Interview Poker : Lucille Cailly, millionnaire à l’EPT Monte-Carlo
Lundi 30 avril, Lucille Cailly est passée dans une autre dimension, celle des millionnaires du poker. La Française de 29 ans s’est en effet classée deuxième du Main Event de la Grande Finale de l’European Poker Tour à Monte-Carlo pour un gain astronomique d’1.050.000€. Qualifiée via un tournoi satellite à 500€ sur PokerStars, la joueuse passée professionnelle en 2009 a donc transformé son ticket d’une valeur de 10.600€ en une somme à sept chiffres. Jeudi 3 mai, Lucille Cailly est revenue pour PokerNews sur sa magnifique performance. Interview.
L'image des femmes dans le poker : "Je l'utilise oui"
- Peux-tu revenir sur le déroulement global de ton tournoi ?
- Sans être dans le Top 10, j’étais bien au-dessus de la moyenne les premiers jours puis je me suis rapprochée du haut du classement. J’ai eu un Day 3 qui a commencé un peu difficilement mais sinon tout ce que j’ai tenté est globalement passé. Sur tout le tournoi, je n’ai pas été à tapis en étant couverte avant la dernière main du heads-up et je n’ai pas eu de flip à jouer.
- Quelle stratégie as-tu adopté ?
- Cela dépendait de la composition de la table. Quand j’avais des très bons joueurs à ma gauche, j’ouvrais peu de mains mais je sur-relançais bien plus car si j’ouvre des mains moyennes et que je me fais 3-bet, je me retrouve dans des positions très compliquées contre des joueurs compétents. Quand il y avait des joueurs plus faibles à gauche, j’ouvrais un peu plus. Contre les bons joueurs, j’ai surtout tenté des coups beaucoup plus risqués car avec mon image de fille, donc probablement de « nit » et de personne qui ne sait pas jouer, ça passe relativement souvent.
- L’image des femmes au poker n’a pas évolué avec le temps ?
- Je l’ai peut-être changée un petit peu (rire) mais il est vrai que dans un premier temps, si un joueur ne te connait pas et que tu es une femme, il pense en général que tu ne sais pas bien jouer.
- Tu dois particulièrement jouer de cette image ?
- Je sais ce qu’ils pensent et eux ne savent pas que je le sais et tant que je peux le cacher, ça m’arrange et je l’utilise oui.
Lucille Cailly : « J’ai essayé de jouer le mieux possible sans me mettre de pression. »
- Tu abordes la table finale du tournoi avec le troisième tapis. Dans quel état d’esprit es-tu ? Ressens-tu de la pression ?
- Je n’ai pas eu de pression de tout le tournoi et c’est peut-être ce qui m’a permis d’aller si loin. Je n’ai jamais réfléchi en termes d’argent. Je savais que je gagnais 100.000€ en atteignant la table finale mais après je n’ai pas regardé une seule fois les paliers jusqu’au heads-up. Je souhaitais gagner et je ne voulais pas jouer en fonction des gains car c’est le meilleur moyen pour ne pas jouer de façon optimale. J’ai donc juste essayé de jouer le mieux possible sans me mettre de pression.
- Pensais-tu faire partie des joueurs les plus forts en arrivant en table finale ?
- Je pense, et ça va paraître extrêmement prétentieux, que les deux meilleurs joueurs ont fini premier et deuxième. Mohsin (Charania), le jeune homme qui a gagné, est très très fort. Attention, les autres ne sont pas des mauvais joueurs. La plupart jouaient correctement et relativement en ligne. L’Italien était par exemple compliqué à jouer surtout une fois qu’il avait des jetons et je sais que l’Espagnol est un bon joueur.
- Tu as beaucoup échangé et rigolé avec Mohsin Charania. Que vous disiez-vous ?
- En fait, on s’entendait très bien, il est très drôle et on a beaucoup plaisanté. C’est bien, ça a dédramatisé un peu la situation. On s’est également dit qu’on aimerait bien être en heads-up l’un contre l’autre. Il sait que j’estime énormément son jeu et il m’a dit à maintes reprises qu’il estimait aussi le mien.
- Peux-tu revenir sur le deal conclu en tête-à-tête ?
- Dès qu’on s’est retrouvés à deux, je lui ai demandé s’il voulait effectuer un deal et il m’a répondu que normalement il ne concluait pas d’arrangement mais que l’écart de gain était trop important et la profondeur des tapis pas assez grande donc il a accepté et la discussion a commencé.
Finir deuxième de l'EPT Monte-Carlo : « un mélange de tristesse et de joie »
- Tu t’inclines en heads-up sur un coin flip classique AK contre QQ. Quel est le sentiment qui prédomine sur le moment ? Es-tu déçue ou déjà contente d’être arrivée là ?
- C’était un peu confus à vrai dire. Toute la tension de ces derniers jours s’est échappée d’un coup et mes nerfs ont lâché. Je me suis écroulée en larmes dans les bras de Clément (Ndlr : Clément Thumy). Après, c’est un mélange d’émotions, de tristesse de ne pas avoir gagné, de joie d’avoir remporté un million d’euros et d’être allée si loin.
- Tu as gagné 1.050.000€. Quels sont tes projets avec tout cet argent ?
- Je ne sais pas trop dans quel pays mais je vais acheter un appartement et je vais me faire deux trois cadeaux.
- Vas-tu en profiter pour faire plus de tournois live ?
- Je pars à Vegas en juin pour les World Series of Poker et je vais faire pas mal de tournois. D’ici là, je ne vais pas en jouer. J’ai besoin de me reposer et de réfléchir à tout ce que ça implique de recevoir une telle somme.
- Ce gain va-t-il changer ton programme pour les WSOP ?
- Je ne l’ai pas encore fait. J’ai commencé à regarder les tournois mais je pense que je vais décider au jour le jour. Je ne vais pas m’imposer de programme, je verrai selon l’humeur du jour mais l’avantage, c’est que je peux jouer ce que je veux maintenant.
« Ils sont géniaux »
- Pour conclure un petit mot pour ta bande de supporteurs qui arboraient tous des perruques blondes lors de la table finale ?
Je vais leur dire qu’ils sont géniaux. Je suis persuadé que ça a changé quelque chose qu’ils soient là. Ils m’ont apporté encore plus l’envie de gagner, ils m’ont fait plaisir. C’est un sentiment assez indescriptible d’avoir des gens, qui sont en plus parmi les meilleurs joueurs de France, derrière toi et qui veulent sincèrement que tu gagnes. C’est merveilleux. Je voudrais aussi remercier Clément car sans lui je ne serais pas millionnaire aujourd’hui.
- Le coup des perruques, étais-tu au courant ?
- Non, je n’étais pas au courant. J’ai levé la tête et j’ai vu quinze blonds. J’étais à la fois émue et morte de rire car ils étaient assez ridicules. C’était génial et cette attention m’a énormément touchée.
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