Stratégie poker : évaluer la rentabilité d'un 4-bet bluff en cash game
Après un premier article où il a exposé les différentes options envisageables face à un 3-bet et expliqué ce qu'est un 4-bet bluff, Kurt Verstegen aborde à présent un exemple concret de 4-bet bluff, dans lequel il montre comment en calculer la rentabilité et savoir si le 4-bluff est l'option qui maximise l'EV dans une situation particulière.
Une autre option, dans le cas où suivre constamment les 3-bets nous rendrait prévisible, est de 4-bet pour valoriser et, de temps à autre, ajouter quelques bluffs à notre éventail de 4-bet. Résultat, il sera très difficile pour notre adversaire de nous mettre sur une main. De plus, cela permet de reprendre l'initiative pré-flop et de mieux valoriser nos bonnes mains.
Savoir si vous allez suivre le 3-bet ou faire un 4-bet dépend de la réaction que vous prévoyez chez votre adversaire post-flop. Est-ce qu'il va souvent passer sur le flop ? Alors suivez et envoyez souvent all-in sur les bons flops. S'il n'abandonne pas sa main facilement après le flop, vous devriez envisager d'abandonner votre main avant le flop. Pensez toujours de façon logique au déroulement probable de la main et agissez en conséquence. J'aime suivre les 3-bets de temps en temps et parfois 4-bet pour valoriser une bonne main ou 4-bet en bluff, selon les tendances post-flop de mes adversaires. Puisque cet article traite du 4-bet bluff, nous allons nous concentrer sur la seconde option : 4-bet pour valoriser ou pour bluffer à l'occasion.
Un exemple de 4-bet bluff
Imaginons que l'on joue une main sur une table de NL100. Les tapis effectifs sont de 120$. Nous ouvrons les enchères à 3,50$ au cut-off avec Q♠10♠. Au big blind, nous avons un adversaire qui joue 22/20/3,5 et un pourcentage de 3-bet face à un vol de blind de 10% sur un échantillon de 720 mains. Il 3-bet à 13,50$, portant le pot à un total de 17,50$. Notre main ne peut pas jouer dans un pot sur-relancé car nous ne pouvons pas suivre un 3-bet profitablement. Dans la plupart des cas, notre seule alternative est de choisir entre le fold ou le 4-bet. Décider de fold à une EV=0$. Le call est EV-. Quelle est l'EV d'un 4-bet bluff ici ? S'il elle supérieure à 0$, c'est le choix optimal.
L'éventail de mains avec lequel l'adversaire 3-bet est de 10% de l'ensemble de ses mains. Savoir quelles sont exactement ses mains ne nous intéresse pas vraiment. Ce qui est important, c'est la proportion de mains qu'il va jeter et celles qu'il va décider de jouer. Je veux dire : quel pourcentage de mains va-t-il jeter et quel pourcentage ne va-t-il pas jeter ? Admettons qu'il mette all-in avec JJ+ et AK mais abandonne tout le reste. L'on peut alors calculer le nombre de combinaisons possibles : nous connaissons deux cartes du paquet, ce qui signifie qu'il reste (50*49)/2=1.225 combinaisons possibles (on divise par deux car Q♥9♦ est la même main que 9♦Q♥). Sur ces 1.225 combinaisons, il fait un 3-bet avec 10%, soit 123 combinaisons (en arrondissant). Nous savons aussi qu'il va mettre all-in avec JJ+ et AK, soit 37 combinaisons (6 JJ, 3 QQ, 6 KK, 6 AA et 16 AK). Cela signifie qu'il va envoyer all-in avec 37 combinaisons sur 123 et passera avec les 86 combinaisons restantes. Cela revient à dire qu'il va fold 70% du temps (86/123) et mettre all-in 30% du temps.
Supposons que l'on 4-bet à 28$. Cela porte le pot 42$. S'il met all-in pour ses 106,50$ restants, nous avons une côte du pot de 1,6 contre 1, mais notre main a une équité de seulement 2,3 contre 1 contre sa range. Comme vous le voyez, nous ne sommes pas pot committed après notre 4-bet, ce qui est l'une des conditions requises pour faire un 4-bet bluff. Nous pensons avoir de la fold equity contre un joueur qui 3-bet avec une range large et les stacks ont une taille qui permette de faire un 4-bet. Toutes les conditions sont remplies pour faire un 4-bet bluff sauf une : avons-nous une EV maximum ? Pour être maximum dans cette situation, l'EV du 4-bet a simplement besoin d'être positive, ainsi, nous aurons : EV 4-bet > EV fold > EV call.
