Poker USA : De SuperNova Elite à grinder online au Nevada
Mike Ziemba est de joueur de poker professionnel américain âgé de 28 ans. Jouant jusqu'à 24 tables à la fois sur PokerStars avant le Black Friday, il était alors Supernova Elite, le statut le plus convoité du poker en ligne.
Le Black Friday ayant entraîné la fermeture forcée des tables de poker en ligne aux Etats-Unis, Ziemba a dû s'adapter. Après unepremière partie où il raconte son expérience sur les tables online en Europe puis en live à Las Vegas après son retour aux Etats-Unis, Ziemba poursuit aujourd'hui en relatant son expérience de grinder online sur le récent marché régulé du Nevada.
Le Nevada et le poker en ligne post-Black Friday
Le poker en ligne post-Black Friday se résume pour Ziemba au seul marché du Nevada. S'il a débuté avec une petite bankroll qu'il a bien fait grossir, il s'inquiète de la viabilité à long terme de son mode de vie, si le nombre de joueurs n'augmente pas.
Les joueurs qui ''spew'' plusieurs buy-ins de façon hasardeuse sont plutôt rares. Néanmoins, “j'ai vu des gens écrire dans le chat 'je viens de perdre 5.000$ au craps, j'essaye de récupérer mon argent'” explique Ziemba. “Cela m'amuse”. “Nous avons besoin de plus de gens” ajoute Ziemba. “Si je continue de gagner et que mes adversaires sont gagnants, il faudra bien quelqu'un pour perdre”.
Et la présence de Ziemba est essentiel à Ultimate Poker et WSOP.com, les deux salles de poker en ligne opérant au Nevada. Selon PokerScout, la moyenne sur sept jours des deux sites est de 205 joueurs, dont 120 sur WSOP.com et 85 sur Ultimate Poker. De plus, ce chiffre est calculé en tant que “sièges occupés” et non en tant que “joueurs uniques”. Ainsi, Ziemba avec une moyenne de 10-12 tables à la fois, représente à lui seul 5% de la liquidité totale du Nevada. A titre de comparaison, pour représenter 5% du nombre moyen de joueurs sur sept jours sur PokerStars.com, qui est d'environ 22.000 joueurs, il faudrait trouver le moyen de jouer 1.100 tables à la fois.
Si la scène du poker en ligne n'est pas optimale à ce jour, Ziemba parvient à s'en sortir. Certains joueurs de poker en ligne s'appuient énormément sur les chiffres et joue le moindre petit avantage statistique à fond. Ziemba s'écarte quant à lui des standard et mélange différentes approches pour empêcher ses adversaires de s'adapter. Son but est de jouer de telle sorte qu'il ne révèle jamais sa main véritable.
“Vous pouvez toujours parler de ce qui est correct ou pas dans l'absolu, mais parvenir à pousser les autres à commettre des erreurs est l'essentiel dans ce jeu” affirme Ziemba. “Si vous pouvez gagner toutes les mains, pourquoi s'en priver. Les meilleurs joueurs se battent pour prendre les pots que les autres abandonnent. Ils font de votre vie un enfer. Il y a un certain plaisir à rendre la vie des autres joueurs infernale”.
En observant Ziemba, on se rend que ses adversaires ne 'ramasse' pas le pot, mais doivent batailler pour le gagner. J'ai remarqué qu'il ne cliquait jamais sur le bouton 'auto-fold'. Pas une fois. Il explique que les dynamiques changent en permanence et qu'on ne sait jamais à quel moment on pourra exploiter une faiblesse adverse, quelles que soient les cartes que l'on a en main. Ainsi, il 3-bet préflop avec une poubelle et fait passer le relanceur et celui qui avait payé sa relance.
Mike Ziemba, manager de sandwicherie à 16 ans
Même avant le poker, Mike Ziemba semblait destiné au succès. A l'âge de 16 ans, ayant gravi les échelons, il devient manager du restaurant Subway de ses parents. Parmi ses responsabilités, il devait établir les horaires de ses employés, gérer les commandes de nourriture, reporter ses résultats au siège et s'occuper des payes. “J'étais responsable de tout. Quand un des employés tombait malades, je devais aller travailler, au lieu de pouvoir rejoindre mes amis”.
Vivant sous le toit de ses parents et n'ayant pas de grosses dépenses, il a pu économiser un montant substantiel d'argent. Après avoir terminé le lycée, il a acheté une franchise Subway dans son voisinage avec son frère de 24 ans. A 18 ans, Ziemba comprenait que les gosses des écoles n'avaient pas beaucoup d'argent à dépenser pour manger, proposa un menu – réservé aux lycéens – à 5$.
