Stratégie Poker : jouer les tirages au hold'em
Jouer les tirages est un des aspects du hold'em qui pose le plus de problèmes aux joueurs. J'ai donc décidé de vous montrer comment je joue mes tirages.
Avant tout j'aimerais préciser que je suis un joueur assez agressif, et j'aime avoir l'initiative dans les coups que je joue. Tout simplement parce qu'en vous contentant de suivre les mises adverses, vous ne pouvez gagner qu'en ayant la meilleure main, alors que quand vous misez (ou relancez), vous avez toujours une chance que votre adversaire couche sa main, vous permettant de ramasser le pot. Dans cet article, je me référerai à ceci en utilisant l'abréviation FE pour « fold equity », soit la capacité à faire se coucher votre adversaire. Si de je devais décrire en quelques mots ma stratégie pour jouer les tirages ce serai : avec l'initiative, ou pas du tout.
Selon moi, une des plus grosses erreurs que l'on peut voir assez souvent préflop concerne la sélection des mains. Une main comme K♦J♠ peut paraître facile à jouer, mais elle est surtout facile à jeter. Comme ce genre de main « broadway » (deux figures non connectées et non assorties) est joué bien trop souvent et se retrouvent la plupart du temps dans des situations où le flop amène un tirage médiocre ou raisonnable (comme un tirage quinte par le ventre ou par les deux bouts « OESD »), en n'ayant pas la moindre idée de la meilleure façon de jouer cette main profitablement. Si vous êtes débutant, vous devriez donc vous forcer à jouer ces mains le moins souvent possible. Une main comme 7♥8♥ est beaucoup plus facile à jouer que les broadways, parce qu'avec elles il est beaucoup facile d'avoir une idée de la force de votre jeu, et parce que les chances qu'un autre joueur joue ces cartes et vous enlève des outs, ou touche une meilleure quinte que vous quand tel est le cas.
C'est à peu près tout pour le moment en ce qui concerne le jeu préflop. Je vais maintenant évoquer les différents types de tirages que vous pouvez rencontre, et comment jouer ces tirages du mieux possible. Je classe les tirages en trois catégories bien distinctes, et chacun devrait être abordée avec une stratégie spécifique.
La première catégorie est relativement simple à reconnaître : les mauvais tirages. Cette catégorie comprend les « gutshots » (tirage ventral) comme un flop 7♥-8♣-X avec 10♠J♦ en main, et les tirages par les deux bouts où il y a de bonnes chances de trouver une quinte supérieure en face comme avec 7♣8♣ sur un flop 9♥-10♦-X. La seule chose à faire avec ces tirages, c'est de les jeter. Les chances de toucher sont faibles, tout comme les chances d'être max lorsque vous touchez. Dans le reste des cas votre main est tellement évidente que lorsque vous touchez, ces situations sont rarement très profitables. Il y a comme toujours des exceptions à la règle, comme lorsque votre adversaire mise vraiment petit, vous donnant une côte intéressante pour suivre, ou quand un joueur est tellement faible qu'il vous paiera même quand votre tirage est visiblement rentré, mais en général vous devez jeter ces mains aussi vite que possible.
La seconde catégorie de tirages sont les tirages raisonnables et les bons tirages, comme un tirage quinte par les deux bouts OESD ou un tirage couleur haut, de préférence max. Ce sont des mains difficiles à jouer et plusieurs facteurs déterminent comment vous devez les jouer. Le facteur le plus important (et à mon avis inattendu pour certains) n'est pas tellement votre main, mais celle…de votre adversaire. Je ne vais pas systématiquement faire un check/raise (faire parole pour sur-relancer la mise adverse) avec un OESD ou toujours miser mes tirages couleur. Cela dépend en fait principalement du joueur contre qui je joue. Tout comme il y a différentes catégories de tirages, il y a selon moi 3 grandes catégories de joueurs à considérer dans ces situations.
