Jusqu’à 4 Ans de Prison Ferme Requis dans l’Affaire du Cercle Cadet
Après sept jours d’audience et un réquisitoire de plus de deux heures, le parquet a requis a requis ce jeudi 6 novembre des peines allant jusqu’à quatre ans de prison dans l’affaire du Cercle Cadet.
Depuis le 24 octobre, onze prévenus ont défilé tour à tour à la barre pour s’expliquer sur des faits notamment de détournement, de blanchiment et d’association de malfaiteurs en lien avec le banditisme corse, en particulier le clan dit des “bergers braqueurs”.
Plus de quatre millions d’euros détournés
Pour le principal acteur du dossier, Serge Kasparian, 71 ans, 4 ans de prison dont 2 ans avec sursis et 250 000€ d’amende ont été requis. Président de l'association et propriétaire du cercle jusqu'à sa fermeture en octobre 2014, il n’a pas nié les détournements à son propre profit et à celui de ses brasseries. “J’ai pris de l’argent du cercle mais toujours dans l’optique de rembourser ce que j’avais investi”, a expliqué le propriétaire du cercle, qui avait racheté l’ancien Cercle Concorde après sa fermeture, déjà à l’époque sur fond de liens avec le milieu corse.
“Je n’avais pas l’impression de voler. Dans mon esprit, je me remboursais”, ajoutait-il. “Serge Kasparian ne faisait aucune différence entre son patrimoine, le cercle et ses autres sociétés, en s’affranchissant totalement des lois”, a confirmé la procureure. “En réalité, il a transformé son cercle en casino alors qu’un cercle (qui est une association) ne peut pas gagner d’argent. Le système était forcément frauduleux.”
L’argent détourné était prélevé en liquide du “coffre des banquiers” du cercle, où étaient réunis l’argent des banquiers (dans les cercles de jeux, les joueurs jouaient contre la banque, qui devait légalement être tenue à tour de rôle par des joueurs et non par la direction et/ou des employés du cercle, ndlr), l’argent du poker — dont 90 000 à 120 000 € par mois étaient détournés via des pourboires obligatoires, par exemple — et l’argent du bar.
Si les montants totaux des détournements sont difficiles à estimer, la procureure a parlé de "plus de quatre millions d’euros entre 2010 et 2014".
Deux de ses fils, également entendus par la présidente du tribunal, en particulier sur la gérance des différents établissements familiaux, ont été dans le sens de leur père. “Pour moi, il n’y avait pas de détournement, c’était l’argent et les sociétés de mon père, même si son nom n’apparaissait pas”, déclarait par exemple l’aîné, Jérémy, qui dirigeait “Le Rich”, le restaurant du cercle. Pour sa participation aux détournements, la procureure a requis 15 mois avec sursis et 70 000 € d’amende à son encontre, et 10 mois avec sursis et 30 000 € d’amende pour son frère Mikael.
Le tribunal s’est également interrogé sur la circulation et l’utilisation de grosses sommes d’argent liquide dans “une démesure totale”. Arah Ohanessian, cousin éloigné de la famille Kasparian, prenait par exemple son scooter pour remettre des enveloppes de plusieurs milliers d’euros à des inconnus, sur instruction de Serge Kasparian. “Je n’étais qu’un convoyeur de fonds”, se justifiait-il. “Il était une clé de voûte du système de blanchiment”, a répondu la procureure, qui a requis deux ans de prison, dont un an avec sursis contre lui.
Enfin, pour la partie cercle, trois ans de prison dont un an avec sursis et 75 000 € d’amende ont été requis à l’encontre de l’ancien membre du comité des jeux Pierre-Louis Faure, et huit mois avec sursis et 5 000 € d’amende pour l’ancien responsable RH Kamel Kaci.
Des rétractations "symptomatiques d’une peur”
Quant au volet corse de l’affaire et aux liens supposés avec la famille Federici, Serge Kasparian avait expliqué dans un premier temps aux enquêteurs, avoir été approché par un homme se présentant comme Jean-François Federici. Cet homme lui aurait mis la pression en disant : “Le cercle est à nous”, avant de lui extorquer par la suite.
“En cherchant sur internet, j’ai compris que c’était du lourd”, a expliqué Kasparian, qui avait confirmé reconnaître Federici sur photo avant de se rétracter lors de la confrontation en 2018. “J’ai toujours eu ce nom en tête, mais à la confrontation, ce n’était pas lui. Ce n'est pas lui, point barre ! Et je n’ai pas le trac, personne ne me fait peur dans cette salle”, avait lancé Kasparian lors du dernier jour des débats avant de quitter la salle d'énervement.
Déjà condamné dans l’affaire du Cercle Concorde ainsi qu’à 30 ans de réclusion pour avoir participé à un double assassinat, Federici a affirmé “n’être jamais allé au Cercle Cadet” et “ne pas connaître Kasparian”. “Qui serait assez téméraire, sur la place de Paris, pour se présenter comme Jean-François Federici ?” s’était interrogée la présidente, qui est longuement revenue sur l’époque du Concorde et a formulé deux hypothèses : soit une présence des Corses dès 2010 dans la continuité du Concorde, soit une implication plus tardive pour financer la cavale de Federici à partir de 2012. Des besoins d’argent balayés d’un revers de la main par Federici : “Pour quoi faire ? Dans le maquis ? Pour ramasser des châtaignes ? La Corse est une grande famille.”
Malgré ces dénégations et le peu — voire l’absence — de preuves matérielles, la seconde hypothèse ne fait que peu de doute pour la procureure. “Serge Kasparian a dit avoir donné deux millions d’euros au clan Federici. C’est crédible. Mais les rétractations ne font aucun sens. Il n’avait aucune raison de dénoncer un clan corse déjà condamné pour racket et de se mettre en danger. Pour moi, les rétractations et les énervements de Monsieur Kasparian sont symptomatiques d’une peur.”
Pour les faits qui lui sont reprochés, la procureur a requis quatre ans de prison ferme et une amende maximale de 375 000€ pour Federici, et deux fois moins pour Daniel Giabiconi et Jacques Valliccioni, décrits comme des “hommes de main” du clan Federici, qui auraient rencontré à plusieurs reprises Serge Kasparian.
Le procès se poursuivra au moins jusqu’au 18 novembre prochain, avec les plaidoiries de la défense, avant que le jugement ne soit mis en délibéré.




