Bien jouer une petite paire au poker
Couvrir des tournois live depuis des années a permis à Mo Nuwwarah de voir des milliers de mains jouées, avec de nombreuses d'entre elles offrant d'utiles enseignements sur la manière dont les joueurs - amateurs ou professionnels - exploitent leur talent. Dans cette série d'articles, il relate quelques unes des plus intéressantes afin d'en retirer une expérience profitable.
La Scène
Ils ne sont plus que trois à se disputer la victoire du plus prestigieux tournoi de la planète - le Main Event des WSOP - et la succession de Martin Jacobson. Mo a suivi la majorité du tournoi.
Neil Blumenfield est short stack avec juste 12 125 000 devant lui sur des blinds 500 000/1 000 000, avec 150 000 d'ante.
L' Action
Josh Beckley (avec un tapis de 39 millions) relance depuis le bouton à 2 millions et Joe McKeehen, qui a un tapis monstrueux de 141 millions, surrelance à 5,4 millions de la petite blind. Blumenfield annonce alors tapis, Beckley abandonne et McKeehen paie immédiatement.
McKeehen: Q♠Q♥
Blumenfield: 2♥2♦
Blumenfield a besoin d'un 2 pour poursuivre son aventure, mais aucun ne tombe et il rejoint le rail avec une belle consolation de 3,4 millions de dollars pour sa 3e place.
Concept et Analyse
La main débute normalement avec un min-raise de Beckley (qui avait A♠7♦). Une relance normale sachant que Blumenfield était sous pression avec seulement douze blinds devant lui.
McKeenhen relance alors avec sa paire de dames. Il était à cet instant susceptible de surrelancer avec de nombreuses mains, sachant que Beckley et ses 39 blinds pouvait espérer légitimement se retrouver en heads-up contre lui avec un substantiel palier de paiement.
En ayant certainement ces éléments en tête, Blumenfield a décidé de pousser son tapis. Beckley s'est couché, mais McKeenhen, fort de sa premium, a bien sûr payé.
Avoir seulement 12 blinds à trois joueurs left n'est évidemment pas une situation confortable vu que vous êtes de blind deux fois sur trois. Même avec la structure magnifique du Main Event, il y a de quoi être pessimiste...
Jetons néanmoins un oeil sur l'aspect mathématique de cette main. Beckley a ouvert à hauteur de 2 millions, McKeehen relancé à 5,4 et Blumefield a shove pour 12 millions. Si l'on ajoute les antes, il y a près de 20 millions dans le pot. McKeehen a 6,6 millions à rajouter, il a donc une cote de 3 contre 1, ce qui lui donne l'obligation de payer quelque soit sa main, surtout avec un tel tapis.
Avec sa paire, Blumenfield se trouvait donc inévitablement engagé dans une confrontation où il serait au mieux en coin flip, voire largement dominé si son adversaire détenait une paire supérieure, ce qui fut le cas.
Une petite paire lorsque l'on est short est souvent une bonne main pour envoyer son tapis, mais si votre adversaire n'a que peu de jetons à rajouter la situation devient foncièrement différente. Les petites paires n'ayant que rarement plus de 50% d'espérance de gains, la fold equity apportée par le fait de partir à tapis est une part importante de leur valeur.
Dans ce cas de figure précis, Blumenfield aurait mieux fait de se coucher et d'attendre un meilleur spot pour envoyer son tapis en espérant bénéficier de plus de fold equity. Accessoirement, il aurait placé Beckley dans une situation difficile, avec l'espoir de peut-être se retrouver en heads-up avec alors un précieux bonus financier.
Les choses se sont passées différemment avec le résultat que l'on connait pour Joe McKeehen...
*Photo : Jamie Thompson/888poker.