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Sébastien Sergent : "S'en prendre à un croupier c'est petit et honteux"

Julien Tissot
Julien Tissot
10 min à lire
Sébastien Sergent :

A 29 ans, Sebastien Sergent est aujourd'hui une des pièces maîtresses du Cercle Clichy Montmartre. Le jeune homme forme les croupiers et s'occupe des réseaux sociaux du cercle. Il porte un regard très acéré sur le monde du poker et a accepté de répondre longuement aux questions de PokerNews. Entretien.

Bonjour Sébastien, pourrais-tu te présenter et parler de ton parcours poker ?

J'ai quasiment toujours vécu dans le 20ème arrondissement de Paris. Je viens d’un milieu modeste et d’une famille qui ne joue jamais aux cartes ni à des jeux d’argent. J'ai découvert le Poker en 2006, pendant les vacances d'été, au milieu de la nuit, sur Eurosport. J'ai tout de suite accroché, je me rappelle avoir joué des nuits entières en tournoi freeroll et en play-money avec un ami.

A cette époque j’étais en Fac de Psychologie à Saint-Denis et je devais trouver un travail à côté de mes études car j'étais en colocation avec ma meilleure amie. Je suis allé proposer mes services au feu Cercle Concorde, pour devenir croupier. J'ai fait ce métier pendant 3-4 ans dans les différents Cercles parisiens et sur quelques événements en France et à l'étranger jusqu’en 2010. Par la suite, j’ai profité de mon temps libre pour reprendre mes études par correspondance, que j’avais arrêtées quelques années plus tôt, et décrocher un BTS Communication.
J'en ai évidemment profité pour beaucoup jouer et beaucoup voyager. J’ai aussi fait quelques missions de quelques mois par-ci par-là pour des sites et/ou événements poker comme l'ISPT.

En 2014, la trentaine et la sagesse approchant, je me suis dit qu’il était peut-être temps de retrouver un travail régulier. J’ai donc décidé proposer mes services à Lorette Nepper, responsable des formations du CCM, avec qui j’avais déjà travaillé au Cercle Haussmann. Depuis, nous collaborons à la mise en place d’un cycle de formation en continu, adapté aux attentes des joueurs et en adéquation avec les nouvelles demandes des autorités.

Quel est ton meilleur souvenir de poker ?

Franchement en 9 ans de poker ce serait dur de t'en ressortir un seul, entre les séjours poker avec mes amis, les rencontres, les visites de nouveaux pays et des nouvelles cultures, mes deepruns, les victoires et les perfs de mes proches... Mais bon vu qu'il faut choisir je dirais ma première, et pour l'instant seule, Table TV lors de l'Unibet Londres 2014 (rires).

Je finis à une place assez banale (34e sur 400 joueurs) et sur une sortie pas très glorieuse, mais c'était la première fois que mes parents et mes amis hors du poker pouvaient me suivre concrètement et me voir en action. J'ai même reçu une photo d'une ancienne stagiaire à moi qui regardait de sa salle de pause sur son téléphone ! J’ai pris énormément de plaisir à jouer ce jour là et les messages d’encouragements font toujours chaud au cœur.

Revenons un peu en arrière. Peux-tu nous raconter les circonstances dans lesquelles tu as commencé au Cercle Concorde ?

C’était une autre époque ! Heureusement les méthodes de recrutement et de formation sont aujourd’hui beaucoup plus encadrées et plus performantes. Bref, j'avais 19 ans, je cherchais un travail, j'étais allé faire deux ou trois tournois de l'après-midi au Cercle Concorde et je me suis dis : «tiens je vais me proposer comme croupier ça n'a pas l'air d'être si compliqué que ça». J'arrive à la caisse, «Bonjour, est-ce que vous embaucher des croupiers, j'aimerais bien postuler». Le caissier avec son fort accent corse me demande mon prénom, nom et numéro de téléphone, en me disant qu'il m'appellera d’ici un mois.

Motivé et voulant faire bonne impression, je lui réponds que je ne peux pas me permettre d'attendre un mois, et que j'ai besoin de travailler tout de suite. Il me fixe 5 secondes, interpelle le manager en lui demandant s'il a besoin d'un croupier, le manager lui répond « oui », et le caissier me dit cette phrase que je n’oublierais « Va en salle de pause, trouve une chemise noire, tu commences dans 15 minutes » !!

