PokerStars Full Tilt Poker : l'analyse d'un expert légal
Expert reconnu dans l'industrie des jeux aux USA, Maurice “Mac” VerStandig est un avocat spécialisé dans la gestion de casinos, des problèmes communs de fraude et de prévention du vol à ceux plus complexes posés par les lois Unlawful Internet Gambling Enforcement Act ou encore Indian Gaming Regulatory Act.
Nanti d'une grande expérience dans le domaine des banqueroutes, VerStandig connaît aussi les domaines des valorisations stratégiques et de monétisation des actifs complexes. Il applique ces connaissances à divers de son activité, des la récupération de fraudes aux procédures d'insolvabilité. Verstanding nous offre ici son opinion d'expert sur la récente acquisition de Full Tilt Poker par Pokerstars.
La nouvelle de l'acquisition de Full Tilt Poker — et l'intervention patente du gouvernement pour faciliter cet achat — fait parler d'elle bien au-delà du petit monde du poker, une impression palpable de "déjà-vu" se faisant ressentir. L’histoire des Etats-Unis tendant vers l’absorption par une robuste entité privée des ruines fumantes de sa concurrente n'est rien de nouveau; mais l’implication du Department of Justice et du monde des jeux en ligne dans cette histoire rend la fin tragique de Full Tilt Poker d'autant plus intrigante.
En effet, il y a tout juste quatre ans, J.P. Morgan Chase — considéré comme une icône de Wall Street avec une réputation de premier plan — "décida" d'acquérir Bear Stearns, ancien acteur proéminent de l'industrie de la finance dont les comptes devinrent le sujet de rumeurs acides. L'accord suivit de longues négociations au cours lesquelles Henry Paulson — alors Secrétaire du Trésor — aurait occupé les mêmes salons privés que les directeurs des banques, et la Réserve Fédérale fut d'accord pour faire grossir le pot de miel en prenant en charge 40 milliards de dollars de différentes dettes de Bear Stearns.
Ici bien sûr , Full Tilt Poker n'est pas une banque en faillite — c'est une poker room en faillite. Pourtant, la véritable descente aux enfers de Full Tilt Poker est survenue quand ces fonctions bancaires s'avérèrent supposément frauduleuses. Le Department of Justice n'a probablement que faire des disctinctions en termes de jeu entre PokerStars et Full Tilt Poker, si tel était le principal distinguo entre les deux anciens géants. Mais l'allégation persistante que la seconde entité avait dilapidé les fonds des joueurs — ces précieux dollars considérés comme sacrosaints dans un monde où peu de choses le sont — ont finalement uni le public et le Department of Justice contre l'ennemi commun Full Tilt Poker.
De plus, si le cadeau de la survie de PokerStars n'était pas un indicateur suffisant des sentiments de l'Oncle Sam, le langage des documents du tribunal permettent de balayer toute ambigüité. En effet, avec cet accord global permettant de ré-ouvrir Full Tilt Poker à l'étranger, peu de détails sont spécifiés. Et bien que les mesures soient prises pour les joueurs étrangers supposément victimes de la fraude de Full Tilt Poker, les États-Unis se sont apparemment sentis obligés d'exclure formellement une classe précise d'individus : "Etant entendu que Raymond Bitar, Howard Lederer, Rafael Furst, Christopher Ferguson, et Nelson Burtnick sont des joueurs non-Us du Full Tilt Group, PokerStars empêchera tout retrait des comptes de poker online de ces cinq individus, et ne les rembourseront pas de quelque manière que ce soit.”
