Rake et poker : est-il possible d'avoir un poker régulé ET profitable ?
Alors que la fronde des joueurs Français contre un rake trop élevé, qui s'est manifestée notamment par une opération "sitting out" sur le site PokerStars.fr le dimanche 4 juillet 2010, a connu un succès retentissant dans la communauté du poker en ligne Français, celle-ci a eu un écho inattendu, voire inespéré, à l'échelle internationale.
A tel point que le forum 2+2, le plus gros forum de poker au monde, a vu un fil de discussion de plus de 25 pages se développer sur le sujet. Forts du soutien de joueurs aux quatre coins du monde et d'un post de la star américaine du jeu Barry "The Bear" Greenstein lui-même, certains parlent même d'opération "sitting out" à l'échelle mondiale.
Afin de recentrer le débat sur le fond du problème, cet article aborde la question d'un rake (prélèvement effectué par les sites de poker) équilibré, qui permette à la fois de financer les campagnes marketing, mais qui permette aussi aux joueurs de pouvoir être gagnants, à la condition qu'il soient assez talentueux.
La première partie de notre discussion sur le rake est disponible ici :l'abus de rake nuit gravement à la santé. Vous pouvez retrouvez le comparatif complet des structures de rake salle par salle en cash game et en tournoi sur notre forum.
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Le poker est-il vraiment profitable ?
Notons avant toute chose que le problème n'est pas le rake dans l'absolu, celui-ci est nécessaire pour que la salle se rémunère et finance les campagnes marketing afin d'attirer les nouveaux joueurs, débutants ou récréatifs, qui permettent aux joueurs réguliers de dégager un profit. Mais de savoir quel est l'équilibre entre un rake utile et nécessaire à la survie du jeu et un rake nuisible, voire létal, à celui-ci.
Dans son ouvrage Professional Poker*, Mark Blade pose la question : "Le poker est-il vraiment profitable ?". Certes, la première édition de ce livre date de 2005 et il ne traite que du limit Texas hold'em dans les casinos en dur, mais il constitue tout de même une bonne référence. Mark Blade part du postulat qu'un joueur professionnel doit gagner 20$/heure sur une table de limit Texas hold'em aux blinds 10$/20$. Si l'on considère le rake comme le onzième joueur de la table, celui-ci gagne 12$ par heure contre chaque joueur. Voici comment se décompose les gains à la table :
Joueur | Moyenne par heure |
Rake (+Pourboires) | 150$ |
Pro 1 | 20$ |
Pro 2 | 15$ |
Semi-pro | 10$ |
Break-even | 0$ |
Léger Perdant 1 | -5$ |
Léger Perdant 2 | -10$ |
Léger Perdant 3 | -15$ |
Mauvais Joueur 1 | -30$ |
Mauvais Joueur 2 | -35$ |
Le Fish | -100$ |
Vous rêviez de devenir le prochain Phil Ivey ? Perdu, devenez casinotier ! Les petits génies des mathématiques n'auront pas de difficultés à faire le calcul équivalent pour les tables de no-limit hold'em en ligne en BB/100 (big bets pour 100 mains) étant donné la quantité d'informations disponibles dans les trackers, ces logiciels d'aide à la décision qui enregistrent chacune des actions ayant lieu sur une table de poker. De plus, le rapport rake/gains peut être différent selon que vous jouiez sur un site où le rake est calculé selon mode "hand dealt" ou "contributed" (à savoir selon le nombre de mains distribuées ou selon la participation effective de chaque joueur dans le pot raké). Dans le cas du rake contributed, le style de jeu intervient. Un joueur loose agressive, rentrant dans plus de pots, paye plus de rake pour un taux de gains pas nécessairement plus élevé.
La rupture du "contrat social" entre les joueurs et les rooms de poker
Jusqu'à présent l'ensemble des sites de poker appliquaient la politique du "No flop no drop". Si tous les joueurs impliqués dans une main de poker se couchent face à une mise avant de voir le flop, celui qui avait misé le dernier remportait le pot sans payer de rake. Aujourd'hui, ce n'est plus cas sur certains sites ayant l'agrément de l'ARJEL. Vous êtes de grosses blinds, tout le monde passe, vous payez quand même.
