Patty Beaumier : "Les tournois Ladies n’ont pas lieu d’être"
Ambassadrice de la Room PKR.fr depuis 2013, Patty Beaumier est une des rares joueuses sponsorisées sur le circuit français. Elle fait le bilan de cette expérience et livre aussi son opinion la place des femmes dans le poker. Entretien avec la joueuse la plus glamour du poker français.
Cela fait un peu plus d'un an que tu es ambassadrice de la Room PKR.fr, quel bilan en tires-tu jusqu'à présent ?
Depuis octobre 2013, je m’investis au mieux pour représenter PKR.fr et surtout la communauté dont je suis très proche. C’est toujours un grand bonheur et aussi une fierté. J’ai pu participer à des tournois majeurs, tels que des events WPTN, WSOPE, des High Rollers, voyager, rencontrer des gens formidables de tous horizons…
Cette expérience est tellement enrichissante humainement ! Mais ce contrat m’a aussi permis et me permet encore de progresser dans ce jeu que j’aime tant. C’est une chance formidable que m’a offerte PKR et je ne les remercierai jamais assez de m’avoir fait confiance.
Quel est ton point de vue concernant la polémique lors du Ladies de l'EPT Deauville ?
La problématique des hommes s’inscrivant sur ces tournois en théorie réservés aux femmes n’est pas nouvelle. Quasi à chaque event Ladies, le débat refait surface. Il est vrai que le tournoi de Deauville était particulier, en ce que le nombre d’hommes était proportionnellement plus important que d’habitude et que c’est l’un d’entre eux qui s’est imposé.
D’une part, il faudrait relativiser. Il y a plus grave actuellement dans le monde du poker, et en particulier du poker français, que 23 impudents qui s’invitent à un tournoi sur lequel ils ne sont pas désirés. Sûrement pensent-ils le niveau plus faible. Ont-ils raison ? Là n’est pas la question.
D’autre part, je pense, et cela n’engage que moi, que ces tournois Ladies n’ont pas lieu d’être. L’une des particularités du poker est la mixité qui règne dans la communauté. Qui que l’on soit, d’où que l’on vienne, nous pouvons tous nous retrouver à une table et jouer ensemble.
En ce sens, ce jeu n’est pas comparable à la plupart des sports où hommes et femmes, vieux et jeunes ne sont pas égaux devant la discipline. Au poker, bons et mauvais joueurs, professionnels et amateurs s’affrontent. Et c’est là toute la richesse, la beauté, de ce jeu.
Créer un tournoi réservé aux femmes est, selon moi, contraire à l’esprit même du poker : nous sommes tous égaux face aux cartes. J’entends les arguments des défenseurs des tournois Ladies : « Cela rend le poker plus accessible aux femmes », « c’est une bonne solution pour les femmes effrayées par ce milieu très masculin » Oui, le milieu du poker peut paraître « testostéroné » et machiste. Certains joueurs semblent avoir besoin de nous discréditer pour exister. Mais c’est à nous de nous faire notre place et de nous imposer. Je ne pense pas que nous isoler soit une bonne solution.
Si nous commençons à nous laisser impressionner par ce milieu indubitablement bourru, ces messieurs n’ont pas fini de croire que nous n’avons pas le niveau pour les affronter. Le problème n’est pas tant qu’ils le croient d’ailleurs - car c’est plutôt un avantage pour nous à la table - mais que s’exclure ainsi serait leur donner raison. Allons jouer dans les cercles, les casinos, en tournoi ou en cash game : emparons-nous de leurs jetons. C’est le meilleur moyen de nous faire respecter. Par ailleurs, sans doute serait-il opportun de rappeler aux joueurs concernés que la seule personne ayant réussi un doublé EPT jusqu’à présent, est une femme. (Et quelle femme !)
Tu es toujours étudiante ? Est-ce facile de concilier les deux ?
