One Drop Extravaganza : Elton Tsang et son coach Mustapha Kanit reviennent sur une victoire à 11 millions
Le Big One for One Drop Extravaganza n'autorisait pas les joueurs professionnels à participer. Les observateurs présents à Monaco ont noté que l'absence de ceux qui ne gagnent actuellement leur vie qu'avec le poker avait participé à la création d'une atmosphère détendue. Pas d'autiste en table ni d'écouteurs à gogo mais une franche camaraderie entre ceux qui avaient obtenu l'autorisation d'en être de la part de Guy Laliberté.
L'argent et la pression qui va avec ne semble pas avoir non plus perturbé les joueurs de ce tournoi extraordinaire. Des joueurs pour la plupart inconnus du grand public. Vainqueur du tournoi pour 11.111.111 millions d'euros, Elton Tsang a enregistré le 3e gain de l'histoire du poker et s'il comptait déjà 500 000$ de gains en carrière depuis 2006, son pédigrée n'en faisait pas une figure du jeu. Tsang a l'expérience de ses 10 ans de poker et ce n'était clairement pas son premier rodéo. En témoigne cette vidéo de lui sur un cash-game en marge de l'Aussie Millions 2012.
Le joueur d'origine canadienne, et désormais établi à Hong Kong, a profité des conseils de Mustapha Kanit pour se catapulter vers la victoire. Alors qu'il approche les 8 millions de gains en carrière, le jeune italien a profité de l'événement monégasque pour coacher Mark Teltscher et Tsang, ce dernier ayant largement la priorité puisque Kanit lui a parlé à toutes les pauses.
PokerNews a partagé un moment avec les deux hommes pour en savoir un peu plus sur cet événement qui a dégagé plus de 4 millions de dons pour la fondation One Drop et sur cette victoire extraordinaire.
Tsang toujours dans le bon sens
Tsang a commencé l'ultime journée en remportant plusieurs pots contre le chipleader, Andrew Pantling. "Je me sentais vraiment bien, j'étais en pleine zone de confort. [...] J'ai touché du jeu et mes bluffs ont fonctionné. J'avais aussi une bonne idée de la dynamique de la table et tout allait vraiment dans mon sens", a confirmé Tsang qui a donc été briefé parfaitement sur le début de la finale. Une finale débutée à 8 joueurs pour 6 places payées.
Kanit confirme qu'ils ont parlé stratégie vis à vis de ce moment crucial du tournoi. "Nous avons beaucoup discuté à propos de l'entame de la finale. Il fallait savoir quand mettre la pression et quand il fallait ralentir", insiste l'Italien qui avait aussi décortiqué le profil de certains joueurs et leurs tendances de jeu. Kanit avait par exemple joué contre Pantling dans des tournois à 50 000€ et 100 000€ l'entrée.
"Nous avons parlé du style de jeu d'Andrew car c'est un des joueurs que je connaissais le mieux. [...] C'est un adversaire très dur à manoeuvrer car il est très agressif et ne se laisse pas faire non plus. Nous avions beaucoup d'informations et cela a tourné en notre faveur", s'est réjouit Kanit. Tsang en a profité pour mettre une grosse pression sur Pantling en début de Jour 3.
"Il me disait de mettre la pression au maximum pour profiter de la bulle. j'ai vraiment ouvert mon jeu et j'ai commencé à relancer, relancer, relancer, relancer, relancer", ajoute Tsang qui a conquis son coach.
"Je suis vraiment impressionné par son jeu. Je suis impressionné par la manière dont il a géré la Table Finale et je suis impressionné par la manière dont cela s'est déroulé", ajoute Kanit avant de préciser que le duo "a travaillé dur". "Nous n'avons pas compté les heures de préparation, nous étions mieux préparés car nous avons plus travaillé que les autres", termine le Transalpin.
La préparation
Quelques joueurs professionnels n'ont délivré leurs conseils qu'au déjeuner précédent le début du tournoi. Déjà amis avant l'événement, Kanit et Tsang n'ont pas pris la préparation par dessus la jambe. Kanit s'est rendu en Asie deux semaines avant le rendez-vous de Monaco.
"Là bas nous avons fait des séances de review. Je lui avais envoyé des vidéos, des mains et nous avons parlé stratégie. Nous avons beaucoup parlé de poker et à chaque pause nous étions ensemble. Nous avons vraiment mis beaucoup de travail dans ce tournoi", explique Kanit à qui Tsang rend hommage. "Il a été un très bon entraineur et m'a donné beaucoup de bons conseils. Je ne joue pas trop de tournoi normalement mais j'en avais fait beaucoup à l'époque, je connaissais quelques stratégies mais c'était important d'avoir un confident entre les mains, je crois que cela a été une aide très précieuse", ajoute Tsang.
"Il a vraiment bien joué. On ne peut pas dire autre chose qu'il a vraiment crush ce tournoi. Il a déroulé la table finale sans prendre de risque stupide. Il a vraiment assuré, ses adversaires n'avaient aucune chance", indique Kanit avant de revenir sur l'aide qu'il a fournie à Mark Teltscher. Ce dernier avait engagé Timofey "Trueteller" Kuznetsov qui n'a finalement pas pu venir et le Russe a demandé à Kanit d'aider Teltscher.
"Trueteller est un bon ami donc j'ai demandé à Elton si cela ne le dérangeait pas et j'ai donné quelques conseils à Mark. C'était vraiment pour donner un coup de main car Timofey a eu un empêchement", confirme Kanit.
