Las Vegas vu par... Michel Leibgorin
Michel Leibgorin et sa loupe. Si vous avez joué plusieurs tournois live, vous avez du croiser ce passionné qui sait aussi tenir les cartes comme en attestent ses 900 000$ de gains sur Hendon Mob. Michel c'est aussi 79 lignes depuis 1995 et 18 victoires notamment à l'Aviation Club de France, en marge du Partouche Poker Tour ou encore sur un side des Masters Classic d'Amsterdam.
Sur le départ de Las Vegas après sa Table Finale sur l'Event #8 des WSOP 2015, Michel raconte son trip dans le Nevada...
"Nous sommes au petit matin à Las Vegas, j'ai mon avion dans deux heures. Je repars tranquillement vers la France après 19 jours de poker dans le Nevada. J'ai choisi le confort pour rentrer à la maison, je conseille à tous de faire un vol direct depuis Londres. Je vais donc faire Las Vegas - Londres puis Londres Montpellier, tranquillou.
Du côté du poker, le bilan est bon. Contrairement à la majorité des joueurs qui s'enflamment à la moindre performance, j'ai plutôt tendance à descendre les buy-ins pour être certain de revenir avec de l'argent et le sourire. J'ai donc disputé des plus petits tournois sur la fin de mon séjour. Sinon, j'ai par exemple fait la bulle du WSOP 1000$ Turbo sur un coup aléatoire alors que ma sortie était imparable sur le 600$ de la série Extravagnaza du Venetian. J'ai quand même terminé 26e sur plusieurs centaines de joueurs...
Je reviens donc avec 15 000$ dans les poches grâce à un money management strict. Ma Table Finale WSOP y est pour beaucoup (Michel a terminé 6e de l'Event #8 WSOP PLO à 1500$, ndlr). Cela fait 20 ans que je m'endormais en pensant à cette finale et au bracelet WSOP, plus de 7000 nuits ! Donc j'étais plutôt détendu et pour tout dire cela ne m'a pas fait d'effet particulier d'être sur la dernière table. Un pote était avec moi et il était émotionné pour moi, en larmes ou presque quand j'ai atteint la Table Finale, c'est super à vivre mais moi je n'ai pas ressenti grand chose.
Sur la Finale en elle même, j'ai été card dead et j'ai fait un mauvais moove... qui m'a coûté mon tournoi. Je pense qu'il y avait moyen de gratter 25000$ de plus mais la configuration m'a poussé à agir. Le chipleader avait autant de jetons que les cinq autres joueurs dont moi. Tom Marchese était à ma droite et je me disais qu'il allait tout envoyer sur une relance du chipleader qui agressait beaucoup lorsqu'il verrait le moindre Ax. Ca n'a pas raté et donc quand j'ai trouvé A♠J♠ j'ai tout mis aussi... pour découvrir qu'il avait AxKx le Marchese...
Ma première à Las Vegas c'était en 1995. C'est Bruno Fitoussi qui organisait des voyages pour les joueurs de l'Aviation Club de France ! Nous étions 19 joueurs et nous avions été au Treasure Island, il y avait le père de Georges Djen, Robert Kojfer (7e joueur tricolore avec le plus de places payées sur Hendon Mob, un regular de chez regular de l'ACF, ndlr) et Claude Cohen (qui gagnera un bracelet WSOP en 1997 avant de finir runner-up du WPT Paris en 2003, ndlr)... Nous étions tous des fumeurs de cigares mais on s'était un peu monté la tête avec l'embargo cubain. Nous avions convenu de ne rien amener mais Robert Kojfer avait annoncé, "Moi je déclare" ! On arrive donc à la douane et il suit son plan. Le douanier lui demande d'ouvrir sa boîte de Monte Cristo N°3 et il ouvre un à un tous les cigares au cutter... pour vérifier. Quelle rigolade... évidemment les autres sont passés en douce sans déclarer aucun cigare !
Depuis, j'ai du venir presque une quinzaine de fois. L'effet de surprise existe toujours à Las Vegas car la ville change en permanence. Après, les autorités rajoutent de plus en plus de règles et cela devient un peu moins drôle. Quand tu déclares à la douane en arrivant, tu sors d'un voyage de 14 heures, très fatigué, et, avec ma vue, j'ai besoin d'aide pour les formalités donc je passe parfois en douce. Sinon, côté poker, la première fois que nous sommes venus nous débutions tous plus ou moins, les Américains étaient au 28e étage, nous au premier sous sol. Aujourd'hui cela a changé, les étrangers font un peu peur car ils savent que nous sommes créatifs. Leur habitude d'être des joueurs serrés et au style classique ne leur permet pas forcément de s'adapter...
