Kalidou Sow : "J'ai les dents longues et j'ai encore faim"
Interview avec Kalidou Sow, le nouveau coéquipier de Daniel Negreanu chez PokerStars. Nouveau Team Pro PokerStars, le Français se réjouit de la possibilité de pouvoir échanger avec de grands champions et y voit une opportunité d'aller encore plus haut. Ambitieux, celui qui s'est expatrié à Londres vise les sommets sans complexe. Kalidou a les crocs malgré 1,7 million de dollars de gains empoché sur le circuit et un Pique Rouge à porter!
Félicitations Kalidou ! Te souviens-tu de ta réaction la première fois que PokerStars t'as montré de l'intérêt ?
C'était un mélange de tout. Il y avait évidement de la fierté car j'ai un autre chemin que la plupart des joueurs. Je n'ai pas le même cursus, je ne viens pas du online... De l'autre côté il y avait beaucoup de plaisir même si j'ai du faire beaucoup de sacrifices pour en arriver là, je sais par quoi je suis passé pour avoir cette chance. L'émotion principale c'était quand même la fierté.
C'est officiel depuis mercredi mais ton recrutement à été un processus qui a pris du temps ?
Cela faisait quelques mois que nous étions en contact mais déjà à Prague les gens de PS m'avaient dit que je les intéressais. Cela fait quatre mois qu'on met ça en place, ça a été long mais quel chemin parcouru. Il y a beaucoup d'émotion, j'emmagasine du positif.
Quels sont tes premiers souvenirs de poker ?
Cela doit être en 2010, presque 10 ans mais c'était comme si c'était hier. J'en parlais avec un ami il y a quelques jours, je lui demandais s'il se souvenait quand je lui montrais mes cartes pour vérifier si cette combinaison était meilleure qu'une autre. Une autre époque...
Qu'est-ce qui t'avais accroché à ce moment là ?
C'est un jeu stratégique qui mélange tout. C'est vraiment un jeu passionnant le poker, tout est englobé il y a de nombreuses dimensions. Il y a le bluff et la manipulation, le côté vicieux aussi et puis la technique mais surtout le mental. J'ai aussi toujours été impressionné par les Scandinaves, ils sont très agressifs mais c'est de l'agression maîtrisée.
"J'observe, je regarde tous les détails. Je suis un autodidacte du poker."
Pour de nombreux suiveurs, ta victoire à Prague pour 675.000€ était extraordinaire mais elle ne sort pas du néant non plus. Quel a été ton parcours de joueur et quelle place a tenu ton podium au FPS Enghien de 2015 dans ta progression?
J'ai eu le déclic à Enghien. Avant ce moment là il faut savoir que j'ai découvert le poker largement par moi-même, je faisais mes gammes et j'essayais de ne pas répéter les mêmes erreurs. Le poker est très complexe, c'est un jeu de construction, cet aspect me plaît beaucoup. Je réfléchis tout le temps et je me pose un tas de questions, je m'adapte bien et je regardais pour ne pas refaire les erreurs.
Dans les mois précédents, je me rendais compte que 6 ou 7 fois sur 10 j'étais devant quand on partait à tapis donc je savais que je menais bien ma barque. Mais ça ne passait pas, il n'y avait pas de run good.
Et ça s'est inversé sur ce tournoi ?
Pas complètement. Je n'ai pas bénéficié d'un gros coup de chance durant le tournoi à Enghien mais j'étais fier de ma finale. Je m'en souviens encore que je n'avais pas les bonnes cartes mais j'ai pris les bonnes décisions, j'ai tiré le meilleur et les commentateurs avaient d'ailleurs salué ma performance (3e pour 77.000€, ndlr). Derrière Prague, il y a 3 années de construction, j'ai fait mes gammes chez Barrière (il a remporté un High-Roller et un Main Event BPT, ndlr), puis je suis allé à Namur... ce n'est pas un hasard. Petit à petit j'ai essayé de maîtriser de plus en plus le jeu et cela s'est progressivement mis en place. J'ai pas gagné à Prague sur mon premier EPT (rires).
"J'ouvre les portes dans le monde du poker.[...] Le message c'est que rien n'est impossible.."
L'European Poker Tour c'est l'équivalent de la NBA, c'est le niveau au dessus ?
