Germes et poker rooms, par Dr Pauly

Paul 'Dr Pauly' McGuire

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13 Déc 2009 7 min à lire Dernière mise à jour 14 Déc 2009

Depuis quelques mois, les médias nous rebattent sans cesse les oreilles du virus H1N1 ou de celui de la grippe aviaire. D'ordinaire, j'évite de m'énerver inutilement à chaque nouvelle pandémie, tant cela fait me penser à un mauvais scénario de série B. Mais j'en suis récemment arrivé à réviser ma position, après avoir personnellement disputé un tête-à-tête face à la grippe — et l'avoir perdu.

Rencontre fatale aux WSOP

Beaucoup de mes collègues journalistes ont attrapé le virus après avoir couvert le Main Event des World Series of Poker, à Las Vegas. La bestiole a rapidement colonisé la salle de presse, votre serviteur y compris. Quelques jours après avoir fêté les nouveaux 'November Nine', je me suis retrouvé au lit, terrassé. En l'espace de quelques heures, je m'étais métamorphosé, passant du type qui hurle de rire quand on lui parle de menace sanitaire à un mysophobe complet.

Au bout de plusieurs jours, j'ai quand même fini par m'extraire de mon lit et me suis alors mis à voyager frénétiquement. Dans tous les endroits que je suis visités, j'ai partout vu des alertes sanitaires mises en place. Avec des spots d'information sur le virus diffusés dans tous les postes de douane et d'immigration de l'aéroport de San Jose, au Costa Rica. Avec des campagnes de pub "Mettez les mains devant votre bouche lorsque vous toussez" habillant toutes les rames de métro et tous les murs de la Penn Station à New-York. Malheureusement, les campagnes de prévention des pouvoirs publics ont oublié de s'attaquer à l'un des principaux basions de la saleté microbienne — les poker rooms.

Les mises en garde du CDC

Le Centre américain de prévention et de contrôle des maladies (le CDC) explique ainsi sur son site web : “le principal vecteur de propagation de maladies comme les rhumes ou la grippe est la contamination de personne à personne par l'intermédiaire de gouttelettes issues de la toux ou d'un éternuement. On appelle cela 'la propagation par gouttelettes'. Très simplement, cela arrive lorsqu'une personne infectée projette dans l'air, via une quinte de toux ou un éternuement, des gouttelettes qui vont ensuite se déposer dans la bouche ou dans le nez d'une personne située à proximité. Parfois, cela peut également arriver lorsqu'une personne touche de telles gouttelettes préalablement déposées sur une table ou sur un meuble puis se touche les yeux, ou la bouche ou le nez avant de s'être lavé les mains. Nous savons que des virus et des bactéries peuvent survivre deux heures et plus sur des tables de cafétéria, des poignées de porte ou des bureaux”.

Le CDC devrait ajouter les jetons de poker à sa liste

Je n'ai jamais été un obsédé du lavage de mains avant d'emménager à Las Vegas, il y a environ deux ans. Après avoir passé pas mal de temps à l'intérieur et aux abords immédiats des poker rooms, j'ai remarqué que la plupart des joueurs ne se lavent jamais les mains aux toilettes. Et ils ne nettoient jamais leur place après s'être levé de table. Toutes ces observations ont progressivement provoqué chez moi une phobie des germes à la Howard Hughes, et je suis aujourd'hui facilement dégoûté par toutes les histoires qui impliquent des transferts de microbes, des gouttes d'urine ou de la matière fécale.
Les joueurs de poker les plus dégénérés ne sont pas toujours des gens propres sur eux. D'ailleurs, l'un des premiers signes clairs d'addiction survient lorsque quelqu'un cesse de faire attention à son apparence physique. Il n'est pas rare de croiser dans les poker rooms des gens qui ont l'air de porter les mêmes vêtements que ceux avec lesquels ils se sont endormis la veille. L'hygiène personnelle ne fait tout simplement pas partie de leur rituel quotidien. Si des joueurs malodorants ne prennent pas la peine de se changer ou de prendre une douche, vous croyez vraiment qu'ils prendront la peine de se laver les mains après avoir fait "pleurer le colosse"?

Les casinos insistent sur le fait que les jetons sont systématiquement nettoyés. Mais même si chaque jeton est stérilisé à l'alcool, ce procédé ne garantit pas pour autant l'élimination de tous les microbes. J'ai posé la question à un de mes amis médecins, qui est aussi un joueur de poker confirmé. J'ai donc parlé de ma phobie naissante au Dr. Charles Stillman et lui ai demandé si j'avais raison ou pas d'être paranoïaque à propos des germes. Malheureusement, la réponse est oui.

