Royaume Uni - Coup d'arrêt sur la réforme de la législation sur les jeux online
Les joueurs de poker online américains et français peuvent ranger leurs ressentiments au placard.
Jusqu'à présent, la politique des Etats-Unis et de la France, Etats les plus prompts à protéger leurs intérêts dans le marché des jeux d'argent, était confrontée à un contre exemple : la réponse pragmatique des Britanniques à la problématique de la montée en puissance des salles de jeux sur Internet. Les Britanniques cherchaient à légiférer et à réguler le marché du jeu online notamment grâce à une "whitelist" d'opérateurs étrangers bienvenus, et non à brutalement l'interdire ou à lui mettre des bâtons dans les roues.
Toutefois, ces derniers temps, le Royaume-Uni a découvert son nouveau cavalier de l'apocalypse : le Premier Ministre Gordon Brown.
Le Royaume-Uni avait travaillé durant près de sept ans sur une réforme de sa propre législation sur les jeux d'argent, efforts aboutissant aux "Gambling Act" 2005. Cette réforme devait entrer en application en septembre 2007 essentiellement pour proposer un cadre attractif aux opérateurs de jeux d'argent online.
Parallèlement à une régulation du jeu sur internet, les Anglais travaillaient sur la mise en place d'une politique de pratiques publicitaires "responsables" ainsi que sur la création de "super casinos" comme on peut en trouver à Las Vegas aux Etats-Unis et Macao en Chine. Les gouvernements du monde entier observaient la manœuvre susceptible de devenir un nouvelle voie pour la régulation des jeux d'argent offline et online. Les grands opérateurs de plate-forme de jeux lorgnaient quant à eux sur de futurs accords avec les municipalités britanniques, avec à l'horizon de gros investissements.
Bien qu'accompagnée de lourdes contraintes régulatrices, la levée de l'interdiction sur la publicité pour les jeux d'argent ouvrait des perspectives alléchantes aux acteurs économiques du secteur.
La plupart des efforts et des investissements entrepris durant des années par le gouvernement britannique et les acteurs économiques, ont donc été défaits par M. Gordon Brown. Et ce, en l'espace de quelques mois.
Le 27 juin 2007, Gordon Brown est arrivé au pouvoir en Grande-Bretagne à la suite de Tony Blair au poste de Premier Ministre. Mais il s'était attaqué aux jeux d'argent bien avant, alors qu'il était Ministre de l'économie et fixait les taux d'imposition des sociétés en Grande-Bretagne.
La clé de voûte de la régulation britannique de l'activité des jeux d'argent en ligne consistait en la capacité de mettre en place de faibles taux d'imposition pour les sociétés du secteur, afin de ramener celles-ci dans le giron de la loi britannique. Les experts du gouvernement et les analystes du secteur pensaient que le niveau des taxes devait être fixé à 2-3% pour être attractive. Lorsque l'équipe de Gordon Brown présenta le budget de l'Etat devant la Chambre des Communes en début d'année, elle proposa un taux de 15%. D'aucun savait, Brown inclus, que ce taux était prohibitif.
John Coates, l'un des dirigeants de l'association sur les jeux à distance ("Remote Gambling Association"), déclara que ce taux pénaliserait les sociétés qui choisiraient de s'installer sur le sol anglais face aux sociétés offshores : "Le Royaume-Uni vient de tourner le dos à l'industrie du jeu. Il sera à présent pratiquement impossible pour un opérateur basé au Royaume-Uni d'être compétitif face aux compagnies offshores."
Certains pensaient que la seule et unique mission de M. Brown était de faire dérailler le train de la reforme de la législation sur les jeux d'argent en ligne. Ils furent donc surpris devant la décision du gouvernement britannique, le 11 juillet 2007, de suspendre la licence récemment accordée au premier super casino britannique qui devait être construit à Manchester.
En janvier 2007, la ville de Manchester avait été choisie comme devant être le site qui allait accueillir le fameux super casino. Après un long et coûteux processus d'enchères, Manchester devra désormais se résoudre à tirer un trait sur 2.700 nouveaux emplois et 200 millions de livres sterling d'investissement.
Deux grands operateurs de casinos du monde physique, l'amércian Harrah et le chinois Genting, avaient réalisé de gros investissements au Royaume-Uni fin 2006. Ils se retrouvent également bloqués. Le groupe américain Harrah avait acheté "London Clubs International", une société gérant sept casinos au Royaume-Uni et investissant dans la création de quatre autres. En octobre 2006, le groupe chinois Genting avait acquis "Stanley Leisure" le plus gros opérateur de casinos du Royaume-Uni.
Juste après avoir lâché sa bombe sur le super casino, le gouvernement britannique annonça qu'il allait revoir également sa décision de lever l'interdiction touchant la publicité pour les jeux d'argent. Cette interdiction devait être levée en septembre concomitamment à la mise en application du "Gambling Act 2005" et d'un "whitelist", une liste d'Etats dans lesquels les opérateurs pouvaient s'intaller. Un porte parole du gouvernement expliqua de plus que cette réflexion durerait "aussi longtemps qu'il le faudrait."
Les décisions récentes de M. Brown semblent conduire aujourd'hui à une régression sur le front du jeu en ligne au Royaume-Uni. La réforme britannique sur la législation concernant les jeux d'argent en ligne a demandé sept ans de préparation. Elle s'annonçait comme une alternative à la politique anticoncurrentielle actuelle des USA et de la France. Ce qui prit sept ans à être mis en place vient d'être défait en quatre mois par un seul homme.