Livre Poker : Moneymaker, Ivey et la main des WSOP qui a changé l’histoire
Le coup d’envoi des World Series of Poker fait toujours remonter les souvenirs des précédents championnats du monde de poker et si une édition a profondément marqué l’histoire du poker et fait entrer ce jeu dans une autre dimension, c’est bien l’édition 2003.
L’Effet Moneymaker raconté dans un livre
Dans cet extrait du nouveau livre d’Eric Raskin intitulé The Moneymaker Effect: The Inside Story of the Tournament That Forever Changed Poker (L’effet Moneymaker : les dessous du tournoi qui a changé à jamais le poker), nous retournons au casino Binion’s Horseshoe à Las Vegas pour revivre une main cruciale entre Chris Moneymaker et Phil Ivey lors du Jour 4 du Main Event.
Avant le tournant du tournoi, les deux joueurs s’étaient retrouvés une première fois sur la même table lors du jour 2. Dans le livre de Raskin, l’histoire, le contexte et le déroulement de ce tournoi historique sont racontés à travers les témoignages de plus de 30 personnes présentes dans l’enceinte du Horseshoe à l’occasion du Main Event. En plus des explications de Moneymaker et de Phil Ivey, cette sélection contient les interviews des champions Phil Hellmuth, Howard Lederer, Dan Harrington, et Barry Greenstein, du directeur de tournois Matt Savage et du responsable des équipes de la télévision Dave Swartz.
Phil Ivey n’était pas encore une star
Chris Moneymaker : Ma table au Jour 2 comprenait Johnny Chan et Phil Ivey. Je ne savais pas qui était Phil Ivey. C’était un jeune homme avec beaucoup de jetons. Je veux dire, je l’ai vu s’asseoir et je me suis dit : « Oh, c’est bon. Il a beaucoup de jetons. Il ne paraît pas si fort. Je vais lui prendre. » C’était juste Phil Ivey. Ce n’était pas encore Phil Fuckin’ Ivey à ce moment-là.
Phil Hellmuth : Je pense que personne ne connaissait vraiment bien Ivey à cette époque. En 2003, il était jeune et pas encore connu. Je me souviens qu’il portait un maillot de basketball des Houston Rockets si ma mémoire est bonne. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le meilleur joueur du monde. Je ne sais pas s’il l’est ou pas. C’est certainement un des deux ou trois meilleurs de la planète mais personne ne l’appelait comme ça en 2003.
Phil Ivey : Je ne jouais pas vraiment bien. J’avais 27 ans, je jouais correctement mais j’étais toujours en phase d’apprentissage du No-Limit Hold’em. Comme tous les autres, j’avais une bonne chance de gagner mais je jouais seulement au feeling.
Moneymaker et le syndrome du monstre sous le lit
Moneymaker : J’ai lutté au Jour 2 et Johnny Chan me posait beaucoup plus de problèmes que Phil Ivey. J’étais au siège 7, Chan au siège 2 et Ivey deux sièges à ma gauche et je pense que les plans de Phil Ivey ont été contrariés par la position de Chan sur lui. Ivey n’a pas fait grand-chose ce jour-là mais Chan m’a maltraité.
A chaque fois que je relançais, il me revenait dessus ou il me poussait dans situation délicate. Quand je jouais face à des pros, j’avais toujours la sensation qu’ils avaient les As à chaque main ou qu’ils touchaient brelan à chaque main. Je savais au fond de moi que ce n’était pas le cas mais je jouais un peu avec le frein à main.
Un mec m’a dit lors d’un dîner un soir, « Tu as le syndrome du monstre sous le lit. Tu penses que tes adversaires ont toujours la meilleure main mais c’est rarement le cas. » Après avoir entendu ça, je me suis dit que nous avons tous deux cartes, que les pros ratent autant de tableaux que moi et que je devais arrêter de jouer fit or fold (toucher ou se coucher), ce que je faisais généralement.
Ivey : Moneymaker m’avait fait bonne impression quand nous avions joué ensemble au Jour 2. Je me souviens m’être dit : « Ce mec est agressif ». Nous n’avons pas joué ensemble longtemps mais il était impliqué dans beaucoup de pots. A ce moment-là, je savais qu’il avait une chance de gagner. Vous jaugez les joueurs qui ont une chance de gagner dans un tournoi et j’ai pensé honnêtement qu’il en faisait partie.
Un bluff qui change l’image de Moneymaker
Moneymaker : La main la plus importante que vous n’avez pas vu à la télévision, je l’ai jouée contre un gars nommé Chuc Hoang. Je ne me souviens plus exactement des blindes mais il relance et je paye. Check-check sur le flop. Le turn arrive et je n’ai absolument rien avec A3. Il fait une toute mise de 15.000 donc je décide de relancer de 15.000 puis il me revient dessus avec 15.000 supplémentaires.
A ce moment, je me dis : ok, il a main plutôt forte mais je suis un putain de mec borné et je pense que je peux le faire passer donc je mets 100.000 de plus. Et, il paye.