J'étais préparé à tout sauf à ça... C'était l'entretien d'embauche et la prise de poste la plus rapide de l'histoire, je mélangeais comme un boucher et je n'ai fait que des conneries... Ils m'ont formé sur le tas, il m'a fallu un bon mois pour devenir correct et six mois de plus pour devenir un bon croupier.

Ton quotidien dans le poker aujourd'hui c'est au Cercle Clichy Montmartre. Quelles sont tes missions ?

J'avais travaillé 6 mois comme croupier au CCM en 2009 à l'ouverture du Poker et j'en ai été un joueur très régulier en cash-game et en tournoi depuis 2011. Mes missions pour le CCM sont axées sur deux thèmes : les formations internes du Cercle et la gestion des réseaux sociaux.

Ma double expérience de croupier et de joueur me permet de mieux comprendre les besoins et de les anticiper, que ce soit pour les formations des futurs croupiers, mais aussi en ce qui concerne les liens et interactions nécessaires entre une Poker Room et ses joueurs.

Le Cercle Clichy Montmartre
Le Cercle Clichy Montmartre

Parle nous de ton expérience de croupier. Tu t'occupes aujourd'hui de les former, as-tu beaucoup de travail en ce moment ?

J’ai la réputation d’avoir été un très bon croupier, et j’ai beaucoup travaillé pour la mériter. J’ai passé des heures et des heures à améliorer mon mélange, ma distribution et ma tenue de table, tout en apprenant toutes les variantes jusqu’à les maîtriser sur le bout des doigts. Pendant ces 4 ans, je me suis aussi vu confier des responsabilités, comme par exemple faire le floor sur des tournois réguliers, par mes différents employeurs en guise de récompense pour mon travail.

Depuis un an, le Cercle a mis en place une nouvelle politique de formation et de recrutement en continu. Ce changement de politique conduite par Mme Nepper a pour but de proposer des croupiers compétents. La nouvelle réglementation constitue un véritable challenge pour nous, car au-delà du temps nécessaire, il faut parfois compter jusqu’à 3 mois entre le début de la formation et la prise poste. Malgré la pression due au manque de croupier au CCM, nous avons la volonté de fournir aux futurs dealers la meilleure formation possible et de les préparer au mieux à leur nouveau métier. Aujourd’hui, le CCM conduit un ambitieux plan d’amélioration de la qualité de service, et cela passe bien évidemment par les croupiers et ce qu’ils proposent en table.

Quel est ton regard sur le métier de croupier aujourd'hui. Un job pas toujours facile. Ces derniers mois certains dénoncent une dégradation des conditions de travail comme lors du dernier EPT Deauville...

D’une part, je pense pouvoir affirmer que, tout comme le poker dans son ensemble, le métier de croupier a énormément changé depuis 10 ans. L’enthousiasme lié à l’explosion du poker et l’afflux de toujours plus de joueurs, ont poussé les organisateurs à passer d’une politique d’investissement à une stratégie de gestion. Le poker ne faisant pas exception à cette règle, ce sont évidemment les salaires et les conditions qui ont été revues à la baisse.

D’autre part, j’aimerais rappeler que sans croupiers, sans floors, sans directeur de tournoi, le poker live n’existerait pas. Ce sont ces gens-là qui sont les fondations de cet édifice, et en relation permanente avec les clients. Il faut que chaque organisateur, casino, cercle de jeux, soit conscient que c’est un métier qui peut-être physiquement et psychologiquement éprouvant. J’aime ce métier, nous aimons ce métier, alors laissez-nous le faire dans les meilleures conditions et les clients n’en seront que plus heureux.

En ce qui concerne l’affaire de l’hébergement de certains croupiers lors du dernier EPT Deauville, j’avais clairement exprimer ma stupeur sur mon Facebook au moment des faits. Avec le recul, je pense que le manque de communication entre les croupiers et les organisateurs ont conduit à cette situation regrettable, qui a fait du tort à tout le monde, que ce soit aux croupiers et à l’image des organisateurs.

Sébastien Sergent
Sébastien Sergent

En quoi consiste ton boulot de Community Manager ? Tu es présent sur tous les fronts...

Le CCM a la volonté de redynamiser ses réseaux sociaux, que ce soit par l’information ou par les interactions avec ses membres. Le CCM à la réputation d’être à l’écoute de ses joueurs et il était évident que nous devions entretenir et améliorer cette relation client. Le but c'est de répondre dans les 5-10 minutes maximum aux questions et demandes de renseignements et de développer l’échanger avec nos membres.

