Poker Online : Un Grand Maître d'échecs chassé par le FISC espagnol
Francisco Vallejo Pons n'a pas percé dans le poker comme de nombreux passionnés des échecs. Devenu Grand Maître aux échecs à l'âge de 16 ans, l'Espagnol est même désormais dans une passe très difficile. Il a déclaré forfait au dernier moment pour les Championnats d'Europe après s'être pourtant rendu à Batumi en Géorgie.
Juste avant le 5e tour, l'Espagnol a expliqué à Chess.com que la débâcle qu'il vivait avec le FISC espagnol le poussait à rentrer chez lui. Tête de série n°4 d'un tournoi qu'il a remporté en 2013 et qui permet de se qualifier pour la Coupe du Monde FIDE 2019, Vallejo a aussi partagé un long post sur Facebook où il explique que des problèmes personnels l'empêchent désormais de jouer normalement aux échecs. Il résume cela en une phrase : "Comment une vie idyllique peut se transformer très vite en désastre".
"Si vous aviez la malchance de jouer en 2011, votre vie peut être détruite""
"Repartons en arrière, jusqu'à 2011. J'ai joué au poker sur Internet, pour le plaisir, je ne suis pas un gambler. J'ai tout perdu, quelques milliers et puis j'ai arrêté. J'ai arrêté de jouer à ce jeu.
"En 2016, je reçois une lettre de l'administration des taxes espagnoles qui me réclame une somme à six chiffres ! Plus d'un demi million d'euros car j'ai joué au poker et perdu. Une blague macabre on dirait... mais non car à partir de là tout s'enchaîne et tu n'es plus rien."
Une loi espagnole problématique
Vallejo n'est pas dans le bon timing. L'Espagnol a pratiqué le poker online en 2011 comme beaucoup de gens passionnés des jeux de stratégie, comme la plupart d'entres eux, il a perdu puis arrêté. Malheureusement pour Vallejo, une vieille loi financière de son pays, qui a été modifiée en 2012, indique que les "gains sur les jeux en ligne sont sujets à une taxation de 47%, les pertes ne pouvant être déduites".
Vallejo a réalisé 1 million de "gains" au poker en ligne et perdu un petit peu plus pour un solde final légèrement négatif. La colonne des pertes n'intéresse pas l'administration espagnole qui a demandé un peu plus de 500.000€ à Vallejo, une somme qu'il n'a jamais véritablement gagnée ni déposée sur son compte bancaire (cash-out).
Toutes les formes de jeux de hasard pratiquées à plusieurs reprises produisent une combinaison de gains et de pertes, et la plupart des systèmes de taxation le prennent en compte. L'impôt est alors généralement prélevé sur les "gains nets" uniquement. C'est d'ailleurs le cas en Espagne depuis 2012. Vallejo est lui victime de l'ancienne loi.
"Ils sont parfaitement au courant de ce qu'il se passe mais ils n'ont jamais voulu prendre en considération mes pertes. Ils ont déjà saisi la totalité de mes biens".
Vallejo a expliqué à David Llada dans un article paru dans El Mundo qu'il n'avait pas vraiment eu le virus poker. Il ne s'est jamais considéré comme un joueur de poker et les échecs ont toujours été sa passion principale.
"J'ai envie de dire que je n'ai même jamais été un gros fan. J'ai lu quelques livres mais je n'ai pas le profil d'un joueur. Je pensais que je pouvais gagner et quand j'ai réalisé que cela n'était pas le cas, j'ai arrêté. Le poker est un jeu répétitif, pas comme les échecs, il n'est pas très sympa d'y jouer en permanence", explique-t-il.
Vallejo ajoute dans cet article qu'il a cru a une erreur quand l'administration l'a contacté en 2016 puisqu'il n'avait jamais retiré un euro d'un compte de poker online vers son compte bancaire. Vallejo assure qu'il n'a jamais tiré un profit net du poker, il a même perdu les milliers d'euros qu'il a investi au départ. Joueur perdant, Vallejo ajoute que l'administration n'a "jamais voulu prendre en considération ses pertes. Ils ont déjà saisi la presque totalité de mes biens".
Boule de neige
Vallejo a expliqué dans son post sur Facebook que les effets de cette chasse à des euros inexistants de la part de l'administration l'empêche de participer à une épreuve exigeante comme les championnats d'Europe d'échecs.
"C'était une erreur de venir jouer, je n'étais pas préparé"
"En 2016 ma vie a changé. C'était le temps des avocats, des meetings avec l'administration. J'ai commencé à annuler des déplacements sur les tournois d'échecs à cause de mes nerfs. Les infections de peau ont débuté, j'ai déclaré forfait pour l'équipe nationale car je ne supporte plus la pression, il y a plusieurs parties où j'avais les larmes aux yeux à cause de ma situation.
En plus, cela coïncide avec les pertes financières de ma mère [elle a perdu ses investissements à cause des pertes enregistrées par la Banque de Santander] et une très sérieuse infection qu'elle a contracté à l'étranger qui a failli lui faire perdre la vie. Je n'ai pas pu m'occuper d'elle à cause de ma situation avec les Impôts, ils avaient déjà tout pris et ils réclament encore plus.
Je pensais que je pouvais tout affronter, je pensais que cette mauvaise fortune allait tourner un jour, je pensais que j'allais lutter au jour le jour comme si elle n'avait pas souffert, j'ai essayé tous les jours durant deux années. Mais c'était une erreur de venir aux Championnats d'Europe, je n'étais pas préparé. J'aurais adoré pouvoir vivre ce moment dans le présent mais la réalité est implacable. Bon, ce ne sont 'que' des échecs".
Des répercussions durables
Dans l'article, Llada semble indiquer que Vallejo est le seul Espagnol a être victimisé par cette loi obsolète. Pourtant, de nombreux procès sont en cours et de nombreux "joueurs" tentent de trouver, ou trouvent, un accord pour uniquement payer des taxes sur les gains réels, les profits.
Vallejo a lui publié un deuxième post sur Facebook en fin de semaine dernière où il pointe le fait de ne pas être une victime isolée de cette loi. "Beaucoup de gens ont décidé d'essayer le poker ou les paris sportifs pour s'amuser. C'était un hobby et ils ont perdu un petit peu au final... avant de se retrouver impliqués dans une terrible affaire judiciaire... avec des comptes saisis et une vie détruite".
"Cette injustice FLAGRANTE a été corrigée en 2012 quand la loi a amélioré les choses et clarifié la situation. Désormais les pertes et profits sont pris en compte et l'imposition ce fait sur ce qu'une personne a réellement gagné. Si vous aviez la malchance de jouer en 2011, votre vie peut être détruite. De manière incompréhensible, ils n'ont pas appliqué le principe de rétroactivité dans cette nouvelle loi".
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