“Les jetons de poker constituent un excellent vecteur des maladies” m'a expliqué le Dr. Stillman. “Ils font d'ailleurs actuellement l'objet d'une étude épidémiologique menée simultanément dans plusieurs casinos. L'infection la plus commune est le staphylocoque. Dont la souche la plus dangereuse est le MRSA (methicillin-resistant Staphylococcus aureus). Comme son nom l'indique, ce staphylocoque doré résiste aux principaux antibiotiques testé pour en venir à bout. En milieu hospitalier, nous prenons toutes sortes de précautions pour empêcher la transmission du MRSA. En 2005, le MRSA a tué plus de gens que le SIDA aux Etats-Unis” !

Le staphylocoque doré tue plus que le SIDA

D'après le Journal of the American Medical Association, en 2005, le “Methicillin-resistant Staphylococcus aureus (MRSA) aurait été directement responsable de la mort de 18.650 personnes et de 94.000 autres infections ayant à un moment mis le pronostic vital en danger. Cette même année, 16.000 personnes mouraient du SIDA aux USA”.

Si le MRSA est potentiellement mortel, le Dr. Stillman m'a en revanche assuré que jouer au poker ne l'était pas. “Comment se fait-il que moi-même, en tant que médecin, je continue quand même à aller jouer dans un casino ? Parce que l'extrême majorité des joueurs ne tombent pas malade en manipulant des jetons”.
D'accord, les jetons de poker ne me veulent pas de mal. Ceci dit, n'oubliez quand même pas qu'ils forment un bouillon de culture idéal pour toutes sortes de microbes peu ragoûtants. Alors, si j'étais vous, j'éviterais de me toucher la bouche, les yeux ou le nez après avoir fait quelques "chip tricks" avec mes piles de jetons. N'oubliez pas non plus de vous laver les mains, ce qui reste l'un des moyens les plus efficaces d'éviter de propager des microbes après une session de poker. Le mieux à faire est de vous laver les mains et les avant-bras (jusqu'aux coudes) pendant au moins 10 secondes. Le CDC recommande même d'y passer 15 à 20 secondes.

Prenez soin de votre système immunitaire

Même si se laver les mains est toujours utile après un séjour prolongé dans une poker room, ce n'est pas suffisant. Pour que votre système immunitaire fonctionne à plein, vous devez manger sainement et faire de l'exercice, surtout durant la saison grippale.

“Le système immunitaire humain est la clé de tout” explique le Dr. Stillman. “Nous sommes conçus pour combattre les maladies. Ceux qui doivent faire vraiment attention sont ceux qui ont un système immunitaire déjà atteint ou qui vivent avec quelqu'un dont c'est le cas”.

Si vous êtes en train de planifier votre prochain voyage à Las Vegas, oubliez les gants de protection, les masques anti-grippe et les trousses pharmaceutiques remplies à exploser. Contentez-vous de prendre quelques mesures simples pour "booster" votre système immunitaire. Votre corps a été conçu pour repousser les agents pathogènes. S'il est gonflé à bloc et que vous ne l'épuisez pas en faisant la fête à Vegas 72 heures non-stop, vous n'aurez pas grand chose à craindre.

Une check-list pour Vegas

L'un de mes collègues, Brad Willis, a conçu une "check-list" à utiliser avant tout déplacement à Vegas, qui inclut du gel pour se laver les mains à sec, de l'Actifed et des pilules d'Echinacea (réputé pour renforcer les défenses immunitaires). Emportez également des vitamines C et B-12, ainsi que de l'eau en quantité. Même si vous avez prévu de vous éclater à "Sin City", votre corps aura besoin de récupérer de tous les excès que vous lui ferez subir. Accrochez donc le panonceau “Do Not Disturb” à votre porte et allez dormir.

Maintenant que la saison de la grippe frappe à nouveau à nos portes, protégez-vous aux tables de poker en prenant toutes les protections nécessaires pour éviter d'attraper le virus de quelqu'un d'autre. Si vous vous lavez régulièrement les mains et que vous prenez soin de votre système immunitaire, vous devriez vous en tirer sans dommage. Et si chacun d'entre nous parvenait à convaincre un ou deux de ses voisins de table débraillés d'adopter un style de vie plus hygiénique, les casinos et les cercles de jeu du monde entier deviendraient alors des lieux de vie plus sains... et moins odorants.