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Michel Abécassis : La malchance est une excuse facile

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Michel Abécassis : La malchance est une excuse facile 0001

Médecin, journaliste, double champion d'Europe de Bridge, champion du monde de poker sur Internet, commentateur de tournois pour la télévision... Entretien avec Michel Abécassis, dit « Mik22 » sur Internet.

Michel Abécassis a 53 ans. Il est également médecin, titulaire d'un diplôme de docteur en médecine obtenu au CHU Cochin-Port-Royal à Paris. Jeune étudiant en médecine en 1972, il intégra l'équipe de France junior. Né en Algérie à Oran, il pratique ce jeu depuis l'âge de 16 ans. Sa passion pour le bridge lui apportera notamment 13 titres de Champion de France et deux titres de Champion d'Europe jusqu'en 2005.

A la fin des années 80, Michel Abécassis est père de deux jeunes enfants. Son ami Lucien ("Lucky") Dana, champion de bridge et journaliste notamment au Nouvel Observateur, lui proposera à cette époque un stage au sein de la rédaction du magazine "Elle". Michel a alors 35 ans. Stagiaire en 1988, il gravira les échelons de la rédaction pour devenir en 1992 rédacteur en chef adjoint du magazine féminin et rédacteur en chef du magazine « Il ». Durant 5 ans, Michel Abécassis est également chroniqueur hebdomadaire au Nouvel Observateur, écrivant sur le monde du bridge.

Il quitte le magazine « Elle » en 1997, après avoir créé l'Association du Locked-In Syndrome pour faire connaître cette maladie rare qui avait touché en 1995 son ami le rédacteur en chef du magazine « Elle », Jean-Dominique Bauby. Michel Abécassis apportera son aide au journaliste en prenant en dictée son fameux témoignage consacré à la maladie : "Le Scaphandre et le papillon". Entre 2000 et 2001, Michel se retrouvera à la tête d'un petit groupe de presse comprenant notamment le magazine « Le bridgeur ». Et depuis 1997, il se perfectionne au poker et tente à travers son activité de journaliste de changer l'image du poker. Parmi ses récents résultats « live »: 15ème à l'Open de Scandinavie (European Poker Tour) en janvier 2006, et 17ème aux World Series of Poker à Las Vegas ($ 2,000 No Limit Hold'em) en juin 2005, second au tournoi majeur de l'Euro Finals of Poker en février 2005 à Paris...

Michel Abécassis a commenté pour Canal + dans les années 90 des championnats de bridge. Depuis janvier 2005, il commente les retransmissions notamment de l'European Poker Tour sur la chaîne Eurosport. Il tient également un site Internet sur le poker (www.pokerfull.com) et doit prochainement animer une salle de poker virtuelle francophone en partenariat avec son sponsor : « OnGame », qui détient notamment la salle Pokerroom. La sortie de la salle de poker est prévue entre les 15 et 30 avril 2006.

Pokernews - Comment êtes-vous passé du Bridge au Poker ?

Michel Abécassis - Je me suis mis au poker en 1997, après avoir quitté mon activité de journaliste pour le magazine « Elle ». J'éprouvais le besoin d'avoir une activité stable. Le bridge ne permet pas cela. C'est un domaine où il y a très peu d'argent, bien que les meilleurs joueurs soient sponsorisés. J'ai commencé par le poker ouvert. J'ai joué avec des amis, puis assez vite à l'Aviation Club de France à Paris. J'ai observé, j'ai lu, et j'ai pu progresser rapidement grâce à mon expérience et à ma pratique du bridge de haut niveau. J'avais appris la résistance à la pression. J'ai joué beaucoup et gagné régulièrement au bout de quelques mois. Puis j'ai levé le pied en 2000 et 2001 pour diriger un petit groupe de presse autour du bridge. Puis, je m'y suis remis. J'ai aussi été l'un des premiers joueurs sur l'Internet. En 2002, j'ai terminé premier des WCOOP (championnats du monde Internet - Pot Limit Hold'em) sur Pokerstars. En 2004, je suis arrivé 2ème des WCOOP (Omaha Hi-Lo). A cette époque, il y avait dans ces tournois à peu près 600 joueurs. Aujourd'hui, il y en a des milliers ! Depuis quelques mois, je me consacre aux tournois, je n'ai plus le temps pour les « cash games ». Je cherche également par mon travail de journaliste à casser les idées reçues sur le poker. Les gens en ont trop souvent une image négative qui date des films noirs des années 50 et du poker fermé.

Pokernews - Le poker, cela évoque quoi pour vous ?

Michel Abécassis - Une capacité psychologique : bien se connaître soi même. Il faut jouer en fonction de ses qualités et de ses défauts, car au poker, on retrouve toutes les situations de la vie. Il faut aussi apprendre à connaître les autres, leur niveau technique, leur caractère. Le niveau et l'humeur de l'adversaire vont déterminer par exemple l'intensité d'une relance. Et à une heure d'intervalle, l'humeur d'une personne pourra être interprétée d'une manière tout à fait différente. En résumé, c'est une discipline formatrice pour les relations humaines et pour l'égo. C'est une école de vie, d'humanité et d'humilité.

