Malte: Le président du Portomaso Casino risque la perpétuité dans l'affaire du meurtre de Daphné Galizia
Alors qu'il tentait de sortir des eaux maltaises avec son yacht, le propriétaire du Portomaso Casino et homme d'affaires Yorgen Fenech a été arrêté suite à l'enquête sur l'assassinat de Daphné Caruana Galizia, une journaliste d'investigation maltaise décédée dans l'explosion de sa voiture en 2017.
Selon le Malta Today, Fenech a été appréhendé au petit matin le 28 novembre. Les autorités pensent que Fenech a joué un rôle d'intermédiaire, c'est lui qui aurait facilité le paiement de 450 000€ à ceux qui ont perpétré l'exécution.
Fenech est actuellement en détention et a plaidé non coupable des trois chefs d'accusations à son encontre. Il réfute avoir participé à un crime en réunion, refuse la complicité dans le meurtre de Daphné ainsi que l'accusation de complicité dans la préparation d'une explosion.
Fenech risque une peine de prison allant jusqu'à l'enfermement à vie. Selon la loi maltaise, un complice peut écoper de la même sentence que les meurtriers.
Le taxi local Melvin Theuma a donné des informations aux autorités en échange de l'immunité et la protection, c'est lui qui a dévoilé le rôle crucial de Fenech dans le montage du meurtre. Selon Theuma, Fenech est le "grand argentier et le cerveau" derrière l'affaire.
Ces allégations seraient aussi confirmées par des enregistrements des services de sécurité maltais. Fenech était sous surveillance depuis des mois.
Fenech a été CEO du Tumas Group, un syndic de propriétés très puissant sur l'île. Le Tumas Group contrôle ainsi le Portomaso Casino, le Hilton de Saint Julians et celui d'Evian-les-Bains (France) ainsi que la Portomaso Tower... et détient une concession de 30 ans pour gérer l'opérationnel d'ElectroGas Malta dans le secteur de La Vallette.
Journaliste indépendante, Caruana Galizia analysait sur sa page Running Commentary les affaires de Malte. Elle mettait à jour les connections interdites entre le monde politique de l'île, ses élites et la sphère des affaires.
Dans un de ses derniers écrits, elle évoquait l'entreprise basée à Dubaï 17 Black. grâce à l'enquête journalistique internationale montée en réaction à son assassinat, il est désormais acquis que cette société est sous le contrôle de Fenech...
Caruana Galizia indiquait avoir des preuves de corruption et d'affaires illicites impliquant des hommes politiques de l'île et 17 Black. Elle n'aura pas eu le temps d'étayer ses accusations.
Les ramifications pourraient remonter jusqu'au premier ministre de l'époque, (Joseph Muscat). En mai, des contrôles financiers ont commencé à dévoiler le rôle de l'ancien chef de cabinet du premier ministre Keith Schembri ainsi que de l'ancien ministre de l'énérgie et de la conservation de l'eau Konrad Mizzi. Cinq mois plus tard, le 17 octobre 2017, Caruana Galizia disparaissait tragiquement devant sa maison.
Les trois hommes de main qui ont fait le coup, Alfred et George Degiorgio accompagnés de Vincent Muscat ont été arrêtés et déjà mis en accusation.
Le Daphné Project continue son enquête sur la mort de la journaliste. Cela a permis l'identification par la section maltaise spécialisée dans la lutte contre le blanchiment d'établir avec certitude que Yorgen Fenech est l'unique propriétaire de 17 Black.
Suite à cette longue enquête, le Premier Ministre Joseph Muscat, a annoncé son intention de démissionner en 2020. "Le sentiment de tristesse et la colère sont justifiés dans cette affaire de meurtre mais la violence et le désordre, sous le prétexte d'une protestation, est injustifiable en démocratie", a commenté Muscat après des manifestations dans la capitale de la ville demandant sa démission immédiate aux cris d'"assassins, assassins" et "honte".
Quelques jours avant, son chef de cabinet Schembri avait démissionné avant d'être mis en détention provisoire. Le ministre du tourisme Konrad Mizzi et le ministre de l'économie Christian Cardona ont aussi quitté leur poste.
Il y a trois ans un scandale impliquant la mafia et l'industrie du jeu de l'île avait fait l'actualité. Le fils du premier ministre Lawrence Gonzi avait été mis en examen dans l'affaire instruite par la justice italienne qui avait précipité la fermeture de 82 points de vente et la saisie de plus de 2 milliards d'euros.