Est-ce que notre 4-bet bluff est EV+ ici ?
EV = (chances que l'adversaire fold)(taille du pot ) - (chances que l'adversaire ne fold pas)(relance du 4bet bluff)
EV = (0.7)(17.5$) - (0.3)(24.5$)
EV = +4.9$
Ainsi, le 4-bet bluff est un bon move dans ce spot car cela maximise notre EV. C'est mieux que le call (EV-) et que le fold (EV=0). Gardons à l'esprit que le 4-bet n'est rentable que dans la mesure où l'adversaire ne met all-in qu'avec JJ+/AK (ce qui est une bonne estimation pour la plupart des joueurs). Plus vous ferez de 4-bet régulièrement, moins vous serez crédible et plus vos adversaires auront tendance à mettre all-in avec des mains comme AQ. Assurez vous de trouver un équilibre entre le 4-bet bluff et le fold afin de ne pas avoir une image de joueur loose à la table.
Remarque
Soyez sûr de ne jamais 4-bet en bluff contre un joueur qui ne 3-bet que rarement. Contre des joueurs qui ont un pourcentage de 3-bet inférieur à 8%, il sera très difficile de bluffer avec succès. 8% n'est pas un chiffre choisi au hasard, mais un seuil à partir duquel le bluff devient rentable. Regardez le graphique ci-dessous :
Ce graphique correspond à notre situation avec Q♠10♠, sauf qu'il prend en compte différent pourcentage de 3-bet pour notre adversaire. L'axe horizontal représente le pourcentage de 3-bet de l'adversaire. L'axe vertical représente l'EV d'un 4-bet bluff. L'on peut voir que le 4-bet bluff devient rentable seulement quand le pourcentage de 3-bet de l'adversaire passe au-dessus des 8% (en assumant, qu'il ne continuera après un 4-bet qu'avec JJ+/AK). Assurez vous toujours que votre adversaire 3-bet suffisamment souvent avant de tenter un 4-bet bluff. Parfois, le pourcentage de 3-bet n'est pas suffisant pour décider. Vous pouvez alors regarder son pourcentage de 3-bet face à un vol de blind dans Hold'em Manager. Ce dernier est en général plus élevé que les statistiques du 3-bet standard. Les joueurs ont tendance à 3-bet plus souvent dans les blinds, car ils savent que le bouton et le cut-off ouvrent avec une sélection de mains très large. Ainsi, vous constatez qu'un joueur doit 3-bet assez souvent pour qu'un 4-bet bluff soit rentable.
Assurez vous également d'avoir un échantillon de mains assez grand pour prendre votre décision. Il faut au moins un échantillon de 500 mains, mais de préférence davantage. Les statistiques sur les 3-bets varient beaucoup et un échantillon trop faible peut vous mener à prendre des décisions erronées. Si vous avez moins de 500 mains enregistrées sur un adversaire, je recommande de respecter son 3-bet et d'abandonner votre main. Il faut aussi tenir compte de la capacité de l'adversaire à savoir jeter une main, ce qui est généralement le cas avec des joueurs qui 3-bet souvent.
Faites aussi très attention à la taille de votre 4-bet. Vous devez relancer du même montant que vous le feriez avec une main de premier ordre, sans quoi, il sera aisé pour vos opposants de deviner ce que vous faites. Quelque-chose comme deux fois le montant du 3-bet plus deux big blinds est généralement correct. Vous devez aussi prendre garde à ne pas vous retrouver pot committed après votre 4-bet bluff. En d'autres termes, vous ne devez pas voir une cote du pot favorable pour payer un 5-bet all-in. Vous pourriez penser : si j'ai une bonne cote, pourquoi ne pas essayer de me retrouver dans ce type de situations ? Car le 4-bet bluff deviendrait alors EV- parce que vous vous seriez engagé dans le pot avec une main qui a une faible valeur et qu'elle ne serait pas compensée par l'EV+ du 5-bet all-in de l'adversaire.
Pour résumer : observez le pourcentage de 3-bet de l'adversaire, la taille des tapis, le volume de l'échantillon de main et la fold equity.
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