus
Supernova sur la salle Pokerstars, "Poloris" se classe sur cette nouvelle saison huitième du classement avant les FPS Paris (16 -24 novembre 2013). Issu du poker amateur, la première performance de Fabrice Gouget sur le circuit remonte à 2008 pour une 18ème place lors de la grande finale du Partouche Poker Tour. Il aura remporté notamment par la suite le Joa Poker Tour 2010 Antibes (75.000€). En septembre 2013, sur les FPS Cannes, il se propulsait 4ème du High Roller 2.000€. Interview.
Classement FPS, quelle importance ?
Fabrice Gouget : "En terminant second en 2012, j'ai remporté deux packages 1000€ France Poker Series. Par rapport aux quantités de buy-in que je donne dans l'année, c'est à dire par rapport à tous les tournois joués dans l'année, le classement a peu d'importance, 1000 balles, c'est une goutte d'eau."
Le classement influe-t-il sur ton jeu ?
"Non, il influe sur le fait d'aller jouer sur l'ordi dans la chambre ou faire un petit side (NDLR : tournoi annexe au principal), de toutes les manières, je fais un side pour le plaisir de jouer en live, je joue moins en live qu'avant. Le classement, c'est un plus."
Tes Premières performances ?
"En 2008, sur le Partouche Poker Tour (PPT). Avec un parcours chanceux, franchement. Je travaillais, j'étais étudiant, je faisais des soirées au casino sur les tables de cash game qui venaient d'ouvrir à Plombières Les Bains dans les Vosges, le chef de salle proposait un satellite à 100€, je suis passé, j'ai fait le satellite à 1.000€ à Aix, c'était la première fois de ma vie que je jouais à 1.000, j'étais stress-tendu, j'ai joué très serré en essayant de ne pas faire de connerie, ça s'est encore passé correctement avec une qualification pour le PPT, en gros, j'ai l'impression que ce jeu, plus c'est dur, mieux c'est. Sur le tas, tu apprends et tu évolues. Parfois, je trouve qu'on joue mieux quand on est en phase de recherche que lors des phases de jeu brut."
Tu as 5 ans de poker maintenant.
"J'ai joué une année encore en amateur, c'est à dire en club."
Lorsque tu reviens sur ces années, comment vois tu l'évolution de ton jeu ?
"J'ai fais plusieurs fois des boulettes sur de gros tournois, je pensais trop à gagner, à l'argent, du coup, lorsque je vais maintenant sur un tournoi, je me mets un objectif, ou la gagne, ou j'ai un besoin d'argent et j'assure, lorsque j'ai assuré, je vise la gagne, je me fixe des objectifs et je les suis."
Joues-tu les World Series ?
"Pour faire simple, j'ai eu plusieurs fois envie d'y aller, j'ai eu plusieurs fois les sous pour y aller... et j'ai eu quasiment à chaque fois une histoire de filles (rire), une rupture, un problème, c'est toujours arrivé à ce moment là. J'ai une vie un peu mouvementée là-dessus. J'ai préparé plusieurs fois le voyage, mais je ne préfère pas aller jouer loin avec la tête ailleurs. Je suis quelqu'un de sensible, à chaque fois que j'ai des problèmes, je fais des erreurs."
Lorsque tu n'es pas au maximum, tu fais une pause ?
"Oui, c'est ça. Au début, je faisais trop d'intensif, sans pause, au final, c'est contre-productif et tu fais des erreurs, tu perds de l'argent, petit à petit, tu ne t'en rends pas compte en fait."
Tes ressources poker proviennent du online ou du live ? Quel système à ton niveau ?
"C'est un panachage, en gros, pour faire simple, online, je joue un gros volume pour pas cher pour amenuiser la chance, du coup, selon mes résultats, on va dire, lorsque je joue plus cher, je me permets de écarts, notamment en live avec les frais que cela engendre. Dans l'ensemble, je n'ai pas besoin de jouer cher, je n'ai pas besoin de grand chose. Je fais plus au grès de mes résultats qu'autre chose."
