Première femme victorieuse sur le World Poker Tour, Ema Zajmovic se dévoile
Ema Zajmovic vient de se hisser deux fois de suite en finale du World Poker Tour disputé au Playground Poker en banlieue de Montréal. Il y a trois ans la joueuse de cash-game rêvait tout juste de s'aligner dans un tournoi de ce genre... elle vient de devenir la première femme à s'imposer sur un Main Event du WPT. A la découverte d'une francophone qui perf' !
Zajmovic a eu de la réussite comme tous les vainqueurs, elle aussi bénéficié d'un coup de pouce du destin quand elle a passé AxQx contre AxKx à tapis préflop pour sa survie. En route vers un gain de 261 000 dollars du Canada, la francophone raconte son état d'esprit avant sa victoire historique et lève un peu le voile sur son parcours.
"Je me suis concentrée sur l'opportunité de faire deux tables finales de suite. Je sais que cette première victoire féminine était un énorme angle d'attaque pour les médias mais quand je joue j'essaye juste d'être meilleure que mes adversaires et de faire moins d'erreurs que les uatres. Le but c'est de jouer son a-game plus souvent. Je veux affronter tout le monde et pas uniquement les femmes", confie celle qui va avoir 27 ans en avril.
Cinquième du WPT Montréal de Novembre remporté par Mike Sexton pour 102 010$ du Canada, Zajmovic avait fait forte impression auprès du vainqueur et commentateur historique du World Poker Tour, elle n'a pas gagné car elle a eu uniquement de la chance. "Je suis probablement le plus gros fan d'Ema, elle peut vraiment jouer. Quand j'ai gagné c'est elle qui a dominé le jeu des quatre dernières tables jusqu'à la finale. Elle est agressive et n'a pas peur de jouer de gros pots. Sa victoire n'est pas un coup de chance, elle aurait déjà pu s'imposer lors du WPT que j'ai remporté... on va entendre parler d'elle dans le futur", explique Sexton.
De la guerre en Europe au froid du Nord
La famille Zajmovic a été prise au milieu de la guerre qui a ravagé l'ancienne Yougoslavie de 1991 à 20001. La partition de cet Etat en petite république comme la Bosnie ou la Croatie a provoqué plus 100 000 victimes et des millions de familles se sont retrouvées sans maison. Alors qu'elle n'avait que 6 ans, en 1996, Ema Zajmovic et sa famille sont donc partis sans se retourner vers Quebec et le Canada.
"Mes parents ont fait le maximum pour ma soeur et moi. Je suis fier d'eux et je les remercie chaque jour pour cette qu'ils nous ont donnée", indique Ema qui était une enfant sage et disciplinée, "pas la gamine cool".
Il a fallu s'adapter et apprendre le Français et Zajmovic confie qu'elle s'est sentie parfois rejetée à l'école primaire. Avec le temps, alors qu'elle s'est mise à faire du sport plus régulièrement, elle a commencé à s'intégrer, traînant plus avec des garçons qu'avec des filles.
Attirée par le droit, Zajmovic voulait devenir avocate. C'est pourtant vers un diplôme en relations publiques qu'elle va se diriger avant d"obtenir un master en sciences politiques. Très engagée dans le poker, elle ne travaille qu'à mi-temps à Montréal où elle est installée depuis quelques années. Fan de hockey, elle a fondé un site de draft sur la NHL, la ligue nord-américaine de référence. Elle se passionne aussi pour le yoga, le basket et la lecture.
Ema Zajmovic a commencé a touché les cartes à l'adolescence. A 19 ans, elle s'est mise à voyager avec son petit ami qui jouait aussi au poker, le duo préférait trouver une partie que sortir faire du shopping ou traîner dans les rues. Concentrée sur le cash-game, Ema ne s'est tournée vers les tournois que bien plus tard.
"La route a été longue et dure, avec toute la variété de swings émotionnels et financiers qu'expérimentent les joueurs de poker. [...] C'était aussi un challenge d'être une fille dans un monde d'hommes. J'ai appris beaucoup durant mon parcours et je continue mon apprentissage tout en essayant de m'adapter à cette réalité", explique la jeune femme. "Maintenant j'ai gagné un titre, c'est exceptionnel et je suis vraiment reconnaissante pour ce qui m'arrive", ajoute Zajmovic.
Les femmes au pouvoir
Avant la victoire de Zajmovic au WPT Playground, 265 éditions du WPT avaient été organisées pour un total de 117 683 entrées et 832 millions de dollars de prix distribués. La victoire d'une femme sur un Main Event World Poker Tour ne semblait qu'une question de temps. Bien que les femmes ne représentent qu'un petit pourcentage du field, plusieurs femmes ont gagné en cash-game et en tournois à très haut niveau. De Jennifer Harman à Vanessa Selbst en passant par Kathy Liebert, Victoria Coren Mitchell ou récemment Cate Hall lors de la saison XIV du WPT, nombreux sont les exemples de bonnes joueuses.
"Je ne connais pas la véritable porté de la victoire d'Ema mais c'est bien de voir une femme remporter un WPT dans un événement ouvert à tous. [...] Je suis surpris que cela ait pris autant de temps", explique Sexton. La championne ne compte pas s'arrêter là et a prévu d'être de la partie au WPT Hard Rock Poker Showdown en Floride fin mars avant de disputer le WPT Tournament of Champions en avril puis de se rendre en Europe disputer quelques tournois avant les WSOP.
Le plan de Zajmovic c'est de continuer à jouer tout en voyageant et d'offrir des cadeaux à sa famille.
Bien qu'elle espère que plus de femmes vont se prendre au jeu, Zajmovic ne se voit pas comme un porte-parole et sa concentration reste sur le jeu à la table... que son adversaire soit un homme ou une femme. "Beaucoup de gens me demandent ce que je pense de la place des femmes dans le poker", explique-t-elle avant de donner son sentiment. "En tant que communauté, les hommes et les femmes qui jouent doivent comprendre qu'il y a plusieurs décades de conditionnement mental qui découragent les femmes de jouer au poker. Nous avons tous besoin de garder un esprit ouvert et d'être conscient de cela. Il faut être patient. Les femmes ne peuvent pas arriver avec agressivité et montrer leur frustration dans l'espoir de changer ces comportements. J'ai vu beaucoup de femmes être malpolies, vulgaires pour essayer de se fondre dans la masse et faire comme les hommes", ajoute celle qui cumule désormais un peu moins de 300 000$ de gains.
"Mon expérience personnelle me fait dire que la meilleure manière de changer les stéréotypes c'est d'être soi-même, d'embrasser ce que l'on est et de simplement voir comment les hommes et les femmes peuvent participer à la même compétition de poker. Nous avons tous quelque chose à apprendre de nos adversaires et faire preuve de fermeture d'esprit n'aidera personne", termine-t-elle, persuadée que tout le monde a des qualités pour devenir un joueur correct quelque soit son genre ou son orientation sexuelle.