Histoire du poker : il était une fois Las Vegas
Dans une ville au milieu de nulle part, une guerre fait rage. Celle des cartes. En cette période des World Series of Poker, 60.000 hommes sont venus des quatre coins du monde pour s'affronter pendant 50 jours et 57 tournois dans la cité aux milles tentations : Las Vegas !
Construite en plein désert dans l'Etat du Névada aux Etats-Unis, Las Vegas est aujourd'hui la capitale occidentale du jeu et de toutes les extravagances. Mais il aurait pu en être autrement. Las Vegas aurait pu être un petit village mexicain ou une ville sainte pour mormons.
C'est une succession de crises, de conflits, de guerres, de nouvelles technologies et d'hommes qui ont fait Vegas telle que nous la connaissons. Il était une fois Las Vegas....
Du Mexique à l’utopie Mormone
Tout commence en 1829. Rafael Rivera, éclaireur d'une expédition commerciale mexicaine, trouve un raccourci et décide de nommer ce lieu « Las Vegas », c'est à dire "Les Prairies". Au milieu du désert mexicain, c'est un endroit où l'on trouve de l'eau potable et du fourrage pour les chevaux, un lieu presque accueillant.
Las Vegas devient alors une étape du "Spanish Trail", l'itinéraire sud des émigrants en route pour la Californie.
Ce n'est que de courte durée : le 2 février 1848, le traité des "cessions mexicaines" est signé. L'accord cède aux Etats-Unis un immense territoire de 1.36 millions de kilomètres carrés. L'espace représente plus de deux fois la France : il englobe la totalité des actuels états de Californie, du Nevada et de l'Utah ainsi qu'une partie du Colorado, du Nouveau-Mexique et du Wyoming. Las Vegas change de nationalité.
Les mormons font alors leur apparition. La communauté chrétienne fondée en 1830 aux Etats-Unis souhaite créer un Etat qu'elle pourra gouverner à sa guise, un Etat doté d'un constitution rédigée par elle-même. Elle revendique officiellement un territoire qu'elle nomme "deseret" dans l'Etat de l'Utah et ses alentours.
Brigham Young, président de l'Église mormone, un homme ouvertement raciste, violent et polygame, conduit l'exode de sa communauté qui traverse l'Amérique en charrette, de l'Illinois aux montagnes rocheuses. Il envoie un premier groupe d'adeptes à Las Vegas pour fonder un village pouvant constituer une étape pour la route de Salt Lake City à Los Angeles et un deuxième groupe pour exploiter les mines de plomb.
Guidé par une vision, Young écrit en 1847 : « L'esprit de lumière reposa sur moi et plana sur la vallée et je sentis que c'était là que les saints trouveraient protection et sécurité »
L’utopie est de courte durée : la nourriture manque et les relations avec les indigènes sont mauvaises. Deux ans après leur arrivée, les premiers "Las Vegasien" font leur malle et partent avec leur croyance.
Las Vegas : une lente éclosion
L'armée américaine investit les lieux en 1884 et construit le fort Baker. Quelques mineurs viennent peupler la région et fondent un ranch. Pendant 40 ans l'élevage sera l'unique activité de la région. C'est une ville typique de western et c'est grâce à ce ranch qu'elle n'est pas devenue une ville fantôme.
En 1905, le chemin de fer fait son apparition, Las Vegas obtient sa gare sur la ligne "San Pedro, Los Angeles & Salt Lake". Le train provoque rapidement des spéculations sur les terrains et une augmentation de la population (5 000 habitants). Las Vegas devient une "Town" de l'état du Nevada puis une "City" en 1911.
Pendant une trentaine d'années la ville se développe tranquillement, on y voit apparaitre des ateliers de construction, une fabrique de glaces, de nombreux hôtels, des saloons et même… des maisons de jeux clandestines!
La grande dépression lance Vegas
Paradoxalement, la crise de 1929 va être bénéfique à Sin City. Alors que la grande dépression secoue le pays, plusieurs mesures sont prises par le président Hoover pour favoriser la relance économique.
