Full Tilt Poker : rumeurs et tremblements
Étant donné l'attente compréhensible autour des atermoiements de la salle de poker online ex-N°2 dans le monde Full Tilt Poker, PokerNews vous donne toutes les informations qui nous parviennent afin que nos lecteurs soit constamment tenus au courant de la situation.
Face au silence des principaux protagonistes, diverses "informations" circulent actuellement sur le net, et il nous semble important de les passer au crible afin de démystifier certaines rumeurs en examinant de plus près la solidité de leur fondement et la crédibilité de leur vecteurs de propagation.
888 et Party Poker intéressées par Full Tilt ?
Vendredi 18 août nous relayions la nouvelle d'un deuxième procès "class action" intenté par des joueurs au Canada alors qu'une première affaire similaire est toujours en cours d'instruction aux USA. Nous avons mentionné aussi certaines rumeurs concernant l'identité des investisseurs potentiels de Full Tilt Poker, qui jusqu'à preuve du contraire continue de négocier pour le rachat de 51% des parts de la poker room.
La rumeur en question fait état d'un intérêt de certains sites concurrents pour Full Tilt, citant 888 et le groupe Bwin-PartyPoker comme étant les mieux placés pour racheter la salle de poker online. Étant donné les informations dont nous disposons, ce bruit-qui-court ne semble être rien de plus qu'un coup de pub à bon compte, sans aucun égard pour les centaines de milliers de joueurs qui attendent de vraies informations positives pour continuer à espérer un déblocage prochain de la situation.
C'est le site canadien Canadian-poker.ca qui a lancé la rumeur via son "porte-parole" Leon Daniels."J'ai mentionné par le passé que des compagnies telles que 888 seraient intéressées dans le rachat de Full Tilt Poker" déclare ainsi en substance Daniels dans un communiqué de presse repris par des dizaines des sites internet.
Le langage utilisé par Daniels tout au long de son communiqué laisse songeur, notamment l'antagonisme patent et caricatural entre 888 et Full Tilt : "888 a une des plus gros salles de poker online au monde, et ils ont perdu nombre de clients au profit de Full Tilt, salle opérant illégalement. Maintenant que Full Tilt n'est plus active sur le marché canadien, il semble logique que 888, une compagnie stable et solide, profite de cette opportunité pour regagner des joueurs au Canada, même si cela signifie de prendre sous sa responsabilité les fameuses dettes de Full Tilt".
Non seulement les propos dithyrambiques de Daniels, dont le site est majoritairement sponsorisé par (oh surprise) 888 Poker permettent de douter de leur objectivité, mais ils reprennent le même ton enjôleur employé pour d'autres communiqués du même tonneau. Daniels avait ainsi déjà pronostiqué après le Black Friday que 888 ou Party étaient "les compagnies les mieux placées pour prendre la place d'Everest Poker en tant que sponsor principal des WSOP".
Les propos de Daniels sont en outre largement contredits par les principaux intéressés ! On ne sait pas grand chose de l'identité des mystérieux investisseurs en discussion avec Full Tilt, mais on dispose tout de même de quelques informations qui indiquent l'exact contraire de ces supputations.
Primo, l'intérêt des investisseurs se porte essentiellement sur les éléments irlandais, britanniques et européens de Full Tilt. Nulle part il n'est fait mention du Canada comme d'une cible substantielle. Bien que la KGC (Kahnawake Gaming Commission), opérant nombre de licences de jeux depuis le Québec, ait récemment prolongé la licence "secondaire" à Full Tilt Poker, cela ne saurait être une indication d'un intérêt particulier pour ce marché. La KGC opère des licences pour le monde entier et s'oppose en outre régulièrement au gouvernement canadien à travers divers litiges juridiques ce qui n'aiderait pas spécialement une ré-implémentation de Full Tilt dans ce pays. Full Tilt Poker a surtout utilisé cette licence, attribuée en juillet 2010, pour profiter des serveurs de la KGC afin de mieux servir ses clients nord-américains.
Secundo, les investisseurs en question viendraient du monde de la finance, et non pas de la concurrence directe de Full Tilt. C'est ce qu'a indiqué Jeff Ifrah, représentant légal de FTP, à eGamingReview dans un des rares entretiens discutant du sujet. Début juillet, on apprenait ainsi que Ifrah confirmait que ces investisseurs "proviennent du secteur financier et ne sont pas, comme on a pu spéculer ailleurs, une autre compagnie de jeux en ligne". On peut difficilement être plus clair. Jeff Ifrah précise même : "ils ne font pas partie de nos concurrents, et à ma connaissance ce sont leurs premiers par dans le secteur des jeux en ligne".
Dans ces conditions il serait naïf d'accorder beaucoup de crédit au "scoop" de Leon Daniels, dont chaque intervention pour dispenser ses lumières s'accompagne de nombreuses publicités... pour 888.