Après presque trois semaines aux USA, c'est plutôt moyen au niveau de ma vision. C'est dur de jouer 15 tournois comme ça, je suis dans un brouillard hamiltonien (David Hamilton photographiait ses modèles, souvent dénudés, dans un flou artistique unique, ndlr). Las Vegas pour moi c'est le poker avant tout. La piscine et le soleil, j'ai ça à la maison donc je suis là pour jouer. Je vais faire un tour à Downtown ou aux Outlets pour un peu de shopping mais ce n'est pas ma priorité. Après j'aime bien faire de bons restaurants.
D'ailleurs, mon bon plan pour manger c'est une adresse hors du strip, le Ellis Island Casino. Oui comme l'île de la statue de la Liberté. C'est Christophe Benzimra qui m'avait dégoté l'adresse, dans une avenue parallèle au strip, derrière le Bally's. Là bas, tu peux trouver les meilleurs Spare ribes du monde, uniquement le soir ! Le tout à un prix défiant toute concurrence. Pour 14$ tu as une portion incroyable avec toutes les garnitures... il y a à manger, un truc de fou. C'est bien simple, ceux qui sont déçus, je rembourse le dîner.
"Las Vegas tu es content d'y arriver... et content d'en partir"
J'ai aussi entendu la polémique sur les nouvelles cartes. J'étais déjà là quand ils avaient changé les cartes à la moitié des WSOP, je crois que c'était en 2007. Je dois toujours avoir un paquet de l'époque quelque part... Cette année, j'ai bien du me planter trois fois au moins mais c'est plutôt drôle les piques et les trèfles qui se ressemblent vraiment trop. je trouve cela étonnant qu'une machine comme les WSOP n'envoient pas un paquet de cartes à une dizaine de joueurs pour les tester. Faire un panel ce n'est pas bien compliqué... Après, tout cela a occasionné des scènes drôles, par exemple quand un mec regardait lentement ses cartes, tu pouvais logiquement le mettre sur un A♠ ou un A♣.
J'ai deux anecdotes avec les cartes Modiano. Une fois je défends 9♠10♠ et je check raise sur Q♠7♠Qx. C'est payé et je mise encore sur le tournant 7x. Mon adversaire paye et le croupier livre une rivière 9♠ ! Je ne m'y attendais pas à celle là (rires), j'avais mal regardé mes cartes et du coup j'ai checké. J'ai quand même gagné la main (rires). Mon pote Charly Calfelis m'a lui raconté une bonne histoire.
Il joue un coup en hu avec un flop avec trois piques par terre et l'A♠ en main. Il y en a un quatrième à la rivière, ça s'enflamme et il y a un showdown. Son adversaire annonce alors "nuts" ! "Non c'est moi" lui répond Charly, bien évidemment son adversaire avait confondu et avait l'A♣ ! En 2007, c'était injouable et j'avais demandé à me faire rembourser, là ça restait praticable même si les nouvelles cartes sont très légères.
Avec mes soucis de vue, je profite et j'essaye de faire le maximum de choses. Je ne sais pas si je reviendrai l'an prochain car je ne sais pas si je pourrai le faire. Au final, Las Vegas tu es content d'y arriver... et tu es aussi content de partir !
Je vais profité de l'été, au calme, et me reposer avant d'aller probablement à Barcelone pour disputer l'Estrellas et tenter de me qualifier sur l'EPT. Aujourd'hui, je joue pour essayer de franchir le million de gains mais je ne roule pas sur l'or. Gagner en tournoi c'est très dur, je n'ai rien fait de l'argent en particulier. Avec les frais, il ne faut pas le cacher, être à jeu c'est déjà une belle réussite.
Je joue au poker pour son aspect social. Je n'ai aujourd'hui plus d'activité professionnelle et le poker me permet de croiser du monde, c'est un jeu. Je suis là depuis longtemps et les gens sont contents de me croiser. Je joue encore pour la rigolade, si vous entendez des éclats de rire, c'est probablement à ma table que cela se passe. Les rencontres, c'est ce qui me plaît dans le poker !"