Trois de ses mesures ont permis le "Las Vegas Boom" au Nevada : la construction du barrage Hoover (1933); la légalisation des jeux et la simplification des procédures de divorce (1931); la construction d'une base militaire pour effectuer des essais atomiques.
Le barrage Hoover crée des milliers d'emploi et apporte des ressources nécessaires en eau et en électricité. Les nouvelles lois amènent de l'argent et les militaires attirent beaucoup de monde et de nouvelles sociétés.
Vegas le nouveau Cuba
Pendant ce temps, la mafia cherche une nouvelle source de profit depuis la fin de la prohibition.
C'est à Cuba en 1940 et avec la complicité de Fulgencio Batista, que la Cosa Nostra va se former dans le domaine du jeu de casino apprenant rapidement les meilleurs moyens pour détourner et blanchir l'argent. Une sorte d'entrainement pour Vegas. C'est une réussite et ils engrangent de grosses sommes d'argent.
Le célèbre gangster Benjamin "Bugsy" Siegel propose à la "famille" de construire le premier hôtel casino de Las Vegas avec l'argent du syndicat. Son surnom « Bugsy » signifie le dingue et il ne fallait surtout pas le prononcer devant lui sous peine de représailles.
Son projet est grandiose, et les travaux commencent en 1943, mais Bugsy est un piètre organisateur. Le Flamingo ouvre ses portes avec beaucoup de retard le 26 décembre 1946.
C'est un fiasco.
Siegel contracte une dette de 6 millions de dollars et sa maitresse vole l'organisation, elle passe en Suisse très souvent avec des valises pleines de billets. Bugsy se fait presque « logiquement » assassiner en juin 1947. Meyer Lansky reprend brillamment les rennes et continue la construction de nouveaux casinos.
C'est la chute de Batista par Fidel Castro qui va accélérer le développent de Vegas lorsqu’il interdit les casinos et la prostitution sur l'ile. Vegas hérite donc des joueurs de Cuba et de l'argent blanchi pendant ces dernières années par la mafia. Sin City se développe frénétiquement de 1950 à 1970, c'est la grande période de Vegas ! De grands moyens publicitaires sont mis en place pour amener des joueurs, l’industrie du jeu produit de grandes stars comme Elvis Presley ou Frank Sinatra. Les casinos battent leur plein. La prostitution et les spectacles pour adultes aussi.
La Cosa Nostra dirige d'une main de fer une ville à la réputation sulfureuse mais au service client sans faille.
Le FBI entre en piste
La chasse aux mafieux commence en 1980, le FBI les traque et fait le grand ménage. La ville durcit l'attribution des licences de construction et impose de nouveaux règlements. Les dirigeants et les habitants veulent plus de respectabilité, plus de morale et moins de crime.
Les hommes d'affaire sont les nouveaux investisseurs et ils vont changer le visage de Las Vegas comme Steve Wynn, aussi connu pour avoir accidentellement déchiré son tableau de Picasso juste avant de le vendre $139 millions (la vente a été annulé). Véritable père du Las Vegas moderne, Steve Wynn construit "The Mirage" en 1989, il est suivi rapidement par deux géant le MGM et les casinos Harrah's.
Leur optique est de faire de Vegas une destination plus familiale en créant des parcs d'attractions et des clubs de sport, et des grands spectacles, comme ces deux magiciens payés plus de $50 Millions par an !
La stratégie est gagnante. La nouvelle cible engendre des revenus toujours en hausse : depuis 1990 la croissance de la ville est de 5% par an et la population continue de grandir.
Et maintenant ?
Aujourd'hui, Las Vegas doute à nouveau. La ville doit affronter de nouveaux obstacles : les crises économique; le manque d'eau; l'ouverture de Macao, le Las Vegas chinois dont la concurrence est féroce.
Son avenir est incertain. Qu'adviendra-t-il de la capitale du jeu dans les prochaines décennies ?
Parviendra-t-elle à trouver l'énergie essentielle pour s'adapter, se renouveler et s'imposer comme l'incontournable lieu de pèlerinage du jeu ?
Soutenons là et jouons ! Place aux WSOP !
The show must go on
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