PokerStars.com étant le site leader du marché, celui avec le plus de trafic et l'offre de poker la plus large (en tournois comme en cash game), celui censé être le plus à l'écoute de ses joueurs, les joueurs Français ont cru qu'il en serait de même avec sa version franco-française. Mal leur en pris, celui-ci a pratiqué la plus forte augmentation du rake constatée après la régulation du marché, au delà même de la taxe de 2% imposée par la loi sur la régulation des jeux en ligne. Voici la raison pour laquelle ce site a été la première victime de "l'opération boycott".
Avant l'application des nouvelles structures de rake, le site PokerStars.net appliquait la règle suivante sur les tables de cash game de 6 à 10 joueurs No limit Hold'em à 100€ de buy-in : 0.05€ prélevés pour chaque 1.00€ (soit 5%) dans le pot avec un maximum de 2.00€ par pot. Aujourd'hui la règle est la suivante : 2% de la valeur du pot préflop avec un maximum d'1€ si aucun joueur ne voit le flop. Sur les tables de 0,05€/0,10 et les limites supérieures, pour 5 à 9 joueurs présents à la table, le prélèvement étant de 0,01€ pour 0,13€ (soit 7,69%) pour un maximum de 3,50€.
Le joueur "Tib", professionnel du poker en ligne depuis 2009, déclare ainsi dans une interview donnée à igamingfrance : Au poker, "on peut réduire le hasard au minimum et se retrouver gagnant à la fin de chaque mois. Pour information, sur les 18 mois joués professionnellement, aucun n’était perdant et tous d’une somme allant de 1000€ à 3000€. [...] Après quelques simulations, il apparaît que les revenus que j’ai pu dégager en 2009 égalent la taxe de l’Etat. Donc en jouant sur un site agréé, le mieux que je puisse espérer est de ne dégager aucun profit".
Les "Froggies" jettent un pavé dans la marre
Qu'il s'agisse de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne en France, des structures de rakes fantaisistes mises en places par certaines rooms .fr ou la fronde lancées par l'ensemble des joueurs de poker en ligne, (quelque soit leur site préféré, leur forum de prédilection ou la limite où ils grindent intensivement), ces trois éléments constituent une première mondiale dans le monde du poker en ligne.
A tel point que Barry "The Bear" Greenstein**, l'un des joueurs les plus respectés et respectueux du poker international intervient lui-même, sous le pseudo « barryg1 », dans un fil de discussion sur le forum 2+2, le plus gros forum de poker au monde. Parmi les points qu'il soulève, celui-ci :
"L'une des inquiétudes que j'ai dans mon combat pour la régulation du poker aux Etats-Unis est que nous parlons aux politiciens des milliards [de dollars] que cela rapporterait, mais au final, tout cet argent serait prélevé dans les poches des joueurs. Peut-être que l'efficacité de cette grève peut être utilisée comme exemple afin que les prélèvements soit limités quand PokerStars aura une licence pour opéré aux Etats-Unis".
L'exemple Français semble avoir donné des idées à certains, puisque l'on commence même à parler d'un boycott général (sur PokerStars.fr et PokerStars.com) pendant quelques heures afin de manifester le "ras le bol général" d'un rake trop élevé.
* Mark Blade, Professional Poker, The Essential guide to playing for a living, United States, Brownfield Publishing, première édition en 2005, pp 70 et suivantes.
**Barry Greenstein milite activement au sein de la Poker Player Alliance (PPA), association de joueurs et de différents acteurs du poker mise en place suite à l'adoption de l'Unlawful Internet Gambling Enforcement Act (UIGEA) aux Etats-Unis, signé par le Président Bush le 13 octobre 2006.
Où jouer sur une salle de poker légale en France ?
L'Autorité de Régulation des Jeux en Ligne a dressé les 8 et 25 juin une liste de treize salles de poker sur Internet disposant d'un agrément en France. partypoker.fr, everestpoker.fr et bwin.fr sont parmi celles-ci. Consultez la liste des rooms de poker légales en France sélectionnées par Pokernews.