J'avais besoin de faire des réglages, j'avais plein de petites choses à saisir... au début je n'arrivais même pas à faire une place payée mais je me suis ajusté. En changeant quelques trucs j'ai senti une différence énorme à la table.
J'ai moins bossé la technique que d'autres mais j'observe, je regarde tous les détails. Je suis un autodidacte du poker, la progression s'est donc faite au cours du temps.
C'est un nouveau départ ce contrat avec PokerStars ?
Ce n'est pas une consécration car j'ai des objectifs. Je suis ambitieux et je vise haut d'autant plus que je sais d'où je viens. Chez moi il n'y avait pas de tradition du jeu, je ne viens pas d'une famille de joueurs, c'était un peu mal vu donc je suis heureux de pouvoir montrer que c'est un métier et que ce n'est pas du hasard.
Ce contrat pro amène un peu de variété au niveau des profils sponsorisés, il y a peu de joueurs noirs qui ont un contrat dans cette industrie, cela représente quelque chose pour toi ?
C'est une fierté d'amener un peu de diversité dans le paysage du poker. Surtout que c'est un sport où on se bat avec la tête. Il y a des chanteurs, des footballeurs, il faut des gens qui nous représentent pour un jeu où l'on utilise ses facultés mentales. Il n'y a pas beaucoup de représentation de la diversité dans cet univers qu'est le poker, que cela soit en France ou à l'international et c'est un début. J'ouvre les portes dans le monde du poker et cela montre que c'est possible. Le message c'est que rien n'est impossible. C'est ce que je dis aux joueurs que je rencontre lors des événements, la base c'est de croire en soi. Il ne faut pas lâcher et toujours y croire.
Tu as croisé des gens qui te disaient qu'un sponsoring était impossible, que le rêve ne se réaliserait jamais ?
Au contraire, j'ai bien plus croisé des gens qui croyaient en mon rêve, qui me soutenaient. Ils ne comprenaient pas que ça n'arrive pas, ils étaient impatients. La réalité c'est que cela reste un long travail, les places sont très chères car il y a de moins en moins de contrats. Il n'y a aucune évidence, le premier pas c'est de ne jamais rien lâcher et de croire en ses capacités.
Quel es-ton programme poker à venir avec le logo PokerStars ?
Rien ne change au niveau de mon état d'esprit avec ce sponsoring. Chaque tournoi est un tournoi normal. Je commence avec le Main Event des WSOP Circuit UK à 1100 à Nottingham puis direction Cannes pour les WSOPC aussi. J'enchaîne avec Monte-Carlo et l'EPT où il devrait y avoir pas mal de sollicitations et puis je prends un petit break avant d'aller à Las Vegas pour un long voyage... à la conquête du bracelet.
Quels sont tes rêves, tes objectifs ?
Quand tu parles de Negreanu ou d'Ivey, ils pourraient ne plus jamais jouer on penserait à eux quand même. Laisser une trace, mon nom... C'est peut être une utopie mais je vise la première place. Je veux être numéro 1 et je dois donc progresser. La marge pour m'améliorer est énorme mais je veux tenter de gagner partout. Je m'en sens capable, je suis compétiteur, je suis déterminé et je m'en donne les moyens.
Je ne suis jamais satisfait et je veux toujours plus. Quand j'ai enchaîné les victoires à Prague et Londres, des gens me demandaient pourquoi je ne prenais pas des vacances... ce n'était simplement pas le moment de profiter. J'ai les dents longues, j'ai encore faim.
Comment vas-tu te donner les moyens d'être performant ?
J'ai la chance de communiquer avec les Team Pros de PokerStars. Je ne peux que progresser aux cotés de cette grosse écurie, ils vont m'aider à passer un cap supplémentaire. Je me suis aussi installé à Londres il y a un peu plus d'un an. Je suis très casanier et changer de pays ça m'a permis de couper pour être focus. Je suis concentré à fond sur le poker, je sais pourquoi je suis là.
Un dernier mot avant de conclure, Kalidou ?
Quand j'atteins une finale mon sommeil est perturbé, là j'ai bien dormi, relax. La signature ne s'est pas faite soudainement donc l'annonce n'est qu'un moment de plaisir. Il n'y a pas de stress. J'ai digéré ce moment et désormais je cherche ma première victoire. PokerStars est venu me chercher pour ce que je suis et je ne vais rien changer.
Merci et bonne chance !
Photos : PokerStars
Propos recueillis par M. Sustrac/PokerNews