Psychologie du poker : L'effet papillon
La psychologie consiste, au moins en partie, à nous apprendre à gérer les petits et les gros coups durs de la vie. Les techniques pour ce faire sont nombreuses et la mise en perspective en est une particulièrement efficace. Prendre du recul et redonner à vos problèmes leur juste dimension. Voici comment faire.
L'effet papillon sert de métaphore à la vie dans un monde chaotique, incontrôlable et imprévisible. Plus spécifiquement, il suggère que de petites causes peuvent avoir d'énormes conséquences. L'exemple couramment utilisé est celui d'un papillon volant de ses petites ailes au-dessus du Japon et entraînant un infime déplacement d'air qui finira par déclencher un ouragan aux Etats-Unis la semaine suivante.
Application à une table de poker
Une modification mineure à un endroit entraîne des changements majeurs, plus tard ou ailleurs. En voici un exemple de poker très concret. Nous sommes à la fin du Day 1 d'un gros tournoi. Avec JJ, vous êtes prêt à sur-relancer à tapis la relance initiale d'un de vos adversaires mais le gros tapis de la table vous brûle la politesse et fait 'all in' avant. Vous jetez vos Valets et maudissez votre manque de chance tandis que le gros stack montre 9-9 et bat l'autre type qui avait A-K. Vous auriez gagné ce coup. Et vous apprenez en plus que le gros stack a monté ses jetons tout à l'heure en touchant trois paires d'As quand ses adversaires avaient les Rois ou les Dames. C'est juste un type qui a eu de la chance mais que vous allez devoir vous coltiner, maintenant qu'il relance tous les pots juste à votre droite.
Ce n'est pas sa manière de jouer qui vous ennuie, c'est toutes ces paires d'As avec lesquelles il s'est trop facilement construit son gros tapis. Les As étaient des papillons; Et l'ouragan est maintenant assis à votre table. Du calme. Vous vous rappelez de tous ces petits tapis dont vous avez tour à tour récupéré les jetons? Et bien, rappelez-vous que ce sont eux les premières victimes de cet effet papillon.
Le truisme '688/687'
Voici donc mon outil spécial 'gestion de bad beats'. Il a résisté à l'épreuve du temps et utilise le langage aléatoire et chaotique de l'effet papillon. Je l'appelle le truisme "688/687". Vous venez de remporter un tournoi à 688 joueurs, on vous prend en photo et votre récompense vous est remise sous forme de jetons du Bellagio. Pas besoin de soutien psychologique — félicitations. Maintenant bougeons l'engrenage d'un seul cran et voyons ce qui se passe : vous avez sauté de ce tournoi il y a déjà 10 heures, la table finale se joue sans vous et un autre est couronné à votre place. Que s'est-il passé ? Un seul joueur a été retiré de la liste des participants. Et passer de 688 à 687 joueurs a bouleversé les résultats de chacun des autres inscrits.
Le dernier inscrit modifie complètement la configuration d'un tournoi. Les cartes distribuées ne sont pas les mêmes à la table qui compte un joueur en plus. Les tables qui comptent plus de joueurs cassent souvent un peu plus rapidement. Les joueurs que l'on bouge se voient attribuer les sièges libres dans un ordre différent. Ce 'fish' ne vous donne pas ses jetons dans le 'tournoi à 687' parce qu'il est assis à une autre table. Dans le 'tournoi à 688', vous aviez ces jetons et ce sont eux qui vous ont permis de passer ce fameux bad beat puis de finalement remporter la victoire.
Il y a beaucoup de papillons au Japon
Non, je ne dis pas que tout est affaire de hasard ou que la chance compte plus que le talent à une table de poker. Mais j'affirme en revanche que certaines des mains qui sont jouées à d'autres tables auront une énorme influence sur la manière de jouer vos propres mains plus tard dans le tournoi.
On se moque toujours du 'donkey' qui arrive en position de Chipleader à la table finale sans jamais se rappeler de tous ces autres donkeys qui nous ont donné tous leurs jetons, et par conséquent l'opportunité d'abattre ce donkey-là en finale.
Où est-ce que je veux en venir ?
A tout moment, des événements aléatoires se produisent loin de votre table, sur lesquels vous n'avez aucun contrôle, et qui ont autant d'influence sur le résultat final que votre manière de jouer. Donc, lorsque vous vous prenez un bad beat ou un setup, la meilleure chose à faire pour ne pas péter un plomb me semble être de vous lever de table et de vous éloigner tranquillement en vous rappelant deux choses:
Premièrement: "7-2 dépareillés bat une paire d'As 12% du temps."
Deuxièmement: "Il y a beaucoup de papillons au Japon."
Ndr : Tous nos articles psychologiques sont disponibles dans notre rubrique "psychologie du poker". N'hésitez pas à aller y jeter un coup d'oeil!