Que fais tu de tes gains ?
"A chaque fois que j'ai un gros gain, j'en envoie toujours une partie à ma famille ou lorsqu'ils ont besoin d'un truc. Parce que je viens vraiment d'un milieu.. ce n'est même pas modeste, c'est vraiment, vraiment, vraiment... Du coup, lorsqu'ils entendent les sommes que je gagne, je ne me vois pas rien faire."
Que pense ta famille de ton activité ?
"Ma mère me suis un peu, mais... ça les dépasse pas mal, comme cela dépasse pas mal de gens. C'est difficile d'expliquer comment tu peux avoir une voiture à 3.000 et t'inscrire à un tournoi à 5.000. La raison est : lorsque j'investis dans un tournoi, je pense vraiment pouvoir le gagner. J'ai appris tellement en jouant sur le net, que maintenant je suis capable de gagner dans beaucoup de situations."
Quelle a été ta formation ?
"J'ai fait médecine, enfin, c'est assez compliqué, j'ai fait Bac S, j'ai redoublé deux fois, j'étais trop embarqué dans les jeux vidéo, je n'allais plus trop en cours, puis j'ai repris les choses sérieuses avec des cours du soir, j'ai eu mon diplôme, ensuite la fac de médecine, j'ai bossé comme un âne, j'adorais ça, mais j'ai fait un épuisement d'une semaine lors de ma seconde première année, je me suis retrouvé cloué au lit, je ne pouvais plus bouger. Zéro force, mon corps avait tout rendu. Très bizarre. Je travaillais le soir pour vivre, j'allais en cours et je les bossais les après-midis. J'étais vraiment à 200%."
Comment le poker est-il arrivé ?
"J'ai donc raté mon diplôme de médecine, j'ai fait une dépression d'un mois, j'avais tout donné, un ami m'a dit, tiens j'ai trouvé un forum de poker, le Lorraine Poker Tour, c'est là où j'ai démarré. J'y ai pris goût, gagné énormément lors des petites rencontres, il faut être honnête, tu joues contre monsieur Tout-le-monde, parfois ils sont un peu spaces, il suffit de pas grand chose pour gagner un tournoi de club. Les gens ne comprennent pas tout, ils sont à fond dedans et font parfois des choses bizarres. C'est une ambiance un peu spéciale, les clubs. J'ai rejoué en club, ça a évolué en truc bizarre, je ne sais pas. Je n'ai pas aimé mes dernières expériences en club. Même lorsque je les croise sur les tournois, ils sont très spéciaux, ils le vivent très intensément, c'est la passion, ils n'en font pas comme moi, 15, 20, 30, cette intensité est néfaste, parfois, ils sont aux tables, ils parlent mal, dès que je vois un patch de club, il y a souvent de mauvaises réactions derrière. De plus, j'ai un fort caractère, quand je vois un adversaire faible, je vais l'éclater, je ne suis pas là pour me faire des potes, du coup, ils sentent que je leur mets la pression et ils craquent tous (rire). C'est rigolo, mais ça m'est encore arrivé hier."
Tu as franchi plusieurs autres paliers depuis ton jeu en club...
"J'ai juste eu l'audace de foncer au début. De prendre tous les risques sans réfléchir. Avec beaucoup de road trips avec mon pote. Tiens, il y a un tournoi là, on y va, on fonce, avec 500 balles dans les poches, comme des hommes, on va se démerder, on s’asseyait aux tables de cash avec deux caves et demi, trois caves, on se battait, on s'inscrivait au tournoi le lendemain. J'ai plein d'aventures comme ça au départ."
Comment es-tu arrivé à ne plus débouler sur un tournoi au couteau ?