Le fisc américain s'intéresse-t-il aux bankrolls des joueurs américains ?
La deuxième rumeur apparue cette semaine sur internet concerne l'intérêt potentiel des services fiscaux de l'IRS (Internal Revenues Services), organisme collectant taxes et impôts pour le gouvernement américain, pour les bankrolls bloquées des ex-joueurs de Full Tilt Poker.com.
Plus précisément, le site PokerNewsReport a émis une hypothèse selon laquelle les joueurs américains seront taxés rétroactivement sur leurs gains selon une règle fiscale appelée "constructive receipt". Bien que "Full Tilt Poker n'ait pas les moyens financiers de rembourser les joueurs" peut-on lire, "l'Internal Revenue Service (IRS) va quand même chercher à prendre son dû (...), les fonds crédités sur leur compte étant considérés comme 'constructive receipts' - et donc imposables."
Il faut savoir que ces fameux 'constructive receipts' concernent des revenus "potentiels" non encaissés en cash mais disponibles, cette règle ayant été mise en place essentiellement pour déterminer, par exemple, si le bonus imposable d'un employé ou actionnaire attribué en fin d'année mais encaissé l'année suivante doit être taxé sur l'année de l'encaissement ou celle de l'attribution. Pour l'anecdote, ce problème était notamment apparu devant la 'Tax Court' des USA lorsqu'un joueur de foot américain avait remporté une Corvette pour sa performance le 31 décembre, mais ne l'avait retirée que quelques jours plus tard....
En résumé, ce fameux point de règlement fiscal est intéressant mais ne change fondamentalement rien aux problèmes actuels des joueurs américains dont la bankroll est bloquée sur Full Tilt. Bien sûr, l'IRS peut à tout moment décider d'une taxation rétroactive des gains des joueurs de poker, mais tout comme en France dans l'état actuel des choses, seuls les joueurs pros déclarant le poker comme activité principale sont imposables sur leur revenus du poker.
Le "constructive receipt" n'amène rien de neuf à la situation actuelle et il n'y a pas plus de raison de paniquer pour les joueurs de fulltiltpoker.com que de s'enthousiasmer à l'idée d'un intérêt d'investisseurs fantômes pour la salle de poker online.
Démission du directeur marketing de Pocket Kings Ltd
Révélée par le site QuadJacks ce vendredi 19 août, la démission de Lothar Rentschler, Chief Marketing Officer (directeur du marketing) de Pocket Kings Ltd. (entreprise propriétaire de Full Tilt Poker basée en Irlande) n'est désormais plus une rumeur. PokerNews a en effet pu confirmer cette défection via email avec l'intéressé.
Rentschler travaillait pour Pocket Kings depuis plus de trois ans et son départ de l'entreprise "ne fut pas facile" pour lui comme il l'explique dans un email confirmant sa démission. "Nos mains étaient liées au département marketing et à la fin toute communication a été stoppée. Le futur verra, je l'espère, une meilleure structure, mieux organisée, et un retour au business habituel. Voir la marque FTP s'effondrer de cette façon, cela fait très mal".
Les spéculations vont bon train concernant les véritables raisons de cette démission, qui vont du changement de cap personnel à une vaste opération de réorganisation de Pocket Kings, soit pour annoncer un démembrement complet suite à la vague de licenciements chez Full Tilt Poker aux USA, soit pour préparer l'entreprise à son rachat par les nouveaux investisseurs.
Cependant un consensus semble se dégager pour estimer que Rentschler ne lâchera aucune info supplémentaire et que cette décision est plus une nouvelle orientation professionnelle pour lui, plutôt qu'un signal des investisseurs qui annonceraient officiellement leur reprise de la société avant d'opérer de tels changements.
Silence prolongé de Full Tilt et des autorités
Comme pour les précédentes nouvelles, ces rumeurs et la nouvelle du démantèlement continu des forces vives de Pocket King et de Full Tilt n'indiquent aucune information supplémentaire quant à l'évolution de la situation dans un sens ou dans l'autre.
Avec l'approche de la date butoir du 15 septembre (pour rappel la décision de l'AGCC concernant la licence de Full Tilt sera prise AVANT cette date) il nous semble légitime de tenir nos lecteurs de la moindre information disponible, en particulier quand ces dernières ne sont que des spéculations à bon compte. Nous laissons nos lecteurs juges de notre démarche mais quoiqu'il en soit nous estimons important, au vu des enjeux et de l'attente suscitée, de faire le tri entre le bon grain et l'ivraie parmi les "news" qui sortent au compte-gouttes sur cette affaire.
Force est de constater cependant que le mutisme des parties concernées, de Full Tilt à l'AGCC en passant par l'ARJEL, reste le principal moteur de telles spéculations. Il faut bien reconnaître que toutes ces entités auront bien du mal à justifier leurs manquements tout au long de ce fiasco, l'heure de rendre des comptes approchant à grands pas.
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