Psychologie du Poker : l'illusion du joueur, un mal nécessaire ?
"L'illusion du joueur", un concept centenaire mais toujours d'actualité de nos jours, est une erreur de jugement sur soi-même et sur les autres présente chez la majorité des joueurs du poker. Mélange d'aveuglement inconscient et de mégalomanie latente, ce défaut incontournable a nourri et continue à nourrir les plus improbables exploits.
Ne pas confondre "Erreur" et "Illusion"
Vous avez peut-être entendu parler de "l'erreur du joueur", cette croyance erronée qui pousse un joueur à croire qu'un événement aléatoire, comme le jet d'une pièce à pile ou face, peut influencer l'événement suivant. C'est-à-dire croire que parce que la pièce tombe dix fois d'affilée sur pile, la onzième fois elle a plus de chance de tomber sur face, ce qui n'est bien entendu absolument pas le cas, ces événements n'étant pas interdépendants.
Cette conviction fausse par nature, autrement appelée "erreur de Monte Carlo" ou "erreur de la maturité des chances" est un des ennemis les plus sournois des joueurs de poker. En effet combien de joueurs n'ont-ils pas pensé un jour "j'ai perdu tellement de coin-flips aujourd'hui que je vais forcément gagner le prochain" alors que par définition les chances sont toujours de 1 sur 2.
Une autre erreur commune est l'erreur d'attribution fondamentale, signifiant que les individus ont tendance à attribuer le comportement d'autres personnes à des causes internes plutôt qu'externes et vice-versa : ce qui nous arrive de mal n'est pas de notre faute mais le résultat de nos propres erreurs est attribuable à la malchance. Ce problème psychologique vastement répandu chez les joueurs de poker a été mis en évidence par E. E. Jones et V. A. Harris dans leur traité « The attribution of attitudes » (Journal of Experimental Social Psychology) en 1967.
C'est juste une illusion
Ce que l'on sait moins, c'est que cette idée existait depuis longtemps déjà sous une autre dénomination : "l'illusion du joueur", une distorsion des faits par l'ego qui contrairement à ce que nous dicte notre logique, a un impact positif sur les joueurs dans leur conquête de gloire et de fortune, aussi infimes que soient leurs chances d'y parvenir.
Ce n'est pas un joueur, ni un spécialiste de la psychologie du jeu à qui on doit ce terme, mais à Remy de Gourmont, écrivain français (1858-1915) obscur s'il en est, qui avait développé ce concept dans ses "Promenades philosophiques" (1908), lui-même largement inspiré par un passage d'un ouvrage intitulé "Un des aspects de l’illusion du joueur d’échecs" (V. Cornetz, 1907).
Gourmont reprit le flambeau de cette idée et la développa ainsi :"Le joueur est toujours tenté de s'attribuer une valeur supérieure à sa valeur réelle. Tel est le théorème que pose, en une curieuse étude, moitié psychologique, moitié algébrique, un ingénieur algérien, M. V. Cornetz. Son désir de gagner, le souvenir de ses succès passés, sa confiance en lui-même font que le joueur, à un moment donné, se croit nécessairement plus fort qu'il ne l'est véritablement. Donc, s'il gagne, il n'est pas surpris ; mais s'il perd, il se dira : « J'aurais pu faire mieux, je n'ai pas donné toute ma valeur, toute mon attention » ".
L'illusion du joueur, la bombe atomique du compétiteur
Au-delà du danger évident de ne pas évaluer correctement la force de son adversaire ou ses propres chances réelles de gagner, "l'illusion du joueur" est aussi un mécanisme d'auto-défense qui permet à sa victime de se surpasser devant une tâche impossible. Il est ainsi courant d'entendre un compétiteur, joueur de poker ou sportif quelque soit son niveau, annoncer qu'il ne joue que pour la victoire finale, en dépit des probabilités ou de l'incongruité d'une telle assurance.
Là où l'esprit de compétition (jouer pour donner le meilleur de soi-même) ne suffit plus, l'ambition surnaturelle peut pousser l'individu à aller au-delà de ses limites. Quelques jours avant de se lancer dans la bataille du Main Event des World Series of Poker 1989 à Las Vegas, un jeune joueur inconnu de 24 ans laissa un message sur son répondeur annonçant qu'il n'était pas libre car il allait gagner le tournoi, ce qu'il fit à la surprise générale quelques jours plus tard. Phil Hellmuth fut alors de très loin le plus jeune joueur de l'histoire à remporter le Main Event WSOP.
Malgré tous ses défauts, on doit concéder à Phil Hellmuth une force d'auto-conviction qui n'est pas pour rien dans ses nombreux succès (11 bracelets WSOP, record absolu) même si son "illusion de joueur" le pousse à des affirmations aussi ridicules que celle-ci bien connue : "s'il n'y avait aucune part de chance, je pense que je battrais tout le monde".
Réussir l'impossible, le paradoxe inéluctable du vainqueur
Comme le démontre Remy Gourmont,"l'homme qui se surestime est aussi celui qui est capable de se surmonter. Il est nécessaire, au grand jeu de la vie, d’avoir confiance en soi-même. Si l'on ne s'estimait qu'à sa juste valeur, on ne s'estimerait pas assez. Si l'on ne s'accordait pas une force supérieure à sa force réelle, on n'oserait jamais entreprendre l'impossible : or il n'y a peut-être que l'impossible qui soit digne d'être entrepris".
Ainsi Jonathan Duhamel, dernier champion WSOP, aurait-il pu décrocher ce titre sans l'espoir fou de pouvoir battre plus de 7300 adversaires dont la quasi totalité des meilleurs joueurs de poker de la planète, lui qui quelques années auparavant faisait les vendanges pour gagner sa vie? Probablement pas.
Entre mégalomanie (comportement pathologique qui fait qu'une personne surestime ses capacités et aspire à la puissance et la gloire de façon excessive) et croyance en l'impossible, l'illusion du joueur est son défaut le plus répandu mais aussi l'atout le plus puissant de son arsenal psychique. Sans ce mirage en point de mire, le joueur est condamné à ne réussir que ce dont il est véritablement capable.
Ainsi, pour dépasser vos limites et qui sait un jour réaliser vos rêves les plus fous, vous devrez vous aussi vous laisser tomber dans le bras de cette illusion, la plus folle mais peut-être la plus efficace qui soit.
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