"C'est le online, Internet limite la part de chance. Au couteau, il faut l'avouer, la chance doit être au rendez-vous sur le moment. Vraiment. Le Partouche en 2008 avec ma 18ème place, Pfff, il y a eu des circonstances... deux trois coups clés m'ont propulsé loin dans le tournoi. Heureusement qu'ils sont arrivés, parce que techniquement, je n'avais pas le niveau de jouer post-flop. J'ai gagné beaucoup de gros coups pre-flop après des erreurs de joueurs français qui sur jouaient des mains à l'époque. Puis sur la saison II du Partouche Poker Tour (PPT) en 2009, on est descendu dans le sud avec rien, 500 balles en poche. Pour payer mes nuits d'hôtel, je jouais la nuit sur le net, j'encaissais et je payais la chambre. On partait le jour sur les tables de cash, sur ma dernière cave, j'ai tout éclaté, je suis ressorti gros gagnant. On est ensuite parti à l'aventure au Palm Beach avec quatre caves à deux, chacun sur une table, on a gagné une tonne. On a fait un satellite pour le PPT, je m'y suis qualifié, lui a rejoué en cash et a tout perdu. Ça ne va pas que dans un sens.
J'étais mega chip leader du tournoi, j'ai fait une erreur, je l'ai donné après quinze Red Bull d'affilé pour essayer de tenir le coup. J'ai fait tapis par nervosité et ce n'était même pas à moi de parler. J'ai bullé le tournoi après avoir été chip leader. Depuis ce jour là, j'ai découvert qu'online, je pouvais préparer le terrain avant d'aller jouer en live. En ne jouant que sur le net tout en préparant mes voyages, je serais beaucoup plus détendu."
Il y a eu Antibes en 2010, la victoire...
"Oui, alors là, encore une histoire un peu fofolle, c'était l'année de l'ARJEL (NDLR : régulation du poker en ligne), je commençais à bien gagner sur le .com, je m'étais découvert une vrai passion, les Sit&Gos, dans mon club on se lançait des défis, atteindre tel gain en une période donnée, je ne faisais que ça. Lorsque l'ARJEL a fermé le .com, je n'avais plus ce moyen de rentrer de l'argent facile, je me suis retrouvé sur le .fr, je n'étais pas adapté, je n'étais pas prêt et j'ai perdu une tonne, je n'avais plus d'argent. En Sit&Go, le niveau était bien plus élevé que celui du .com, les gens étaient bien plus malins, sur les hautes limites, il était impossible de dégager un vrai gros profit, je met au défi de trouver des joueurs qui ont beaucoup gagné. Le vrai gagnant maintenant sur les Sit&Gos est Pokerstars, c'est à dire la salle qui opère la taille sur les tables. C'est très dur, comme on l'appelle, de "battre le rake". Sur le Joa à Antibes, dans ce contexte, j'ai fait un satellite à 300, un seul, je l'ai gagné pour aller faire le 2.500 à Antibes. J'avais le ticket, avec un pote on s'est arrangé pour trouver un endroit ou dormir. Contrairement aux années précédentes, nous avions tout réglé à l'avance pour résider sur place."
C'est donc à force de pousser, de forcer...
"C'est la combativité qui a fait la différence oui, je n'ai jamais vraiment lâché face aux adversités. Maintenant, je suis parti de la France, je me suis expatrié au Luxembourg pour garder ma famille pas loin. Je ne le cache pas, je suis retourné jouer sur le .com. Pour moi, l'économie du poker français ne peut fonctionner que difficilement sans liquidité internationale, ce microcosme tourne en rond. Sur ce tournoi, il y a beaucoup de qualifiés, ils espèrent tous faire ITM (NDLR: entrer dans l'argent) avant tout, c'est déjà beaucoup pour la majorité, il y a un problème d'argent..."
Merci Fabrice et à bientôt.
.
France Poker Series : Couteau entre les dents ou Détendu
Salle Pokerstars : satellites en Ligne FPS EPT
News France Poker Series
Salle de Poker Cadet Paris : FPS 1100€ 16-24 novembre 2013
Exclusif : Freeroll Pokernews FPS Deauville 2014 - 10/100 points VPP Pokerstars.fr