Je suis actuellement en stage chez Yemaya, une boîte de production. Je n’ai plus de cours car j’ai eu mon diplôme de journalisme en octobre dernier. Cela demande de l’organisation. C’est sûr que je ne peux pas faire tous les tournois que j’aimerais faire. Je dois choisir des tournois qui se déroulent essentiellement le week-end. Finalement, je m’en sors plutôt bien. Et surtout, j’adore mener cette double vie ! Je n’ai pas le temps de m’ennuyer. J’ai la chance de pouvoir vivre mes deux passions à fond et je ne veux pas faire de choix ! Mes rares amis non joueurs de poker s’en plaignent parfois car je n’ai pas beaucoup de temps. Mais dans l’ensemble, je gère très bien.
As-tu l'impression que les joueurs à la table, ont un comportement particulier à la table du fait que tu sois une jeune femme ?
Bien sûr ! Etre une femme à une table de poker est un tel atout qu’il serait bête de ne pas en jouer. Tous les hommes savent qu’une femme ne bluffe jamais et fold toujours à moins d’être max…!Il faudrait que je me grime en homme un jour pour vraiment prendre conscience de la différence. Mais je pense que très peu de joueurs réussissent à faire abstraction du fait que je sois une « jeune femme ».
Ils peuvent réagir de deux manières : Soit ils me prennent de haut car « le poker est un jeu d’hommes ». Dans ce cas, ils vont jouer très agressivement et tenter de montrer qui est le patron. Toute la difficulté ici réside dans le fait de ne pas se laisser impressionner. Soit au contraire, ils sont très prévenants, faisant tout pour éviter la confrontation. Si je suis le relanceur initial préflop, eux seront du genre à fold une main qu’ils auraient call sur une relance d’un autre joueur. Ils joueront plus passivement, jusqu’à parfois s’excuser d’avoir touché les nuts !
Dans ces conditions, c’est plus facile pour moi de bluffer mais plus complexe de rentabiliser une main. Dans les deux cas, cela révèle une certaine condescendance de laquelle je dois m’efforcer de tirer avantage.
Quel est ton meilleur souvenir de poker jusqu'à présent ?
Est-ce qu’un souvenir se détache des autres ? Quelques coups que j’ai joués, beaucoup de personnes que j’ai rencontrées, certains tournois prestigieux auxquels j’ai participé…Je ne retiens pas un moment en particulier. Depuis un an et demi, grâce à PKR, je vis une expérience extraordinaire que je prends dans sa globalité. Je n’ai pas envie de faire le tri : les amis, ma table finale à Bruxelles, l’adrénaline… Ou encore les rivers assassines, les déceptions, les coups de mou où j’ai eu envie de tout arrêter pour me mettre à la pétanque… Mais à chaque fois c’est cette envie, cette niaque qui l’emporte et reprend le dessus.
Quels sont les joueurs et les joueuses dont tu es proche ?
Ma double vie ne me permet pas d’être aussi présente sur le circuit que je le souhaiterais. Je croise bien sûr souvent les mêmes têtes avec qui j’aime échanger quelques mots à chaque tournoi. Il n'y a vraiment qu'un seul pro que je vois en dehors des tables de poker mais je ne veux pas faire de jaloux. Ce joueur est d'ailleurs devenu très proche de mes 2 chats... une histoire d’amour très forte s’est développée entre eux ! (Rires)
Quasi tous mes amis sont des joueurs de poker : on monte régulièrement des tables entre nous, on fait des sorties au Cercle Clichy Montmartre où j’ai plaisir à croiser les habitués toutes les semaines.
Quel est ton agenda à venir ?
Vendredi prochain, je jouerai le Day 1D du WiPT. J’ai vraiment hâte de rejouer ce tournoi. L’an dernier, j’étais sortie très prématurément au bout de 5H de jeu. La faute d’une paire d’as, puis d’une paire de 9 venue m’achever. Mon objectif sera donc de faire beaucoup mieux cette année !
Enfin, l’événement que j’attends avec impatience aura lieu du 20 au 22 mars : le PKR live revient pour la onzième fois ! Je sais que, comme toujours, ce week-end sera comme on les aime : poker, side bets absurdes entre amis et fous rires enthousiastes jusqu’au petit matin… Rendez-vous au casino Aspers de Londres pour un Main Event à £300 !