Contre un joueur vraiment faible je vais souvent jouer très passif, à l'opposé de mon style, et me contenter de suivre avec mes tirages. Je fais cela d'une part pour limiter la taille du pot, et d'autre part parce que ce type de joueurs ne couche jamais une main faite aussi faible soit-elle (une top pair leur suffit souvent pour suivre à tapis). Par conséquent, je n'ai aucune FE sur ces joueurs (l'une des principales raisons pour miser ou relancer) et j'ai de grandes chances d'être payé si je touche.
La seconde catégorie de joueurs, ce sont les joueurs moyens contre lesquels on peut jouer un poker raisonnable, mais qui ne sont pas le genre de joueurs que vous devez redouter. Ces joueurs sont conscients que, si je suis passivement au flop et au turn, puis que je mise fort à la rivière quand je touche ma couleur, c'est que j'étais sûrement en tirage et que ce dernier est rentré. Contre ce type de joueurs il est important de varier entre deux aspects différents et de les combiner (contrôle du pot et bluff), de manière que votre adversaire ne puisse pas vous mettre d'office sur un tirage. En même temps vous ne voulez pas d'un pot trop gros. Une des façons d'y parvenir est de faire parole et se contenter de suivre la mise adverse au flop avant de miser sur le tournant (si vous êtes le premier à parler).
Ce schéma de mise n'est pas courant et bien des joueurs vous mettront sur un tirage quand vous jouez ainsi. Vous devez cependant contrôler la taille du pot et miser à peine plus que le pot. Bien des adversaires ne savent pas vraiment s'ils doivent interpréter cette mise comment interpréter cette mise, ne sachant pas si c'est un signe de force ou au contraire de faiblesse, et ils vous paieront juste pour voir ce qu'il se passe sur la rivière. En jouant ainsi, vous cachez la force réelle de votre main, et vous pouvez voir la rivière pour relativement pas cher. Vous devez bien sûr aussi penser que si votre adversaire relance au tournant sur votre mise, vous ne devez quasiment jamais suivre. C'est un des risques que vous prenez. Il y a plus d'une façon de combiner ces facteurs, essayez-en quelques unes et voyez celle qui vous convient le mieux. Beaucoup de joueurs optent pour la relance au flop pour obtenir une carte gratuite au tournant, mais étant donné que beaucoup de joueurs jouent ces tirages ainsi, cela n'aide pas vraiment à cacher votre main.
La troisième et dernière catégorie concerne les bons joueurs, ceux que vous respectez à la table et qui (normalement) vous respectent en retour. Si je touche un tirage contre ce genre de joueurs, je le joue très agressivement. Ces sont prêts à coucher une top pair ou une overpair, ce qui vous donne un peu plus de FE, et vous donne donc un surcroît d'espérance de gain (EV = expected value) en jouant ainsi.
Ces joueurs savent que lorsque vous payez une mise de continuation sur tableau à tirages, c'est que vous en avez probablement un, donc à vous d'éviter de révéler votre main en jouant comme cela. La meilleure stratégie de mises contre ces joueurs et de miser au flop et payer une éventuelle relance, avant de miser au tournant (hors de position), ou de miser puis sur-relancer au flop (en position) pour afficher le plus de force possible. En jouant ainsi, votre adversaire vous mettra rarement sur un tirage, et si votre adversaire possède une vraie main, suffisante pour aller jusqu'au bout (ce qui arrivera rarement avec ce genre de joueurs), vous serez payé un maximum quand votre tirage rentre. Votre meilleur atout contre ces joueurs reste votre FE. Ces joueurs peuvent coucher un grand nombre de mains et vous pouvez exploiter ce fait. Assurez-vous de ne pas en abuser, et si vous allez à l'abattage et dévoilez cette stratégie, changez de schéma de mise pour rester imprévisible. S'il sait comment vous avez joué votre dernière main à tirage, faites la même chose avec un monstre en main, la raison principale pour jouer ainsi étant que votre FE devient beaucoup moins importante une fois que vos adversaires ont vu avec quelle agressivité vous jouez les tirages.
