Cash Game Poker : S'ajuster aux joueurs agressifs post-flop en heads-up
Cet article est le dernier de la série sur le poker en heads-up. Il aborde les situations post-flop contre les bons joueurs agressifs et qui savent s'ajuster à votre style de jeu. Beaucoup des concepts abordés ici sont complexes et il est conseillé de lire les articles précédents afin d'en saisir la totalité.
Ajuster la range avec laquelle on voit le flop
Si vous affrontez un bon joueur, qui réfléchit à ce qu'il fait, alors toute la dynamique du jeu change. Ce type de joueur va répondre à votre agression en étant agressif lui-même et saura s'ajuster rapidement. Il est alors important de ne pas être prévisible. Vous pouvez l'éviter d'une façon "fishy", en faisant chaque move de temps en temps, en jouant plus de façon aléatoire, mais c'est loin d'être optimal. Ce qu'il convient de faire, c'est de choisir une range pour chaque type situation et dans cette range vous décidez de faire certains moves à une certaine fréquence.
Une situation préflop simple est, par exemple, les cas où l'on 4-bet. Une range de 4-bet se compose de 4-bet en bluff et pour valoriser vos bonnes mains. Vos 4-bet pour valoriser sont faits avec 80% de vos AK, 70% de vos QQ, 50% de vos KK et 40% de vos AA. Le reste du temps vous suivez seulement le 3-bet. Si vous suivez cette règle, il sera difficile pour votre adversaire de déterminer à quelle fréquence vous détenez une main précise dans une range donnée. Ainsi, vous n'est pas prévisible. Commençons par parler des pots 2-bet (ouverts par une seule relance préflop) et dans lesquels vous êtes en position.
Planifier sa main dès le flop
Lorsque vous avez l'initiative (vous êtes le relanceur pré-flop) et vous voyez le flop, vous connaissez déjà 60% des cartes communes. C'est le moment de planifier votre main. Si vous n'avez rien touché sur le flop, c'est peut-être une bonne situation pour tenter un bluff (votre adversaire a-t-il souvent amélioré sa main sur ce flop ?) ou peut-être une bonne situation où un bluff peut se développer (si des "scare cards" sortent) ou une situation il vaut mieux attendre et repousser l'action sur une autre street. Si vous avez amélioré votre main, vous évaluez alors la façon de la rentabiliser sur chaque street.
Il y a un certain nombre de lignes simples qui résument la plupart des mains. Je veux parler des continuation bets, des delayed c-bet (continuation bet sur la turn), des 2-barrel (miser à nouveau sur la turn après avoir misé sur le flop), des 3-barrel ou encore des donkbets, des check-raise sur le flop, le turn ou la river, et ainsi de suite. Beaucoup d'argent s'échange ainsi de façon "invisible" car l'on voit rarement le showdown. Les joueurs mettent en général plus de temps à réaliser qu'ils perdent de l'argent à cause de certains de ces moves. Si, par exemple, vous êtes face à un adversaire qui réagit agressivement à vos continuation bets en faisant des check-raise, vous avez deux options. Vous pouvez soit faire des c-bets moins souvent et s'il continue de check-raise à la même fréquence, cela sera trop souvent, car vous aurez améliorez votre main relativement plus souvent. Mais, cette solution n'est bonne que contre les joueurs trop agressifs.
Une solution plus agressive est de réagir à ses check-raise light (avec une main faible) et de continuer de jouer vous aussi avec une main plus faible. Vous pouvez mixer votre range sur les flops à tirages avec des bluffs, des mains faites et des semi-bluffs. Mais vous donnez aussi la possibilité à votre adversaire de jouer ses semi-bluffs agressivement sur le flop, là ils ont la meilleure équité. Sur les flops sans tirages, il est plus difficile d'équilibrer sa range car il n'y a pas de semi-bluffs possibles. Parce que vous êtes en position, il est souvent plus simple de suivre sur le flop, même s'il y a des tirages. Vous pouvez suivre avec un tirage (et le convertir en semi-bluff sur la turn), avec vos mains faites et avec vos bluffs (floats).
Sur le turn, vous pouvez alors ré-évaluer la situation. Si vous commencez à call avec des mains faites, vous laissez votre adversaire sur-jouer ses mains sans qu'il ne s'en compte. Et tant que les tapis ne sont pas très profonds, vous n'avez pas besoin de 3-bet le flop pour rentabiliser au maximum, puisque vous arriverez à mettre tout votre stack dans le pot en trois streets.