“Nos ventes ont grimpé et nous avons fait plus d'argent grâce au volume des ventes. Je me suis retrouvé devant des représentants de Coca-Cola, leur montrant les statistiques de la croissance de mon magasin après la promotion. J'étais plutôt nerveux de parler devant tant de gens établis et ayant réussi à un si jeune âge”.
A la même période, Ziemba gagnait en multitablant en $.50/$1 et en $1/$2 online. Bientôt, non seulement ses gains au poker dépassaient son salaire, mais il gagnait plus d'argent que tout le magasin.
“Les gens ne me croyaient pas vraiment” plaisante Ziemba. “Les parties étaient très juteuses à l'époque. Il ne faisait aucun doute dans mon esprit que je pouvais vivre du poker, plusieurs de mes amis y arrivaient déjà”. Quand il a vendu ses parts de la franchise et partit pour Vegas, il se “rappelle des gens disant ‘Il reviendra au Michigan dans quelques années, il faut que jeunesse se passe et que cette une aventure à Vegas montre son immaturité' ”Mais l'aventure de Ziemba à Las Vegas fut une romance de six ans et malgré le Black Friday et son voyage en Europe, ce sont les amitiés de Vegas qui le retiennent là-bas.
Ziemba pense qu'il aurait mieux réussi financièrement s'il avait continué avec Subway et était devenu propriétaire de plusieurs franchises. Mais le poker et Las Vegas lui offrent quelque chose de plus important que l'argent : “Qu'est-ce que vous attendez vraiment de la vie ? J'ai choisi la liberté totale avec un peu moins d'argent, plutôt que de travailler comme un forcené sans profiter de ma famille, de mes amis et des bonnes choses de la vie”.
"Je n'ai jamais été stacké de ma vie et j'ai toujours trouvé cela idiot"
Ziemba dit ne pas savoir s'il souhaite devenir un star des high stakes – bien qu'il trouve amusant l'idée de gagner et perdre l'équivalent de plusieurs voitures par jour, sans réelles conséquences financières. En même temps, il dit ne pas rechercher l'adrénaline extrême que sont les 'nosebleeds', mais juste “battre le jeu”.
Lors du second anniversaire du Black Friday, Ziemba a commencé à s'inquiéter que le poker en ligne ne revienne jamais aux Etats-Unis. Son plan d'urgence ne prévoyait pas retourner dans le monde des affaires, mais plutôt de partir à l'étranger et de trouver des stackers – bien que l'idée d'être financer pour jouer le déconcertait.
“Je n'ai jamais été stacké de ma vie et j'ai toujours trouvé cela idiot” admet Ziemba. “Pourquoi avoir besoin d'être financé ? Ma logique était plutôt de dire que ‘s'ils ont besoin d'être financés, c'est qu'ils ne sont probablement pas assez bons’. Je le comprends dans le monde du poker live, car il faut des montants considérables pour jouer sur les hautes limites, mais pour le poker en ligne, je n'ai jamais vraiment compris. Pourquoi voudriez-vous donner tout votre argent à gérer à quelqu'un qui ne peut pas gérer son argent ? ”.
Les craintes de voir le poker en ligne disparaître à jamais des Etats-Unis se sont estompées en avril, avec le lancement d'Ultimate Poker. Ziemba fut parmi les premiers joueurs à s'inscrire et faire un dépôt. Le voir jouer une session est une expérience unique. Sa capacité à se concentrer et à faire des moves spécifiques sur plusieurs tables à la fois est assez remarquable. Dans une main, Ziemba voit le flop dans un pot 3-bet avec KxQx. Alors que le curseur de sa souris passe d'un écran à l'autre et ses yeux d'une table à l'autre, le flop apporte un Roi et deux petites cartes. Son adversaire mise.
“Ici, il va tout mettre avec quelque chose comme les Valets” explique Ziemba, qui relance son adversaire, tout en continuant à jouer sur deux écrans. Son adversaire hésite et juste avant que son temps soit écoulé, il envoie all-in. Ziemba, sûr de lui, clique sur le bouton 'call' et l'autre joueur dévoile JxJx.
Ziemba affiche un petit sourire, qui s'efface rapidement. Il faudra encore du temps avant que le poker en ligne retrouve sa gloire passée et que des packages à 10.000$ soient à nouveau distribués comme des T-shirts.
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