Full Tilt Poker face à la judiciarisation de la société americaine
Trois affaires distinctes concernant TiltWare LLC, la société qui gère la salle Full Tilt, ont été portées devant les tribunaux américains en cette année 2009 dont deux impliquent directement le joueur Howard Lederer.
FullTilt Poker est semble-t-il l'objet de la relative facilité de réclamer des sommes gigantesques aux sociétés prospères aux Etats-Unis. Les plaintes sont souvent déposées par des clients habilement conseillés par leurs cabinets d'avocats qui négocient un pourcentage sur les indemnisations financières générées par l'affaire. Ces conventions d'honoraires ne sont pas légales en France, car elles pourraient favoriser les abus de procédures dans le seul but de tirer profit.
Jason Newitt accuse Full Tilt Poker de licenciement abusif
Flashback. Début août 2007, la star du poker online Jimmy 'gobboboy' Fricke écrit un email privé au staff de la salle de poker online Full Tilt Poker afin d'obtenir un éventuel sponsoring pour le tournoi australien Aussie Millions. Jason 'JND' Newitt, employé de Full Tilt Poker répond à Fricke en joignant un message écrit sur la sujet par Howard Lederer lui-même, membre du très fermé Team Full Tilt et pilier de l'activité de salle. "Ce type est un freak, il est très étrange. Il est aussi très jeune. Nous devons rester à l'écart." écrit Lederer. Fricke publiera non sans humour le tout sur le forum américain 2+2.
Conséquence : l'employé Newitt est renvoyé pour faute grave, c'est à dire pour avoir rendu public un message confidentiel concernant le fonctionnement de la direction du site Full Tilt. Autre conséquence : Newitt, ancien éditeur pour la série télévisé « That 70's Show », a attaqué début 2009 en justice notamment Lederer et Raymond Bitar (PDG de Tiltware LLC) pour rupture abusive de contrat et suppression injustifiée de sa participation aux dividendes.
Les résultats financiers de Full Tilt Poker sont souvent susurrés, voir supposés, mais ne sont jamais communiqués au grand public. Cette affaire aurait comme fâcheuse conséquence de devoir dévoiler au grand jour la comptabilité de Fulltilt. Les avocats conseils des plaignants, conscients de cette atteinte à la confidentialité, indiquent toujours dans la plainte un pourcentage de la société comme montant du préjudice. Cette technique permet d'affoler le défendeur qui sera contraint de dévoiler une information qu'il tient à préserver par dessus tout. Le fait même du bien fondé de la demande est suffisant pour enclencher la spirale du processus de réparation. Le meilleur exemple de ce mécanisme judiciaire est celui de l'affaire opposant Gowen à Full Tilt.
Gowen réclame 1% de Full Tilt Poker pour rupture de contrat oral
Ce litige entre Newitt et Full Tilt n'est pas sans rappeler celui qui avait opposé la championne de poker Clonie Gowen au Team Full Tilt, les joueurs les plus médiatiques de la salle. C'est d'ailleurs le même cabinet d'avocats qui attaque Full Tilt : Howard & Howard.
Cyclona 'Clonie' Gowen avait déposé en novembre 2008 une plainte devant la justice de l'Etat du Névada pour notamment rupture abusive de contrat oral, d'enrichissement à ses dépens et de fraude. Gowen réclamait l'équivalent de 1% de la valeur nette de la salle Full Tilt, plus les dommages et intérêts, soit une somme évaluée à 40 millions de dollars.
Les joueurs de la Team Pro ont vu la plainte de la joueuse jugée « irrecevable avec préjudice ». A l'inverse, Gowen est habilitée à revenir à la charge à l'encontre du PDG Ray Bitar et du joueur pro Howard Lederer. La société Tiltware LLC peut être également exposée à des poursuites dans cette affaire, a estimé le juge.
Justifiée ou non, cette plainte est l'exemple type de la demande de réparation de préjudice à l'américaine : un demande exorbitante, argumentée par une obligation de divulgation des comptes de la société poursuivie. Il s'agit ni plus ni moins d'une procédure basée sur une négociation amiable in fine, pour éteindre toute poursuite. Le but ultime étant avant tout pour le plaignant d'obtenir une somme suffisamment conséquente de la part de la société. Peu importe les faits puisque la défense devra obligatoirement passer par la divulgation de ces chiffres, ce qui justifie de facto l'utilité de renoncer à la procédure.
Le 'plagiat' de l'émission "Face The Ace"
Par ricochet dans le registre des préjudices, Brandon McSmith joue quant à lui le rôle du troisième larron. McSmith clame haut et fort être l'inventeur du concept de Face the Ace, un show télévisé au cours duquel joueurs amateurs qualifiés sur Full Tilt et joueurs pros s'affrontent sur la chaîne NBC.
Brandon McSmith affirme avoir proposé à la célèbre maison de production POKER-PROductions (« High Stakes Poker » ou encore « Poker After Dark)l'idée d'une émission appelée « The All Star Poker Challenge » mettant face à face amateurs et professionnels, avec une série de matchs en heads-up et $1 Million au bout pour le gagnant. Accusant de plagiat notamment la chaîne NBC Universal, POKER-PROductions et son propriétaire Mori Eskandani, Brandon McSmith réclame 85 millions de dollars en dommages et intérêts.
Full Tilt Poker ou Tiltware LLC ne sont pas directement attaquées dans cette affaire. Mais le nom de la compagnie est à nouveau cité dans le monde judiciaire, du fait qu'elle soit le sponsor exclusif de l'émission.
Cette multiplicité des procédures est un lot commun propre aux États Unis d'Amérique. A eux seuls, les USA comptent 70% des avocats de la planète. Les gros cabinets sont des institutions qui sévissent et brandissent la menace des procédures en tout genre. La profession est prospère et organisée. Les sommes perçues par ces cabinets sont parfois démentielles et peuvent atteindre des centaines de millions de dollars. Le pourcentage autorisé par les conventions d'honoraires a contribué à la multiplication des demandes. La justice semble avoir un prix outre atlantique et personne ne semble à l'abri de cette infernale machine judiciaire. Le succès doit souvent faire face à l'opportunisme de la procédure, c'est semble t-il la rançon que réserve la réussite.
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