Les joueurs de poker online font entendre leur voix
En France, depuis la régulation du marché en 2010, l'industrie du poker souffre. Ces 5 dernières années, les fermetures de rooms se sont multipliées et le Produit Brut des jeux baisse. Le Cash Game connaît un déclin régulier que les différents rapports de l'ARJEL soulignent inexorablement. Dans ce contexte, la voix des joueurs est très peu écoutée. Une initiative importante vient d'être menée. L'Association française des joueurs de poker en ligne vient de remettre des propositions au gouvernement pour inverser la tendance.
C'est un document d'une trentaine de pages qui a pour but de sortir le poker en ligne d'une mauvaise passe. Il a été par rédigé par Lenaïc Wadou (alias SuperCaddy de Club Poker), Iannis Iglesias de Poker Academie (il vient d'ailleurs de quitter le site), le juriste Pierre Person (en première ligne dans la défense des joueurs dans l'affaire Europoker), Laurent Dumont (Club Poker), le blogueur Soxav et Alexandre Crouan (Skip). Les auteurs disposent d'une légitimité et sont représentatifs de la communauté des joueurs.
Intitulé "Propositions de réforme du marché du poker en ligne", le document livre des pistes de réflexion pour réformer le secteur et le redynamiser. Ce texte a été transmis au ministre de l’Economie, à la secrétaire d’Etat chargée du Numérique, au secrétaire d’Etat chargé du Budget et enfin au ministre de l’Intérieur.
Un bilan alarmiste
Dans l'introduction, les auteurs du document livrent le constat d'un déclin du poker en ligne en France ces dernières années.
"En effet, l'offre de poker n’a eu de cesse que de s'étioler au gré de la fermeture d'une majorité d’opérateurs.Ils étaient vingt-trois en 2010 à avoir reçu l’agrément de l’ARJEL, ils ne sont plus que dix à l’heure actuelle à opérer sur le territoire métropolitain.La diminution proportionnelle de l’offre a contribué au désintérêt du public pour le poker en ligne.
Avec le ralentissement de la fréquentation en lien avec le tarissement de l’effet de mode pour la matière, la suppression d’une offre variée aura notamment contribué à une baisse continue de l'activité des opérateurs en dépit de la volonté sans cesse réaffirmée des joueurs de s'adonner à leur passion dans un environnement protecteur et sain face à la concurrence de l'offre illégale."
Les auteurs du texte considèrent que le déclin du poker en ligne n'est pas une fatalité et propose des pistes de réformes.
Dynamiser l'offre : L'autorisation de nouvelles variantes
"Il existe des dizaines de variantes de poker, dont bon nombre sont proposées en ligne au-delà de nos frontières, mais aussi dans les différents établissements de jeu présents sur notre territoire(Casinos, cercles etc.). Uniquementdeux de ces variantes sont pourtant autorisées en ligne depuis 2010 : le Hold'em et le Omaha. Élargir le champ de ces variantes répondrait à une demande historique des joueurs et permettrait de diversifier l'offre de jeu. Cette ouverture ne doit toutefois pas prendre un caractère ponctuel, mais bien s'inscrire dans une démarche d'actualisation régulière de la liste des variantes autorisées afin que la législation puisse suivre de près l’évolution du marché tout en protégeant le consommateur."
Modifier la fiscalité
Le modèle fiscal sur lequel est construit le marché français n’est pas en adéquation avec le plan économique. Partout ailleurs, et en particulier chez nos voisins italiens et espagnols dont les marchés sont similaires, les autorités ont fait le choix d'une taxation sur le Produit Brut des Jeux (PBJ) et non sur les mises.Outre l’aspect logistique côté opérateur où le PBJ serait une simplification non négligeable, l’élément le plus problématique reste côté joueur où le niveau de taxation transposé à chaque mise a pour effet de décourager une majorité de joueurs en réduisant de manière drastique le rapport entre le montant déboursé et le temps de jeu effectif. En somme, la répercussion de la taxation sur chaque mise limite l’expérience de jeu. A ce titre, elle contribue massivement à la fuite des liquidités vers l’offre illégale.
Ouvrir le marché français aux liquidités extérieures
En outre, le cloisonnement des joueurs français constitue un frein au développement de l’attractivité de l’offre (...). Le partage des liquidités entre les organismes de régulation européens apparait comme étant la priorité principale. A cet égard, la collaboration approfondie de l'ARJEL avec ses homologues européens ces dernières années a permis d'identifier des standards de régulation communs. Ouvrir le marché hexagonal à ses voisins ferait sens au regard des recommandations de la Commission Européenne, mais aurait surtout pour conséquence immédiate de dynamiser l'activité en France et de contrer efficacement le développement de l'offre illégale."
Protéger les joueurs
La protection du joueur demeure un enjeu essentiel. Celle-ci doit naturellement être envisagée sous l'angle de la lutte contre l'addiction ou de la triche, mais aussi sous celui de la protection des fonds déposés sur les plateformes de jeu. Deux incidents majeurs se sont produits ces dernières années avec les fermetures brutales et opaques de Full Tilt Poker et Europoker. L’affaire Full Tilt Poker a conduit l’ARJEL en 2011 à conditionner la délivrance de l’agrément à l’obtention d’une garantie fiduciaire afin de séparer les avoirs des joueurs et la trésorerie de l’opérateur. Ces dispositions ont été reprises par la loi de 2014. Toutefois, l’affaire Europoker a démontré que cette disposition n’esten rien suffisante afin de garantir la protection des joueurs, consommateurs. Un audit semble nécessaire.
Ce rapport est très bien documenté, pédagogique et argumenté. Les auteurs multiplient les comparaisons avec d'autres pays pour assoir leurs propositions et montrer que le déclin du poker en ligne n'est pas une fatalité.
Ce regroupement de représentants des joueurs aimerait que cette initiative ait le plus large écho médiatique possible. Le rapport est déjà en ligne sur Club Poker. Leurs auteurs tentent aussi de diffuser ces propositions auprès des médias généralistes afin que le message puisse véritablement porter et influencer le législateur. Ces dernières années, les rooms n'ont pas été très active en matière de lobbying, hormis une initiative en 2013.
Cinq ans après l'ouverture du marché, des réformes paraissent indispensables.