WSOP 2012 - October Nine : les confessions de Jeremy Ausmus
PokerNews a interviewé Jeremy Ausmus, actuellement neuvième en jetons à la table finale du Main Event des World Series of Poker. Elle se déroulera au Rio Casino de Las Vegas les 28 et 29 octobre prochains.
Ausmus revient sur son Main Event
- Ramène-nous au Jour 7 du Main Event. Tu es l'un des short stacks à la bulle de la table finale. Que se passe-t-il dans ta tête lorsque Gaelle Baumann se retrouve à tapis et que tu n'es plus qu'à une élimination de retrouver ton nom accolé pour l'éternité à l'histoire du poker ?
Ce fut le moment le plus exultant de ma carrière. L'excitation était palpable parmi tous les concurrents, les enjeux colossaux. La foule était en train de virer barjot, nous étions sous le feu des projecteurs et le bracelet se trouvait en exposition à quelques mètres. Pour moi, la situation était encore plus tendue parce que, si elle doublait, j'allais devoir me mettre à prendre des risques au lieu d'attendre confortablement son élimination. A la main précédente, elle venait déjà de doubler et ça m'avait rendu malade. Alors, vous imaginez le stress quand arrive ce quitte-ou-double.
- Comment décrirais-tu ton 'run' tout au long du Main Event ?
Je n'ai pas réussi à amasser beaucoup de jetons avant le Jour 6, lorsque j'ai brièvement pris la tête de la compétition. Les jours précédents, j'avais navigué entre un tapis moyen et un short stack et donc j'étais un peu passé sous le radar des médias.
- Y a-t-il eu un moment où tu as soudainement réalisé que tu avais une bonne chance d'accéder à la finale ?
A chaque fois que je m'inscris à un tournoi, je sais que j'ai une vraie chance d'arriver en finale. Sinon, je ne me donnerais même pas la peine de payer le buy-in. Mais, de manière générale, ce n'est pas trop le genre de trucs auxquels je fais gaffe. Je me contente d'essayer de jouer le mieux possible. En l'occurrence, je suis resté dans ma bulle, bien concentré. J'ai à peine remarqué les caméras, la foule, tout ça. Ce n'est qu'arrivé au Jour 6, lorsque je me suis retrouvé avec une tonne de jetons et que certains de mes amis sont venus assister à la partie que j'ai réalisé l'ampleur que tout ça était en train de prendre.
"T'arrives à croire que je suis finaliste du Main Event, toi ?"
- Tu avais déjà atteint huit fois les places payées lors de ces WSOP 2012 avant de démarrer le Main Event. Quel était ton état de confiance à ce moment-là ?
Il était au top. Pour être honnête, lorsque je m'asseois à une table de no-limit Hold'em, je suis toujours confiant. Je gagne bien ma vie grâce à ce jeu, quelle que soit la discipline, cash-game, tournois, Live ou en ligne. Peu de gens peuvent en dire autant et je pense que ça montre que j'arrive à bien m'adapter aux situations nouvelles et à changer de vitesse aux bons moments. J'essaie de ne pas trop me laisser atteindre par les résultats à court-terme, comme le fait de rentrer à neuf reprises dans les places payées. Je me serais forcé à jouer de la même manière si je n'avais rien gagné 50 tournois d'affilée. Bon, évidemment, c'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire.
- Quand as-tu enfin réalisé que tu avais atteint la table finale ? Est-ce que c'était un de tes rêves de joueur de poker ?
Par le passé, il m'est déjà arrivé de penser que faire la finale du championnat du monde serait cool, bien sûr. Mais ce n'est pas un des buts que je m'étais fixé. Il est tellement irréaliste ! Mais là, je commence à vraiment réaliser, à deux semaines de la table finale (NDLR : l'interview a été réalisée la semaine dernière). Jusqu'à récemment, ça me revenait surtout par flash. Je peux par exemple me figer brusquement et dire à ma femme, "Put…, t'arrive à croire que je suis finaliste du Main Event, toi ?"
- Tu as commencé ta carrière en 2004 en tant que joueur de cash-game. Penses-tu que ces états de service te donnent un avantage dans les tournois aux structures profondes comme le Main Event?
La structure du Main Event bénéficie aux joueurs de cash-game, ça ne fait aucun doute. Surtout comparé aux pros qui gagnent exclusivement leur croûte dans les tournois en ligne, aux structures souvent peu profondes. Cela dit, ces derniers temps, de plus en plus de pros sont devenus capables de très bien jouer quelle que soit leur taille de tapis.
