Arnaud Mimran, joueur sulfureux
L'Obs dans son édition du 5 novembre dernier consacre une longue enquête à Arnaud Mimran, un homme d'affaire qui connaît des démêlés avec la justice. Dans cet article intitulé "Rolls, poker et affaires louches : un "golden boy" en eaux troubles", le magazine dresse le portrait d'un joueur sulfureux. Morceaux choisis.
Arnaud Mimran, 43 ans, a d’abord été inquiété pour délits d’initié. Il est aujourd’hui soupçonné d’extorsion de fonds, de colossales escroqueries à la TVA, et son nom est cité dans plusieurs affaires criminelles.
Le Cercle de l'industrie et du Commerce
Élevé dans les quartiers chics de Paris, Mimran navigue dans la finance et fréquente notamment le Cercle de l’Industrie et du Commerce. Il est aussi un habitué des parties de poker très privées. Celles qui se tiennent à l’abri des regards dans des appartements cossus des beaux quartiers. Pour faire partie du Cercle, il faut disposer de 10 000 euros cash et déposer à l’entrée un chèque en blanc destiné à couvrir les éventuelles pertes.
Dès les années 2000, c’est dans les radars de l’Autorité des Marchés financiers que Mimran commence à apparaître. Il travaille dans la finance et l’AMF le soupçonne de disposer d’informations privilégiées sur le marché. « On a toujours pensé qu’il tenait une partie de ses tuyaux de confidences glanées auprès de ses partenaires de poker lors de parties s’étirant jusqu’à plus d’heure », confie un ancien de l’Autorité au journaliste de l'Obs.
Arnaque à la taxe carbone avec Samy Souied, lui aussi joueur de poker
A la fin des années 2000, il semble s’aventurer vers d’autres activités, moins légales celles-ci. Et se choisit comme associé Samy Souied, gamin de Belleville, considéré comme l’un des pionniers des arnaques aux faux encarts publicitaires et surnommé « le caïd des hippodromes ». Il est lui aussi un joueur de poker invétéré, assurant la fonction de « banquier » lors de parties aux tables du Cercle de l’Industrie et du Commerce, au cours desquelles il prélève 2% sur chaque mise.
Mimran et Souied font connaissance par l’intermédiaire de Marco Mouly, autre joueur dont le nom apparaît également dans plusieurs affaires d’escroquerie. Samy Souied et Marco Mouly cherchaient un investisseur pour monter une affaire au plus vite et l’associer dans la nouvelle arnaque du moment : l’escroquerie à la TVA sur les échanges de quotas de carbone. Des petits malins issus du milieu franco-israélien ont repéré une faille béante dans le système de Bourse mis en place par la Caisse des Dépôts et Consignations. Ils s’y engouffrent à toute vitesse en montant de fausses sociétés avec gérants de paille, comptes exotiques et flux d’argent complexes, pour empocher la TVA sur les quotas sans jamais la reverser.
Samy Souied assassiné
Le 14 septembre 2010, Samy Souied a été abattu de six balles sur le parvis du Palais des Congrès, à Paris. Les tueurs ont surgi à scooter au moment où Arnaud Mimran, venu retrouver son associé dans la taxe carbone, lui remettait une bague en forme de tête de mort destinée à sa femme. Souied était arrivé le jour même de Tel-Aviv. Il devait repartir par un vol du soir pour Israël.
Flambeur à la Bobby’s Room du Bellagio
Le journaliste de l'Obs révèle aussi que "dans sa déposition sous X, un témoin explique qu’après la mort de Samy Souied le train de vie d’Arnaud Mimran aurait augmenté : achat de plusieurs voitures, de montres de luxe, folles parties de jeu à Las Vegas, où il se met à fréquenter la prestigieuse Bobby’s Room du Bellagio, où la mise de départ est de 500 000 dollars minimum. Selon la rumeur, il aurait laissé une ardoise de plusieurs millions d’euros dans les casinos du Nevada. "Incapable de rembourser Souied, Mimran l’aurait fait assassiner ", soulignent les douanes dans le rapport qui reprend la thèse du témoin sous X. Problème : " Les investigations réalisées dans la présente procédure ne sont pas à ce jour suffisantes pour confirmer ou infirmer cette thèse."
Mouly échappe à la mort, pas Albert Taïeb
Un autre mystère criminel porte le nom d’Albert Taïeb. Le 6 avril 2014, vers minuit, cet homme d’une soixantaine d’années revient du cercle de jeu de l’Aviation Club de France en compagnie de Cyril Mouly, cousin de Marco Mouly et neveu de Samy Souied, joueur bien connu des tables de poker, condamné à cinq de prison dans une affaire de faux encarts publicitaires, dont il est l’homme à tout faire. En pénétrant dans le hall de son luxueux immeuble proche du parc Monceau, cette nuit-là, « The Frenchman » comme on le surnomme à Las Vegas, aperçoit deux hommes casqués qui dévalent à grandes enjambées le grand escalier. Mouly parvient à prendre la fuite. Pas Albert Taïeb, lardé de multiples coups de couteau dans un inexplicable déchaînement de violence. Dans un premier temps, le joueur de poker pense à une tentative de vol qui a mal tourné. Il a déjà fait l’objet d’un braquage de ses gains de jeu dans le passé.
Mais, lors d’une deuxième audition datée de septembre 2014, Cyril Mouly confie avoir de fortes suspicions sur l’implication d’Arnaud Mimran, qu’il connaît depuis une quinzaine d’années sans pour autant être un intime. Celui-ci n’a à ce jour pas été entendu dans ce dossier-là. A l’époque des faits, les deux hommes avaient un différend financier. En avril 2013, Mimran lui aurait emprunté 2 millions d’euros. Depuis lors, il le faisait patienter pour lui rembourser la somme. Une source de tension entre eux. Trois jours avant le meurtre, lors d’un rendez-vous à l’hôtel Shangri-La, il lui aurait promis le remboursement du prêt pour le lundi 6 avril, jour du meurtre. Somme qui n’arrivera jamais. L’enquête, confiée au juge Gachon, semble elle aussi au point mort.