Poker à Vegas : l'Excalibur met fin à l'expérience des tables électroniques
Les tables de poker électroniques ont du plomb dans l'aile. Depuis le 5 juillet 2009, la casino Excalibur à Las Vegas a retiré les 12 tables "hybrides" installées dans sa poker room et est revenu au bon vieux système des tables avec croupier.
MGM Mirage exerce son droit de retrait
PokerTek, le premier fournisseur mondial de tables de poker électroniques, sous la marque PokerPro, avait pourtant obtenu au mois de mars dernier une licence de la part de la commission des jeux du Nevada. La société est donc théoriquement en mesure de fournir son système à tous les casinos de Las Vegas. Mais les clients n'ont pas l'air de se bousculer au portillon. Les tables installées à l'Excalibur l'étaient à titre de test uniquement, une expérience finalement peu concluante aux yeux de MGM Mirage, le propriétaire de l'Excalibur et de dix autres casinos à Vegas, qui a décidé à la fin du mois dernier d'exercer son droit de retrait.
Dans un communiqué publié le 1er juillet au soir, Lynn Holt, le directeur du Marketing de MGM Mirage expliquait en termes choisis que "si notre expérience s'est bien déroulée, nous nous sommes finalement rendus compte que les tables de poker 'live' reflètent mieux le genre d'interactions qu'attendent nos clients lorsqu'ils viennent à Las Vegas".
PokerTek en difficulté financière
PokerTek, qui a déjà vendu 230 tables de poker électroniques dans le monde (au Crown casino de Melbourne, au Trump Casino d'Atlantic City, au Hard Rock Seminole de Tampa ou au Hollywood Park de Los Angeles, pour ne citer que les plus connus) est par ailleurs en sérieuse difficulté financière. Ses revenus ont décru de 33% au premier trimestre 2009 (par rapport au premier trimestre 2008), à 2,1M$, pour une perte nette de 1,8M$. En cause, le mauvais climat économique actuel et un public, donc, qui n'accroche pas à ce poker sans cartes, sans croupier et sans jetons.
Des tables dénuées de croupiers mais pas sans atouts
L'idée semblait pourtant séduisante : des tables qui dealent les cartes toutes seules, gèrent automatiquement les commissions et les files d'attente, sans possibilité d'erreur, et qui accroissent le nombre de mains jouées par heure. Et qui dit plus de mains jouées par heure et des charges de personnel réduites, dit également des commissions moins importantes prélevées par le casino. L'Excalibur était ainsi passé d'une 'rake' de 4$ à 3$ par heure et proposait même aux heures creuses des tables de cash games à 0,50$/1$, alors que partout ailleurs sur le Strip, la principale artère de Vegas, les limites les moins élevées se situent à 1$/2$. Idéal, pensait-on, pour les joueurs du dimanche, qui ne veulent pas dépenser des fortunes au casino. Cela semblait aussi une bonne idée pour les joueurs venus du poker sur Internet, peu habitués aux conventions du poker 'live'.
Une 'révolution' qui ne passe pas. Les croupiers soulagés.
Mais moins d'un an après leur introduction, les chiffres ne sont pas bons et MGM Mirage, lui-même en difficulté financière, met fin à l'expérience. Les joueurs, après avoir initialement manifesté une certaine curiosité pour ces tables d'un nouveau genre, ont clairement fait comprendre que les jetons et les cartes leur manquaient, qu'ils souhaitaient pouvoir jauger un adversaire à la manière dont il mise et manipule ses jetons et disposer d'un croupier qui réponde à leurs questions. Ces derniers mois, la poker room de l'Excalibur semblait bien déserte quand d'autres casinos, au standing équivalent, affichaient de meilleurs chiffres de fréquentation.
Une bonne nouvelle pour les croupiers, sans aucun doute, qui ont un temps craint pour la pérennité de leur métier. Lors de l'introduction de ces nouvelles tables à l'Excalibur, en août 2008, le personnel de la poker room était ainsi subitement passé de 50 à 19 employés. Et beaucoup prédisaient un avenir très sombre à cette activité, destinée in fine à rejoindre la longue liste des métiers oubliés. Vous savez bien, les poinçonneurs de bus, les bouchers chevalins...
Une stratégie de niche pour les tables électroniques ?
Mais ne vous réjouissez pas trop vite, croupiers, la page des tables de poker électronique n'est peut-être pas totalement tournée. Selon Matt Savage, le fameux directeur de tournoi, elles restent sans doute une solution possible pour 'booster' les variantes les moins rentables du poker 'live'.
A Melbourne, par exemple, elles sont désormais reléguées à l'entrée de la poker room et proposent aux clients de jouer en tête-à-tête, un format très peu proposé aux petites limites.
De même, des variantes traditionnellement plus lentes, comme le Omaha, qui atteignent péniblement les 15 mains jouées par heure, pourraient de cette manière retrouver grâce aux yeux des casinotiers.
Alors qu'il semble de moins en moins probable que ces tables électroniques remplacent un jour pour de bon les tables avec croupier, on peut imaginer qu'elles investiront progressivement certaines niches traditionnellement négligées par les établissements de jeu. Elles parviendront peut-être ainsi à cohabiter en bonne intelligence avec des 'dealers' désormais moins inquiets de leurs concurrents robotisés.