Nous finalisons le développement du tout nouveau site web avec pleins de nouveautés, comme pouvoir checker la liste d’attente et les tables ouvertes, en temps réel, ou les résultats des tournois. A noter aussi que la consultation de notre nouveau site internet sera parfaitement adaptée aux téléphones mobiles.

Le poker ce sont des rencontres... quels sont les joueurs dont tu es proche ?

J'ai la chance d'avoir de vrais amis dans ce milieu. J'ai aussi la chance qu'ils soient d'excellents joueurs ! Je connais et fréquente Steven Moreau et Ronan Monfort depuis sept ou huit ans. A force de croiser les mêmes personnes sur les différents tournois je suis devenu très proches aussi de Quentin Lecomte et d’Erwann Pecheux. Comme je joue moins qu'avant et avec le déménagement de certains, c’est vrai que je ne les vois plus autant que j'aimerais, mais ce sont toujours autant mes petits loups et ça me fait toujours une excuse pour partir en vacances à Malte ou Prague sans me ruiner (rires) ! Côté joueuses, je suis très proche d'Ondine Monnanteuil et Gaëlle Jaudon, qui sont encore plus adorables dans la vraie vie qu'au poker.

Sebastien Sergent
Sebastien Sergent

Ton expérience de croupier, te donne-t-elle un regard différent à la table lorsque tu joues ?

J'ai longtemps cru que j'avais un avantage par rapport aux autres joueurs car j'étais croupier et que je voyais des centaines de mains par jour. J'ai finis par me rendre compte que cela n'avait rien à voir. C'est le "Syndrome du Croupier", c'est à dire que tous les croupiers se prennent pour des bons joueurs parce qu'ils sont croupiers. Malheureusement, "c'est en forgeant que l'on devient forgeron" et j’ai beaucoup plus progressé au poker en jouant qu’en distribuant des cartes.

D’ailleurs je conseille souvent à mes stagiaires de ne pas tomber dans le côté joueur, de rester de l’autre coté de la table, en leur racontant des mésaventures de « croupiers cagoulés » aux jeux. Après on va dire que je vais probablement moins tilter qu'un autre joueur si un croupier fait des erreurs ou s'il est vraiment lent. Je vais avoir tendance même à les défendre plutôt qu'à me venger sur eux. Je ne suis sûrement pas très objectif là-dessus mais je trouve ça tellement petit et honteux de s'en prendre à un croupier... Il m'est d'ailleurs déjà arrivé de me prendre une pénalité parce qu'un mec avait pris à parti un croupier injustement et que je m'étais mis à incendier le joueur en question.

Quelles sont tes habitudes online ?

Je jouais beaucoup à l'époque du .com. J'adorais jouer les tournois en variante et notamment en HORSE. J'étais plutôt bon et j'avais une vraie soif de progression dans ces variantes là. Depuis la régulation française je joue beaucoup moins et par période, j'ai moins de plaisir que sur le .com. Je vais no-lifer sur PokerStars ou Winamax pendant 3 semaines, puis ne plus jouer pendant deux mois. J'aime bien jouer online mais ça me lasse rapidement. Je préfère les cartes en plastique, les jetons en céramique et avoir des joueurs face à moi.
En ce moment je me cagoule comme beaucoup sur les Winamax Series, je me suis fais un petit programme sympa, à base de 4-5 tournois par soir, mais ça n'a pas payé pas du tout ... (rires)

Quels sont tes projets ? Tu rêves encore d'un one time?

Je suis plutôt à vivre au jour le jour, et comme je suis assez pris par mes nouvelles responsabilités, je t'avoue que je n’ai pas trop le temps de réfléchir à quel tournoi je pourrais jouer prochainement. Ce sera sûrement sur des coups de tête ou un tournoi à l'imprévu à droite à gauche si mon agenda me le permet. Ceci dit, je ne suis jamais allé à Las Vegas et regarder la TF d'Erwann jusqu'au petit matin, et celle de Yehoram Houri que je croise souvent au CCM, m'a donné très envie... Alors pourquoi ne prendre un bon mois de vacances en Juin-Juillet prochain et me faire un programme WSOP ?

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Julien Tissot
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