Equilibrer ses lignes de mises dans des situations similaires
Il y a un grand nombre de moves de ce type que tous les joueurs font, mais chaque joueur a sa propre composition. Pour chaque nouvel adversaire, vous devez repérer les situations dans lesquelles il aime prendre les pots sans aller au showdown et réagir en conséquence. S'il vous agresse avec des mains faibles dans certaines situations, vous devrez soit éviter ces situations ou jouer vous-mêmes avec des mains faibles.
Pour beaucoup de mains, il y a une ligne "parfaite" si vous n'avez pas d'historique avec votre adversaire et que vous supposez ne pas jouer pas d'autres mains contre lui. Dans la mesure où cela va rarement arriver, vous devrez souvent dévier de la ligne idéale pour équilibrer votre range. Par exemple contre un joueur agressif, il est préférable de toujours 3-bet avec AJ, AQ, AK lorsque vous êtes de big blind car vous êtes largement favori sur sa range. Mais, si vous jouez toujours ainsi, cela implique que dans les pots 2-bet, vous n'avez jamais ces mains. Votre adversaire aura alors des situations très simples à jouer. Vous devez donc parfois seulement suivre la relance avec ces mains, par exemple flat-call 30% du temps avec AJ, 20% avec AQ et 10% avec AK.
Comme vous le constatez, les ranges d'un bon joueur sont très larges et variées dans la plupart des situations. Aussi, quand vous décidez de jouer d'une certaine façon, vous devez prendre garde à jouer de la meilleure façon possible contre cette range et non contre la main particulière qu'il a à ce moment précis. Vous allez donc souvent vous emmenez à "valuetown" vous-mêmes, c'est-à-dire que vous allez miser pour rentabiliser votre main et découvrirez que vous jouez contre un main meilleure que la votre. Mais retenez que si vous misez pour rentabiliser, vous ne devez avoir la meilleure main que 51% du temps pour être profitable.
Le valuebet ligh et l'overbet river
Ainsi, beaucoup de bons joueurs misent pour valoriser des mains faibles (valuebet light) et une bonne stratégie pour contrer cela est de check-raise la river en bluff. Ces mises seront en général très respectées dans la mesure où la plupart du temps, il vous faut une bonne main pour être rentable avec un check-raise river. Toutefois, il ne suffit pas de savoir que l'adversaire mise avec une main faible : vous devez représenter une main forte et qui aurait une raison réaliste d'avoir jouer passivement (check la river). Cela doit aussi être une situation où votre adversaire est censé miser assez souvent river pour être crédible.
Un autre move que j'ai expérimenté dernièrement est l'overbet river (miser plus que le pot). J'ai commencé à l'utiliser comme une arme pour pousser mes adversaires à folder des mains marginales qu'ils n'auraient pas jetées face à une mise standard des 3/4 du pot mais qu'ils passent face à une mise d'1,5 fois le pot. Après avoir joué régulièrement contre les mêmes joueurs, ils finissent par s'ajuster et commencent à suivre à l'occasion avec des mains relativement faibles. Et c'est alors le moment d'équilibrer votre range d'overbet. Ce qui était une bonne situation pour faire un overbet en bluff peut devenir une bonne situation pour faire un overbet pour valoriser une bonne main et être suivi par un bluff catcher (une main si faible qu'elle paye en ne pouvant battre qu'un bluff).
Dans un match en heads-up, vous rencontrez souvent des situations où votre opposant et vous-même bataillez avec chacun une main marginale. L'overbet est alors une arme pour tenter de mieux rentabiliser votre main. Le poker en heads-up est aussi très psychologique : beaucoup de joueurs sont irrités par les overbets (ou par des "underbets", des mises trop petites) et cela peut les inciter à faire des "hero calls". Parfois, un joueur peut décider que c'est le moment de suivre toutes vos mises jusqu'à la river avec une main faible car vous avez dominé le match jusque là et qu'il refuse de continuer de se faire marcher dessus. Si vous pensez que c'est le cas durant une main, vous pouvez le pousser à l'erreur avec un overbet. Beaucoup de joueurs ne savent pas y réagir correctement, car c'est une situation peu commune à laquelle ils ne sont pas habitués.
Le poker en tête-à-tête est différent car vous ne vous concentrez que sur un seul adversaire. Contre les joueurs faibles il est assez simple de s'ajuster rapidement, mais contre de bons joueurs cela devient plus difficile et plus dynamique. Ils vont s'ajuster eux aussi à votre jeu, ce qui va donner lieu à une histoire qui se construit au fur et à mesure que le match se développe. Essayer de rester un cran au-dessus en vous concentrant sur les moves que l'adversaire fait trop souvent ou trop rarement et ajustez votre jeu afin de le forcer à jouer différemment.
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