Enfin, la dernière catégorie de tirages comprend les tirages combinés, les meilleurs tirages qui soient, comme par exemple un tirage OESD + tirage couleur. Avec ce genre de tirage il est important de tout faire pour faire grossir le pot au maximum. La seule exception est si vous vous trouvez face à un joueur particulièrement faible (catégorie 1). Contre ces joueurs, nous avons une FE plus grande si nous nous contentons de suivre avant de miser lorsque l'on touche. Contre ces joueurs ce que vous devez faire c'est envoyer votre tapis le plus vite possible. La raison pour cela est qu'avec ces tirages votre main est largement aussi forte qu'une main faite pour votre adversaire. Si vous trouvez un tirage OESD+couleur au flop, vous avez plus de chances de remporter le coup contre une overpair. Ce que je fais souvent les joueurs de catégorie 2, c'est simplement d'envoyer mon tapis. Nous sommes devant la plupart des mains qu'ils peuvent avoir, et parce que mon adversaire se couchera de temps en temps faire tapis ici est clairement ev+ (avec une espérance de gains positive). Cela est du au fait que nous sommes la plupart du temps devant un coin flip, une confrontation à 50/50 ou mieux, pour remporter le pot, et en plus nous prenons des jetons à chaque fois que notre adversaire se couche. Une bonne raison pour couper l'action au flop et que vos chances de gains chutent considérablement au tournant, et si vous touchez ce sera souvent au turn ou à la river. Faire tapis au flop suppose évidemment que le pot est une taille raisonnable de manière à ce que le gain soit suffisamment intéressant quand vous faites coucher les mains adverses. C'est le cas par exemple pour un pot sur-relancé préflop, ou lorsqu'une relance préflop est suivie par une mise de continuation au flop. Il n'y a aucune raison valable d'envoyer 25$ dans un pot de 1$, l'argent que vous gagnez si tous vos adversaires passent ne valant pas la peine d'un tel effort et d'un tel risque.
Maintenant que nous avons couvert les différents types de tirages, il reste une dernière chose que nous devons aborder en ce qui concerne les tirages, ce sont les tirages dans des pots avec plusieurs joueurs. Le facteur essentiel pour ma prise de décision dans ces cas est la force réelle de mon tirage. Un tirage couleur max par exemple, est bien plus fort qu'un tirage quinte par le haut ou ventral, de toute évidence. La chose important à comprendre ici, c'est que certains des autres joueurs sont probablement aussi en tirage. Et dans ce cas précis, contrairement à ce que nous avons vu précédemment, la force de votre tirage est donc plus importante que le style de vos adversaires. Si on détient un tirage faible, comme un tirage couleur à la Dame ou une quinte basse, nous devons éliminer tous les autres tirages. A contrario, si nous avons un tirage fort (couleur à l'As), nous avons intérêt à suivre ou être payé par un tirage couleur plus faible. Voilà le genre de mains qui vont vraiment rapporter gros lorsque nous toucherons et que notre adversaire touche aussi mais une main plus faible que la nôtre. Un autre avantage de suivre au lieu de relancer dans un pot à plusieurs est que lorsqu'un joueur relance derrière vous, vous pouvez payer avec une bonne côte lorsque les joueurs avant vous ont suivi.
Pour résumer rapidement ce dernier chapitre, souvenez-vous de ceci : dans les pots multiways (avec plusieurs joueurs impliqués) il faut relancer les tirages faibles et se contenter de suivre avec les tirages forts, ce qui est peut-être le contraire de ce que à quoi vous vous attendiez avant de lire cet article. J'espère que ceci vous aidera et vous aura appris quelques trucs utiles à savoir lorsqu'on joue les tirages. Bonne chance sur les tables !
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