Pokernews - Le poker et le bridge tiennent-il la même place en France ?

Michel Abécassis - Fondamentalement, le bridge, c'est un jeu extrêmement complexe, d'une profondeur infinie. Un peu ésotérique, si on ne l'a pas étudié de près. Sa médiatisation n'a pas été bien gérée par certains responsables. Aujourd'hui, il stagne, sa population est vieillissante, même si il y a encore des jeunes, notamment dans le haut niveau, c'est devenu un jeu de vieux ! Ce n'est pas un spectacle visuel, ni médiatique contrairement au poker qui est plus spectaculaire et plus charismatique. Le poker est un million de fois plus important économiquement et en terme d'audience. Il est facile à comprendre, il montre des affrontements de personnalités, il y a des enjeux d'argent et de pouvoir, l'intervention du hasard et des renversements de situation de situations...

Pokernews - Quelles connexions entre le poker et le bridge ?

Michel Abécassis - Comme dans tous les sports, le poker et le bridge sont une combinaison de mental et de technique. Le joueur doit trouver un équilibre entre les deux. Un sportif peut être le meilleur de sa discipline physiquement mais il pourra être moins fort au final qu'un autre joueur plus intelligent. Prenez Raymond Poulidor et Jacques Anquetil dans le cyclisme des années 60/70. Poulidor est plus puissant, mais ce n'est pas un killer. Anquetil, lui, avait le mental et l'intelligence, il ne voyait pas seulement ses pédales. Poulidor était l'éternel deuxième.

Le mental est un trait commun à toutes les disciplines sportives. Il permet de gérer les enjeux, sa peur, de prendre des décisions rapides, il s'agit d'une qualité émotionnelle qui ne s'apprend pas dans les livres. Un joueur de tennis par exemple, on le voit un jour gagner, et un autre il craque, c'est une question d'équilibre entre la force mentale et la technique. Au bridge, et dans tous les sports, le mental permet de ne pas craquer et de gérer son tournoi. Le mental, c'est aussi une question d'expérience. Sur un même coup qui se présente, on va être calme et lucide lors d'un entraînement ou une partie entre amis, mais on ne sera pas à 100% de ses moyens lors d'un tournoi.

Ensuite, il y a la technique, le rationnel. La technique correspond davantage à un apprentissage, à une progression, à l'esprit d'analyse, au calcul des probabilités, à l'acquisition d'automatismes... Plus on en a, plus l'esprit est libéré, et plus on peut réfléchir à des choses plus avancées. Un joueur amateur, lorsqu'il découvre entre ses mains un A-A, peut être troublé. Le pro va être capable de réfléchir froidement aux différents paramètres, aux événements qui se sont déroulés ou non dans la partie. Il lui faut étudier les relances et leur niveau. Tirer les informations de ce qui s'est passé et aussi de ce qu'il ne s'est pas passé.

Un joueur de poker connaît des hauts et des bas, et il dira qu'il a connu un bon ou un mauvais jour. Mais la chance est un facteur omniprésent, que la technique permet d'évaluer. Le « bad beat » est une excuse facile, alors qu'il devrait être une occasion pour mener un travail d'introspection pour savoir ce qu'on peu imputer au hasard et ce qui relève de ses défauts personnels.

Pokernews - Vous avez commenté des championnats de bridge sur Canal + et aujourd'hui vous commentez les retransmissions de poker sur Eurosport. La télévision impose un scénario et un rythme particulier. Elle touche des millions de gens. La télévision change-t-elle le poker ?

Michel Abécassis - La télévision ne change pas l'essence du jeu, mais le déforme car ce n'est qu'un montage des meilleurs coups. Elle change la perception qu'ont les gens du poker. On voit des coups plus spectaculaires. Le spectateur ne peut pas se représenter le tissu conjonctif de la partie, car le montage fait que l'on passe sur les trois quarts des coups, et parfois sur les plus techniques.

Et puis il s'agit de retransmissions des tables finales. Les joueurs sont arrivés en finale, ils ont franchi plusieurs barrages. Leur façon de jouer est beaucoup plus violente une fois à la table finale. Ceci est dû à l'augmentation des blinds. Le volume des coups est donc différent, ce sont des coups du type « tapis ». Car le joueur doit résister à l'inflation des blinds. Alors que dans les premières phases d'un tournoi, la stratégie se développe de manière différente : la profondeur des tapis par rapport aux blinds de départ permet davantage de créativité et d'anticipation.

Cela étant dit, le poker passe très bien à la télévision pour une autre raison : on peut l'expliquer de manière pédagogique. C'est ce que je cherche à faire passer : les joueurs ne luttent pas contre la chance, qui est un élément du paysage, mais contre d'autres joueurs. La chance est la même sur la longueur. C'est la même chose pour les compétitions de ski, ou les régates pour les bateaux : on ne se bat pas contre la météo, mais contre l'adversaire. Je caricature bien sûr ! Mais ce qui compte est le long terme et les qualités intrinsèques du joueur, plus que la chance. Même si aujourd'hui il existe de plus en plus de joueurs sur le circuit, on retrouvera souvent les mêmes grands joueurs à la table finale. Car, aujourd'hui, le poker est un jeu intelligent et un vrai sport de compétition.

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