Loi jeux en ligne : le Sénat fait le bilan de trois ans de régulation
Mercredi 17 avril 2013, la Commission des Finances du Sénat a tenu une table ronde visant à faire le "Bilan de l'ouverture des jeux en ligne, trois ans après", dont le compte rendu est disponible en ligne.
Sous la présidence de Mme Marie-France Beaufils, cette table ronde a réuni plusieurs intervenants du monde du jeu en ligne : Hervé Cacheur, président de JOAONLINE, Xavier Hürstel, directeur général du PMU, François Trucy, sénateur et président du Comité consultatif des jeux (CCJ), président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), Gilbert Ysern, directeur général de la Fédération française de tennis (FFT), et Patrick Raude, directeur de la régulation et des affaires européennes de la Française des jeux.
Une régulation des jeux en ligne dans l'ensemble réussie
Dans l'ensemble, les intervenants sont d'accord pour reconnaître le succès de la loi de 2010. Servant depuis de modèle dans d'autres juridictions, le jeu illégal (en dehors des casinos en ligne non régulés) est devenu marginal. Concernant la protection des joueurs et la lutte contre l'addiction, l'ouverture du marché n'a pas provoqué d'explosion du nombre des cas problématiques.
Jean-François Villote est le premier à s'exprimer : "En 2010, l'objectif du législateur, qui en confia en partie la réalisation à l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), était de faire basculer l'offre illégale qui existait sur Internet vers le secteur légal, sans que cette initiative s'accompagne d'une explosion de la demande, avec les risques d'addiction, de jeu pathologique que cela pouvait entraîner.
Quel bilan tirer, près de trois ans après l'adoption de la loi ? Le marché, ouvert à la concurrence, compte 21 opérateurs, qui gèrent 32 agréments. La situation n'est cependant pas la même sur tous les segments : c'est sur les paris sportifs et le poker que la concurrence est la plus forte. Avant l'ouverture, la Française des jeux et le PMU, qui bénéficiaient d'un monopole, recueillaient 650 millions d'euros de mises, et l'on évaluait à plusieurs milliards d'euros celles qui circulaient sur le marché illégal, sans transparence, régulation ni contrôle. En 2012, le montant des mises enregistrées par les opérateurs légaux, régulés, était passé à 9,5 milliards d'euros. Entre 2011 et 2012, cependant, l'évolution a été faible, le chiffre global, soit 1 % d'augmentation masquant de fortes disparités selon les secteurs : 19 % de progression pour les paris sportifs, 9 % pour les paris hippiques, tandis que le poker en ligne recule - et continue de régresser au premier trimestre, de 13 % par rapport au premier trimestre 2012".
François Trucy, qui était rapporteur de la loi de 2010 lors de son examen par le Sénat, souligne l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir : "Les gouvernements successifs ont jusqu'à présent prêté plus d'attention à la tonte des moutons qu'au troupeau lui-même. Ils devraient à l'avenir faire porter leurs efforts sur la lutte contre l'addiction. […] La tâche n'est pas achevée. Il est urgent de donner de l'attractivité à ce marché, sous peine de faire perdre des parts de marché à ses principaux acteurs, et donc des recettes à l'Etat".
Un modèle qui n'est pas viable économiquement sur le long terme
Xavier Hürstel, directeur général du PMU, pose le problème sous un angle plus pragmatique : "La rentabilité des opérateurs est une vraie question. Les chiffres qu'a cités Jean-François Vilmotte sont éloquents : 183 millions de pertes d'exploitation, alors qu'ils s'acquittent de 327 millions de taxes. Il n'y a pas lieu de dicter au législateur le niveau du taux de la taxe, mais l'assiette pourrait être utilement modifiée, en retenant désormais le produit brut des jeux.
Au-delà, les opérateurs ont aussi besoin de trouver des produits à marge, tels les tables de poker internationales ou les skill games, ou encore les paris plus spéculatifs, pour une rentabilité immédiate. Ce serait aussi le moyen de préserver les recettes fiscales, sachant que certains produits s'étiolent avec le temps
".Face à ce constat, et rappelant que si 5% des joueurs représentent 90% des mises et qu'1% des joueurs représentent à eux seuls 50% des mises, les intervenants soulignent un autre problème. Si la grande majorité des français jouent sur les plateformes régulées, il suffit qu'une petite minorité de joueurs "s'évadent" (exil et/ou jeu illégal) pour faire vaciller le système.
Hervé Cacheur, président de Joaonline, revient sur les opérateurs ayant décidé de jeter l'éponge et sur la difficulté de trouver un équilibre financier : "Je partage assez largement les observations de M. Vilotte. Troisième opérateur de casinos en France, avec vingt casinos et un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros, nous sommes de ceux qui ont sagement attendu la mise en place d'un cadre légal pour démarrer. Depuis 2010, nous avons investi 6 millions d'euros dans l'activité. Mais se pose aujourd'hui pour nous un problème de modèle économique. Notre revenu est consommé pour 56 % par les taxes et prélèvements, pour 20 % par les coûts liés à la régulation, pour 40 à 50 % par les coûts de marketing..."
Le rapporteur général François Marc intervient alors : "On est largement au-delà de 100 %...", à quoi Hervé Cacheur répond : "Précisément ! Et je n'ai encore rien dit des salaires. Voilà qui nous porte à nous interroger sur les conditions économiques du marché et sa pérennité. C'est là un enjeu majeur. Et nos vues sont largement partagées par les autres opérateurs, sachant que notre déficit d'ensemble s'élève, on l'a dit, à 183 millions. Il existe 21 opérateurs sur le marché français ; c'est beaucoup, mais c'est pourtant 40 % de moins qu'avant 2012. Et l'on a vu que 60 % des opérateurs qui ont jeté l'éponge étaient des sociétés françaises, parmi lesquelles le groupe Tranchant, Amaury, Eurosport...."
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Bilan de l'ouverture des jeux en ligne en vidéo
L'intervention de Jean-Fançois Villotte, président de l'ARJEL, débute à 6'20''.
SEANCE, Table ronde de la commission des... par publicsenat