Froid comme la glace
Beaucoup d'argent était en jeu lors de l'ultime journée, notamment les deux premières places qui offraient un énorme gain. Tsang a toujours paru en contrôle et confortable avec les enjeux. "J'ai l'habitude de joueur high stakes donc c'est OK, c'est presque normal pour moi", sourit Tsang quand on lui demande si jouer pour 11 millions est impressionnant.
"J'avais vraiment confiance en moi mais cela reste le poker, vous avez besoin de toucher quelques cartes et quelques flops non ? Sur les tournois vous ne pouvez compter que sur vos qualités mais j'ai été très heureux des cartes que j'ai reçues", poursuit le vainqueur qui n'a donc pas fait que jouer ses cartes.
Tsang n'a en effet pas eu tellement de showdowns que ça, notamment lors de la phase où il a ouvert une tonne de coups et beaucoup 3-bets ses adversaires. "Je pense que j'ai fait des bons coups, tout est allé dans mon sens donc j'étais très heureux", a déclaré Tsang.
Calme et posé lors de presque tout le tournoi, Tsang a particulièrement montré ses émotions lors du Heads up. Chipleader, il se retrouve à tapis avec deux paires contre top paires à la turn, soit à une carte de remporter plus de 11 millions... mais la rivière amène un partage !
"Je pensais vraiment que la gagne était là, je pensais que c'était le moment où la victoire était acquise. Il avait 3 cartes puis 6... et il touche ce 7x..." s'excuse Tsang qui a donc lâché tout l'air contenu dans ses poumons à ce moment là.
No Pros
L'événement était spécial du fait de l'absence de professionnels. Tsang nous a confié avoir joué des heures et des heures mais l'entrepreneur ne se considère que comme un amateur très passionné. "Je dirige plusieurs business, dans le domaine de l'informatique et des logiciels, des agences de voyage, des sociétés liées à Internet. J'investis aussi dans différentes sociétés, c'est très diversifié", explique celui qui est né au Canada.
"Avant, je jouais beaucoup plus. Depuis un ou deux ans j'ai ralenti et je me suis concentré sur mes affaires", indique Tsang qui n'avait pas joué en 2016 avant le One Drop. Le vainqueur ne souhaite d'ailleurs pas entrer dans la controverse entamée par les pros comme Jason Mercier, déçus de ne pas pouvoir en être. "J'ai peu à dire sur ce sujet. Je pense que c'est bon que des gens non professionnels aient l'opportunité de prendre un shot sur un si gros événement", lâche-t-il avant de demander à Kanit son avis.
"Si tous les pros étaient comme moi (au niveau du comportement, ndlr), les professionnels auraient eu le droit de jouer", explique celui qui se serait inscrit s'il l'avait pu.
Kanit reste un joueur fun aux tables, pas un pro qui rabaisse ses adversaires ou leur fait la leçon. Souriant et souvent à la recherche du bon mot, jouer avec Kanit n'est jamais ennuyeux. "Je vis l'expérience et je m'amuse en jouant. Si j'ai l'opportunité de parler, de rigoler et d'apprécier ma journée à la table, je ne vais pas m'en priver", ajoute l'Italien qui a aussi la bankroll pour être détaché du tournoi qu'il joue à chaque fois, même sur les plus gros High rollers.
"Le droit d'entrée est si important que tout le monde prend cela au sérieux, cela peut expliquer pourquoi il n'y a pas de discussion à la table", indique Kanit pour expliquer l'absence des businessmen sur les tournois à 50.000€ et 100.000€. "Les hommes d'affaire ne veulent pas cela. Ils veulent s'amuser et profiter au maximum du moment. [...] Pour être honnête ils ont raison. Si la majorité des pros étaient comme moi nous aurions pu jouer, ce n'est pas à propos de l'argent mais de l'expérience de jeu", avance Kanit avant de parler du manque de temps des joueurs récréatifs.
"Quand vous vous retrouvez à la table d'un gars qui prend 5 minutes par décision et vous dévisage non-stop pour chaque street, cela ne peut pas être un plaisir", ajoute Kanit, définitivement pas fan du tanking.
"L'action a été très rapide, chacun a joué rapidement et les joueurs prenaient de 20 à 30 secondes au maximum", précise Kanit, persuadé que cela a fait la différence : "Ils se sont amusés, il y avait des discussions, des rires [...] Et pourtant ils ressentent la pression, mais l'atmosphère était réellement très différente, on ne voit pas ça sur les grands tournois et je me suis vraiment éclaté aussi".
De l'interdiction des pros à un format sur invitation?
Si les professionnels étaient bannis sur le tournoi à 1 million l'entrée, ils ont pu participé au tournoi à 100 000€ du lundi. Tom Marchese, Mikita Badziakouski et Kanit ont joué tout en représentant au mieux leur cause. Finalement runner-up, Badziakouski a ainsi montré qu'il pouvait être un joueur qui parle et qui s'amuse. Ce trio s'est fondu dans la dynamique et a rempli le contrat, personne ne s'est étonné de leur présence.
Grâce à cela, Guy Laliberté pourrait inverser sa décision d'interdire les pros et changer ses One Drop en festivals uniquement sur invitation. "J'espère vraiment car quand j'y repense je n'ai rien fait de mal et je n'ai pas eu le droit de faire ce tournoi. Quand j'ai participé au One Drop, chaque homme d'affaire avec qui j'ai été en table s'est amusé, à la fin du Jour 2, j'avais leur numéro de téléphone. Après je suis peut être un peu différent du pro typique", abonde Kanit avant de confier que l'heure était désormais à la fête. "On va partir célébrer tout ça et se mettre une mine", lui a répondu Tsang avec un grand sourire avant de lui donner un énorme hug dans la foulée.
* Photos by Neil Stoddart.