Yorane Kerignard 'Viirusss' : des "doom-like" au poker (interview)
Troisième au classement français Pocketfives des tournois online 2010, Yorane Kerignard, alias 'Viirusss', est un joueur pro de 25 ans qui a fait son irruption sur le circuit 'live' l'année dernière seulement. Déjà crédité de 560.000$ de gains sur Pokerstars et Full Tilt, on n'aura pas eu à attendre très longtemps avant de le voir aligner de beaux résultats en live également. Son principal fait d'armes remonte à février dernier, lorsqu'il a atteint la table finale de l'EPT Copenhague où il s'est finalement incliné à la 4ème place pour 192.000$.
Originaire d'Aix-en-Provence, Yorane a fait le déplacement sur Paris cette semaine pour tenter de se qualifier pour le WPT Grand Prix de Paris. Entre deux super-satellites, nous en avons profité pour l'interroger sur son parcours poker, confortablement installés à une terrasse des Champs-Elysées.
Les débuts de Yorane
Comme beaucoup de joueurs du sud, Yorane s'est initié au poker fermé, avant de franchir le pas du no-limit Hold'em en 2007, suite au visionnage d'un reportage de l'émission Capital qui lui était consacré. Il a démarré sur Everest, avec des tournois freerolls qui lui ont transmis le... virus. En abreuvant ensuite parcimonieusement son compte poker - 5$ par-ci, 10$ par-là - il s'est monté une petite bankroll online. Et après ses premiers 300$ de gains, il était définitivement mordu.
A l'inverse de beaucoup de ses pairs, Yorane n'est pas adepte des forums poker sur Internet et n'a lu en tout et pour tout qu'un seul livre sur le sujet, qui lui a inculqué les bases du jeu : 'Poker cadillac', de François Montmirel. Son apprentissage, il l'a fait lui-même et en regardant jouer les meilleurs. Moorman, JohnnyBax, ADZ124, gboro780... "et puis surtout un joueur qui fait un peu moins parler de lui aujourd'hui, mais qui était une véritable terreur à l'époque : Mendieta19. Je le croisais partout et il enchainait les performances à un rythme hallucinant. J'ai voulu percer ses secrets et me suis mis à l'espionner sans relâche. Sans le savoir, il m'a énormément appris".
Il est ensuite devenu un régulier du Pasino d'Aix-en-Provence, où les habitués ont commencé par lui donner quelques bonnes leçons. Sur les bienfaits d'une agressivité calculée par exemple, ou sur la meilleure manière de gérer son argent. C'est alors seulement qu'il a enfin pu toucher les premiers fruits réguliers de sa passion naissante. Nous sommes en début 2008 et Viirusss se fait déjà de jolis compléments de revenus sur les tables du casino. Mais il faudra attendre quelques mois de plus, et ses premiers gros résultats sur Internet, avant qu'il ne se décide à franchir le rubicond et à vivre pleinement du poker.
Viirusss, ça vient d'où ?
Concernant l'origine de son pseudo, c'est une histoire de 'geek' comme on les aime : "A une époque, je jouais beaucoup à 'Soldier of fortune', un 'doom-like' qui se passe durant la seconde guerre mondiale. 'Virus' était déjà pris alors j'ai rajouté un 'i' et deux 's' à la fin. Mais mes exploits sur les différents serveurs n'ont pas duré : j'étais devenu trop bon et les administrateurs, persuadés que je trichais en utilisant des programmes interdits, m'ont tout simplement banni des plate-formes. C'est à cette époque que j'ai commencé à m'intéresser au poker et j'ai continué à utiliser le même pseudo. Un peu comme 'Elky' avec Starcraft."
Kerignard privilégie les MTT, le NLHE et les Rebuys !
Aujourd'hui, Yorane Kerignard écume les tournois avec Rebuys de Pokerstars et de Full Tilt, entre 55$ et 220$ de buy-in. Les tournois quotidiens et ceux du dimanche : "Habituellement, je joue avec deux écrans allumés : quatre tables Full Tilt sur l'un, quatre tables Pokerstars sur l'autre. Et de temps en temps, lorsque je me fais éjecter d'un tournoi, je remplace la fenêtre laissée vide par un SNG. Entre 200$ et 500$ de buy-in." Il ne joue pratiquement plus en cash-game, préférant se concentrer sur les tournois, de NLHE uniquement. "Je me suis un peu mis à l'Omaha dernièrement mais je manque de temps pour parfaire ma formation. Cela dit, je sais que c'est une erreur : le PLO est une discipline en plein boom, où on trouve plus de fishs qu'en Hold'em. Je devrais vraiment m'accrocher parce que, dans cette variante, il est encore relativement facile d'avoir un gros 'edge' sur ses adversaires."
Quant à savoir pourquoi il privilégie les formats Rebuy plutôt que les Freezout (où il est interdit de recaver), l'équation lui parait simple : "Il y a moins de joueurs et plus à gagner. C'est très rentable, à condition évidemment de rester calme sur le nombre de Rebuys. Il faut faire attention."
Comment devenir bon au poker ?
A son avis, les principales qualités d'un bon joueur de poker sont la gestion de bankroll et la patience. "J'ai une très bonne résistance au Tilt. C'est marrant parce que j'avais ma petite réputation à Aix, où il m'arrivait de taper du poing sur la table en cas de gros bad beat. Mais ça n'avait pas d'incidence sur ma manière de jouer. Lorsque je me rasseyais, j'étais à nouveau pleinement concentré. Et puis les gros tournois 'live' m'ont appris à ne plus laisser transparaitre mon énervement. Je me suis beaucoup calmé. Maintenant, on dirait une statue : je reste immobile quoi qu'il arrive. Et avec mes lunettes de soleil, qui me permettent de regarder sans être vu, bon courage pour lire quoi que ce soit. Super important, les lunettes, on ne le dira jamais assez (rires)."
WSOP or not WSOP ?
Son programme de tournois pour les semaines à venir est un peu flou. Toujours pas certain de participer aux WSOP, il va peut-être profiter de son été pour se reposer un peu dans son sud natal. En l'absence actuelle de sponsor, difficile de s'inscrire à tous les tournois des World Series auxquels il aimerait participer. "Plutôt ne pas partir que de revenir frustré." Notre ami n'a pas non plus envie de se faire staker : "Mais c'est la frustration ultime ! Faire une grosse perf' et devoir en refiler une partie à tes financiers ! Il y a quelques temps, sur un gros tournoi, j'avais conclu une participation croisée avec un pote. Evidemment, il a sauté avant la bulle et je suis arrivé en table finale. J'ai lâché les billets mais je peux t'assurer que ça m'a vacciné."
Ah ! L'alarme de son téléphone sonne ; Il est temps de prendre congé de Viirusss qui se dépêche de repasser la porte du cercle, où l'attend un super-satellite du World Poker Tour. Avec un peu de chance, nous le retrouverons ce week-end à Paris, occupé à martyriser ses camarades de tablée. Et s'il finit payé, cette fois ce sera tout pour lui ! Mais non, Kerignard n'est pas radin. La preuve : il vient de me payer mon café.
Rejoignez Yorane Kerignard aux tables
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