Aviation Club de France : Au cœur de la vente aux enchères
Mardi 12 mai, la mise aux enchères des biens de l'Aviation Club de France a clôturé l'histoire de l'établissement. Historique, symbolique, l'ACF n'est plus. Entre amateurs d'art, anciens employés, ex-réguliers ou simples curieux, une centaine de personnes ont fait leurs adieux au 104 avenue des Champs Elysées. Reportage.
Paris. 9h30, ciel dégagé et soleil au beau fixe. Comme chaque matin, la plus belle avenue du monde se réveille. Les touristes affluent et les Parisiens se pressent pour se rendre au travail. Non loin de la Place de l'Etoile et de l'Arc de Triomphe, un immeuble : le 104. Celui de l'ACF. Les vigiles à l'extérieur ont disparu, laissant place à une simple porte banale, ouverte au public. L'entrée est vide, le silence règne.
Au premier étage, des dizaines de personnes sont rassemblées dans la salle principale. Cette dernière, luxueuse et boisée, rappelle à quel point le cadre de l'Aviation Club de France se démarquait des autres. Les objets, disséminés ça et là dans les différentes salles, attirent déjà le regard des futurs acheteurs. Difficile de s'imaginer qu'un tel établissement ait pu accueillir des événements aussi prestigieux que le World Poker Tour. Fini le cliquetis des jetons et les parties de cash game interminables, où joueurs réguliers et riches businessmen s'affrontaient pendant des journées entières. Le lieu qui hébergeait l'ACF a perdu son âme.
Au fond, une pièce a été spécialement aménagée pour la fameuse vente. La cinquantaine de chaises disposée est prise d'assaut, tandis que l'autre partie des personnes se tassent en restant debout. Au total, environ 100 personnes assistent à cette mise aux enchères, dont Bruno Fitoussi et Michel Cohen. Estelle Nguyen, la commissaire priseuse, a pris place au centre de la salle, alors qu'un rétroprojecteur a été installé pour diffuser les lots. ''Vous pouvez payer en espèce jusqu'à 3000€, en carte bleue mais nous n'acceptons pas les chèques''. Avec son ton autoritaire, Mme Nguyen ouvre le bal.
Les amateurs d'art au rendez-vous
Des écrans plats aux tables de jeu en passant par des banquettes, de l'électroménager et de l'équipement informatique, rien n'est laissé de côté. Hormis les jetons, vendus prochainement au cours d'une autre vente. Chaque catégorie dispose de ses propres acheteurs, qui se lancent alors dans une bataille, un jeu de surenchères pouvant parfois atteindre des sommets. On retiendra notamment les ventes de trois tableaux, durant laquelle deux hommes se sont tirés la bourre jusqu'à 9500€ pour acquérir une œuvre d'art. Debout, face à face, pas un ne se débinera devant des spectateurs à la fois amusés et impressionnés. ''Adjugé vendu !'', s'exclame la commissaire. Pluie d'applaudissements.
10h20, le ton monte. Un jeune homme, à l'attitude agressive et au langage familier, se plaint d'un monsieur plus âgé qui lui aurait rentré dedans. Un ''Dégage'' et quelques ''Houuu'' surgissent du milieu de salle. La situation dégénère lors que le vieil homme se fait agresser physiquement : ouverture du crâne. La séance est interrompue durant quelques minutes, semant une confusion quelque peu déroutante. Le reste de la séance se déroulera sans accroc.
''Je la garderai pour les 213''
''Une mappemonde, on démarre à 100€'', lance Isabelle Nguyen. Magnifique globe sur pied, ce bien est avant tout l'un des symboles de l'ACF. Michel Cohen, conscient de ce qu'elle représente, se battra jusqu'à 1200€ pour l'achat de cette pièce. ''Je la garderai pour les 213'', lance-t-il, en référence aux 213 employés qui se sont battus pour la réouverture de leur lieu travail. Une phrase qui provoque de nombreuses réactions, à l'image des cris de joie de certaines croupières. ''Tous les employés l'ont touché. C'est bien plus qu'une mappemonde, c'est un symbole'', nous explique-t-il avant d'enchaîner. ''Cela fait 20 ans que je viens ici, c'est comme une famille. On venait tout le temps jouer avec les copains''.
Une famille, un terme qu'utilise également Maryline, la physionomiste du cercle (accueil et sécurité). ''Cela faisait quatre ans et demi que je bossais ici et je ne me suis jamais dit que j'allais vivre ça. C'était une grande famille, que ce soit du côté des joueurs ou du côté des employés'', raconte-elle. Elle continue : ''C'est horrible. On a l'impression d'aller au crématorium et de disperser nos cendres. Ce n'est pas normal, on aurait pas dû fermer. Il n'y avait aucune raison puisque l'on a toujours été réglo. L'Etat n'a d'ailleurs absolument rien trouvé. C'était juste une façon pour ne pas dépenser trop d'argent''.
Une page qui se tourne. L'aviation Club de France, crée au début du 20e siècle par un groupe d'aviateurs, n'existe définitivement plus. Cette fermeture laisse ses 213 employés en proie au chômage. Dans un contexte où les cercles ferment un à un leurs portes, il leur sera difficile de se reconvertir où de retrouver un poste. La solution ? ''Partir à l'étranger'', selon Maryline. Après la relocalisation des WSOPE à Berlin, la perte de l'EPT Deauville ou la disparition du Partouche Poker Tour, la France se sépare aujourd'hui des petites mains du poker.
