Julie Monsacré : "Les joueurs ressemblent à des gens qui ne veulent pas grandir"
Finaliste aux WSOP, Julie Monsacré est présente sur le circuit depuis quelques années. Après un séjour à Londres, elle est de retour à Paris depuis quelques mois. L’occasion de prendre de ses nouvelles et d’évoquer avec elle, les sujets du moment. Elle porte aujourd’hui un regard lucide, teinté d’amertume, sur le monde du poker. Entretien.
Que penses-tu des polémiques autour des tournois Ladies ?
À vrai dire, je ne sais plus trop quoi en penser. Les tournois Ladies correspondent à certaines filles, pour ne pas dire la plupart, pour qui, il est très important de pouvoir être entre elles de manière presque récréative. Mais ces tournois restent tout de même un peu discriminatoires... A quand des tournois : spécial blondes, chauves, ou homosexuels etc ?
A mes débuts, j'étais plutôt contente que les ladies existent, maintenant personnellement , quand il y a des mecs à table, j'aime ça car je varie mon jeu et j'aime voir comment certains joueurs peuvent être complètement déconcertés par le style de jeu des femmes.
Il ne faut néanmoins pas qu'ils soient plus d'un dixième du field sinon ça dénature tout bonnement le concept. En fait, je n'ai plus vraiment d'opinion tranchée sur la question.
On t'a vu sur la finale du Winamax Poker Tour il y a quelques semaines. Comment s'est passé ton tournoi ?
Je suis assez contente de mon jeu et fière d'avoir fait preuve d'autant de patience. J'étais très short dès le début du tournoi, mais à force de persévérance, j'ai remonté la pente et fini ITM. Je reprends doucement mais sûrement le live après quelques mois d'absence, assez confiante pour la suite des événements.
Depuis quelques mois, il ne reste plus qu'un seul cercle à Paris, que penses-tu de la situation ?
Je suis très touchée par la situation même si je n'allais pas très régulièrement en cercles à Paris. Je savais en tout cas que si j'avais envie de jouer, c'était possible. Aujourd'hui, l'offre s'est du coup considérablement réduite, il ne reste que le Cercle Clichy Montmartre que je fréquente un peu. J’ai une vraie sympathie pour ce cercle, les réguliers et dirigeants de l’établissement.
De quels joueurs et joueuses te sens-tu proche ?
J'ai noué une belle amitié avec Sarah (de la Maison du Bluff). Ce fut assez inattendu mais nous nous sommes bien trouvées car nous avons beaucoup de points communs. C'est aussi une très bonne joueuse qui fera parler d'elle un jour, j'en suis sûre, et nous jouons assez souvent ensemble.
J'ai quelques autres bons amis dans le poker et je m'entends bien avec les autres joueurs d'une manière générale, mais j'ai remarqué avoir souvent plus d'affinités avec ceux qui ont aussi une vie en dehors du poker, donc un peu plus de recul, ou des choses intéressantes à raconter.
Pourquoi aimes-tu le poker ?
Le gain est clairement une motivation (j'attends mon one time !) dire le contraire serait se mentir à soi-même. J'aime aussi et surtout la compétition, évoluer et réussir dans un univers masculin, en ayant une vie marginale.
Quel est ton meilleur souvenir de poker ?
Beaucoup de personnes penseraient que ce serait ma table finale du WSOP ladies, mais ce moment n’a pas été si intense pour dire que c’était mon "meilleur" souvenir. Si je dois en citer un, je dirais le long moment passé à table avec Vanessa Selbst lors d'un ladies de l'EPT Monaco il y a quelques années. Mis à part ça, je vibre aussi souvent pour les gens que j'aime, dans le rail. Le meilleur souvenir pour moi reste donc à venir.
Quel regard portes-tu sur les joueurs et le monde du poker ? Quelles sont les choses qui peuvent t’agacer ?
J’ai un regard plutôt désabusé. Les joueurs de poker me donnent quelques fois le sentiment d’être un peu vides, Ils peuvent se perdre dans ce jeu et leur vie peut vite devenir une belle représentation du néant... Le "jeu" en lui même est à l'origine destiné aux enfants, non ? Les joueurs ressemblent à des gens qui ne veulent pas grandir... Sans doute que moi aussi, je n’ai pas envie de grandir !
En tout cas, je suis bien convaincue que ne vivre que du jeu n'est ni épanouissant, ni sain. Sans faire la mauvaise langue, je suis assez lucide sur le fait que les médias, mais aussi les joueurs peuvent s’intéresser à toi lorsque tu fais des performances mais dès lors que ce n’est plus le cas, tu tombes dans l’oubli.
Lorsque j’étais en couple avec Antoine (Saout), il recevait beaucoup d'attentions ou de messages lorsqu’il faisait des deep runs et en dehors de ces périodes, c’était beaucoup plus calme. Ça me peinait et me rendait un peu amère, pour lui. Bref, il y a pas mal d’hypocrisie dans le milieu, mais je n'apprends rien à personne.
Je voulais arrêter il y a quelques mois mais je n'ai pas encore eu ce sentiment de satisfaction d’être allée au bout de mon chemin, alors je fais d'autres choses dans ma vie à côté, qui se mettent en place doucement, afin de garder un équilibre et jouer pour le plaisir avant tout.
Quel regard portes-tu sur ton jeu ?
Je vais sûrement lever un tabou et m'attirer les foudres, mais il se trouve que je gagnais plus quand je savais beaucoup moins bien jouer en 2010. Certes, le niveau général a augmenté, mais j'ai l'impression que lorsqu'on se plonge trop dans la technique, peut-être qu'on perd un peu en naturel et donc en confiance. Enfin, je dois malgré tout encore me perfectionner et j'ai bien envie de reprendre mon coach prochainement.
Aimerais-tu être sponsorisée ?
On me l’a proposé il y a quelques années mais, je ne me sentais pas encore à la hauteur pour endosser un tel rôle. Maintenant oui bien sûr que j'aimerai porter les couleurs d’une room et communiquer mais je ne veux pas passer par un tremplin, alors les opportunités sont assez restreintes.
Quel est ton agenda à venir ?
Je suis actuellement à Chypre, je pars ensuite à Dakar puis à Marrakech. Je pense ensuite jouer les petits tournois comme les FPS, les DSO avant Vegas. Mon programme, c'est un peu au jour le jour et fonction de mon humeur. En tout cas une chose est sûre : I'm back !