"Avant d'y aller, je réviserai rapidement les éventails de main à tapis"
- Comment t'es-tu préparé à cette table finale ? Est-ce que tu as étudié tes adversaires ou regardé la rediffusion du tournoi sur ESPN ?
J'ai un peu regardé le tournoi à la télévision, oui, mais c'est à peu pros tout. Avant d'y aller, je réviserai rapidement les éventails de mains à tapis et des trucs comme ça mais, pour résumer, nos tapis sont encore suffisamment profonds pour être tous obligés de jouer au poker. Moi, je ne suis pas loin de devenir short mais ça va encore, avec 33 blindes. Je n'ai pas disputé un seul tournoi de poker depuis la table finale. En fait, j'attendais les deux dernières semaines pour m'y remettre à fond. Jusqu'à présent, j'ai surtout entretenu ma forme, bien mangé, et là je suis en train de modifier mon rythme de sommeil.
- Est-ce que ça a été facile de se concentrer sur le poker après la naissance de ton enfant au mois de septembre ?
Non. Je me suis surtout préoccupé de mon bébé dans sa couveuse, de ma fille de deux ans et de ma femme. On est dans une période où ma famille a besoin de moi et je suis heureux de pouvoir être là pour eux. Je suis aussi heureux d'avoir une plus longue expérience que la plupart de mes adversaires en table finale. Sinon, j'aurais beaucoup stressé à l'idée que je n'aurais pas assez de temps pour améliorer mon jeu. Bon, je n'aurai jamais l'impression de complètement maîtriser le poker mais disons que j'ai énormément travaillé sur mon jeu ces derrières années et donc, ma marge de progression est un peu plus limitée. Sinon, je pense que j'aurais participé aux WSOP Europe et à d'autres tournois. Jouer beaucoup pour rester affûté est super important mais rien ne vous prépare vraiment à cette situation précise. Il faudrait disputer énormément de phases finales de tournois profonds. Vous pouvez bien sûr vous mettre en situation avec des amis mais ce n'est pas pareil. Ils jouent différemment, la pression de l'argent n'est pas là, ce n'est pas télévisé, etc… Le poker est un jeu tellement situationnel qu'il est presque impossible de parfaitement reproduire une situation précise.
L'argent plus important que la gloire
- Depuis le mois de juillet, tes fans se sont-ils rappelés à ton bon souvenir ? Et combien de supporters amèneras-tu avec toi à Vegas pour la table finale ?
Mes fans sont toujours là. A commencer par mes amis et ma famille, qui ont toujours soutenu à 100% mon choix de carrière. Aujourd'hui, ils sont ravis de me voir en table finale du plus grand tournoi de poker du monde. Ca a validé mon investissement dans le poker aux yeux de pas mal de gens. Je sais que ça a l'air invraisemblable mais je suis convaincu que beaucoup de mes connaissances se disent que je dois être un bon joueur de poker après tout, puisque je suis en table finale ! La variance est un concept qui leur passe un peu au-dessus de la tête. Si tu passes à la télé, c'est que tu es bon, un point c'est tout. Et donc, si tu n'y es pas… Il y aura à peu près 100 personnes dans la section de tribune réservée à mes supporters. Et eux aussi commencent à se laisser gagner par l'excitation.
- Qu'est-ce qui t'importe le plus : le titre de champion du monde ou l'argent qui y est associé ?
L'argent, sans aucun doute. Voilà encore un sujet où les pros et le public envisagent les choses de manière différente. Pour un pro, c'est juste un tournoi de plus. Sauf que celui-ci est tout simplement le plus gros du monde et donc, les enjeux financiers ne sont pas les mêmes. Nous savons pertinemment que le vainqueur ne sera pas "le meilleur joueur du monde". C'est pourtant ce que beaucoup de gens croient. Je le sais parce que je pensais la même chose il y a encore dix ans. Je n'ai pas démarré le poker pour atteindre la gloire et la célébrité. C'est juste une occupation que j'adore et qui paie très bien. Ceci dit, recueillir quelques lauriers au passage ne me dérangerait pas le moins du monde. Le poker a besoin d'un champion auquel les gens puissent s'identifier et qui promeuve cette discipline auprès du grand public. J'adorerais être cet ambassadeur !
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