Si ce “deal” met en évidence le refus du Department of Justice de confondre PokerStars et Full Tilt Poker, cela met aussi en évidence la volonté de la première entité de mettre en commun les joueurs de poker des États-Unis avec leurs collègues du reste du monde. Avec la cannibalisation pas PokerStars de son rival historique, les accords approuvés par le tribunal en apellent au nouveau géant d'internet de rendre "les fonds des comptes de poker online de tous les joueurs non-US du Full Tilt Group, à la date du 29 juin 2011, dont le total est estimé à 184 millions $." Pour les individus qui ont joué sur Full Tilt Poker depuis les États-Unis, un futur différent les attend. Ces joueurs ont "l'opportunité de déposer des pétitions auprés du U. S. Department of Justice, Asset Forfeiture and Money Laundering Section (‘DOJ’), pour rémission ou confiscation.”
Le contraste est palpable — les joueurs non-US pourront s'enregistrer en ligne, comme il le faisait régulièrement, et faire un retrait standard de leurs fonds de Full Tilt Poker. Les Américains en revanche, auront le droit de faire une demande au Department of Justice pour récupérer leur argent. Il n'y aucune garantie que le Department of Justice n'accepte ces pétitions, et les fruits des saisies civiles sont souvent jalousement gardées par les United States Marshalls.
Mais peut-être plus évident encore et le constat que de nombreux Américains ayant joué des partie à 5 ou 10 cents sur Full Tilt Poker renonceront probablement à naviguer les méandres des formalités d'une pétition de confiscation. D'autres encore, même ceux qui ont joué de bien plus grosses sommes, ne voudront peut-être pas confesser leurs péchés de "jeu en ligne" à l'Oncle Sam. La légalité, ou plutôt le manque de légalité, d'une partie de cartes sur Full Tilt Poker est depuis source de discussion pour les poker rooms — on peut comprendre que les membres du grand public soit réticents à raconter leurs exploits au poker à une institution gouvernementale, qui plus est au Department of Justice.
Malgré tout, même au sein de ces accords transactionnels — des documents qui marquent le début de la fin de l'épisode le plus dommageable pour les jeux en ligne — il y a des raisons pour les défenseurs de la légalité d'éprouver un regain d'optimisme. Spécifiquement, selon les tournures légal d'usage, "Rien dans ce document 'Stipulation and Order of Settlement' ne limite intentionnellement les Compagnies Pokerstars et leur affiliés présents ou futurs d'offrir du poker online en argent réel aux individus à l'intérieurs des Etats-Unis (y compris les marques du Full Tilt Group) si et lorsque cela deviendra possible dans le cadre des lois en vigueur.”
Curieusement, si la légalité ne se situait pas désormais quelque part entre une probabilité et une inéluctabilité, ces détails n'auraient aucun sens. Selon une majorité d'observateurs, le Department of Justice avait une affaire civile de confiscation cousue de fil blanc contre Full Tilt Poker et PokerStars. Le “deal” désormais en vigueur compromet purement et simplement le potentiel de recouvrement des États-Unis dans cette affaire, apparemment au bénéfice des joueurs de poker étrangers, dont les taxes ne supportent aucunement le système de la justice américaine où ce problème s'est méticuleusement développé.
Cependant, si la légalisation venait à s'installer dans une ou plusieurs régions des États-Unis, cet accord met en évidence des bénéfices domestiques. Comme le Department of the Treasury avait anticipé des retombées positives en autorisant J.P. Morgan Chase à nettoyer les restes supposément souillés de Bear Stearns, le Department of Justice a pu voir le bon côté des choses en autorisant PokerStars à faire de même avec Full Tilt Poker. On peut ainsi supposer que le public tire des bénéfices en faisant des affaires avec de larges entreprises de bonne réputation, avec à la clé moins de risques et un plus grand sentiment de sécurité.
Cela dit il n'était jamais venu à l'esprit aux clients de Bear Stearns, ou aux joueurs de Full Tilt Poker, que leur sécurité était compromise.
Maurice “Mac” VerStandig est avocat pour Offit Kurman, P.A., où son activité se concentre sur divers litiges commerciaux et privés, notamment pour des affaires de fraude et d'insolvabilité. Il a une grande connaissance des problèmes légaux dans l'industrie américaine des jeux, et pratique dans les états du Maryland, de Virginie et de Floride.