Ce n’est pas vraiment le spot dans lequel je voulais être. Je n’ai aucun out mais j’assume. J’espère juste que la carte à la rivière ne va pas trop changer le board car j’essayais de représenter une quinte et j’étais quasiment sûr qu’il avait un brelan ou deux paires.
Nous avions tous les deux des tapis assez profonds. J’avais encore 300.000 et lui 200.000 et ça aurait fait mal de partir à tapis et d'être payé. Sur la river, il décide de checker, je pars à tapis et il passe assez rapidement.
Je lui dévoile mon bluff. C’était purement sur le coup de l’émotion. J’étais tellement content de mettre sorti de ce piège dans lequel je m’étais mis et heureux d’avoir tous ces jetons. C’était stupide de montrer le bluff mais j’étais tellement fier de moi.
C’est à ce moment que j’ai senti les gens parler de moi en bien. Je n’étais plus le fish. Je suis fou et vous avez plutôt intérêt à me laisser tranquille.
Matt Savage : Une fois tombé à 10 joueurs restants – à une élimination de la table finale – nous avons réuni tout le monde sur la même table mais il n’y avait que neuf caméras sur la table pour voir les cartes. Deux joueurs ont donc dû en partager une. C’était bizarre.
Moneymaker : Je n’ai pris aucun risque à 10 joueurs restants. Je voulais faire la table finale. Je ne voulais plus jouer une main. Je m’en foutais d’être celui qui élimine un adversaire.
D’une part, je voulais juste aller me coucher. Il était 4h et j’étais exténué. Je ne voulais pas être impliqué dans des coups. La seule main que j’ai jouée était le AQ contre Ivey. Si j’ai joué une autre main, je ne m’en souviens pas.
Howard Lederer : Bien sûr, Chris Moneymaker est l’histoire que l’on retient de ces World Series of Poker mais ce tournoi a également vu la naissance de Phil Ivey. Il s’en était rapproché en 2002 et je me souviens l’avoir entendu dire : « Je vais gagner ce tournoi en 2003 » et il était présent au rendez-vous. Il était en train de devenir le joueur de tournoi le plus intimidant de la planète cette année.
La main entre Ivey et Moneymaker à la bulle de la table finale
Moneymaker : Tout le monde pense que j’ai été chanceux contre Ivey. Je n’ai pas été chanceux. J’ai relancé pré-flop avec AxQx. Jason Lester avait les 10 et Ivey les 9 et ils ont payé tous les deux. Le flop QxQx6x est tombé.
J’ai misé 75.000 et Ivey avait seulement 475.000 derrière. Tout le monde dit que j’ai misé trop petit pour le faire fuir du coup – la taille de ma relance l’a gardé dans le coup – mais c’est que je voulais. Je ne voulais pas effrayer mes adversaires alors que j’avais AQ. Cela aurait été stupide.
Jason a passé ses 10 et Ivey a payé avec ses 9. Je n’ai pas été chanceux. J’ai été très malchanceux lorsqu’il a touché un de ses deux outs sur le 9x au turn.
Il m’a laissé la parole, j’ai misé 200.000 et il a relancé à tapis pour 200.000 de plus. Evidemment, je ne pouvais pas passer ici. J’ai juste connu une fin heureuse quand j’ai touché un as à la river.
72h de voiture pour digérer la main
Dan Harrington : Ma réaction sur cet as fut : « Oh, bien. » L’argent par vers le bon client à mon avis. J’étais vraiment content.
Barry Greenstein : J’ai reçu un appel de Phil juste après son élimination et il a dit « tu ne croiras jamais la main que je viens de jouer ».
A cette époque, il me demandait tout le temps mon avis sur des mains car il n’était pas vraiment un joueur de no-limit. Il était plus un joueur de seven-card stud en pleine transition vers le no-limit. Il m’a appelé et il m’a demandé mon opinion sur la main et je me souviens lui avoir dit que j’aurais passé sur le flop.
Il m’a répondu, « J’ai failli le faire puis j’ai eu cette sensation qu’il fallait payer. »
Il avait le sentiment d’être le meilleur joueur à la table donc il a décidé de payer au flop avec la conviction qu’il prendrait la bonne décision au turn. Soit passer, soit payer s’il sentait Chris en bluff. Il avait juste de bonnes sensations à la table. Voilà pourquoi il a payé.
Ensuite, quand le neuf tombe au turn, la main se joue toute seule.
Ivey : C’était une main très très difficile. Je suis retourner sur la côte est juste après. Je crois que j’ai reçu un gain de 80.000$. Mais je voulais vraiment gagner le tournoi. C’était juste une main horrible. Quand cet as est tombé, j’étais sous le choc, Wow.
J’ai fini par rentrer sur la côte est et j’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir. J’ai conduit pendant 72h pour rentrer dans le New Jersey car je n’avais pas envie de prendre l’avion. Une fois le voyage terminé, ça allait. J’étais prêt à jouer de nouveau.
Le boom du poker aurait-il été le même avec un succès de Phil Ivey ?
Dave Swartz : Phil Ivey allait être la prochaine star du poker. S’il avait remporté cette main contre Moneymaker, il aurait été le chip leader en table finale. Au lieu de ça, les cartes en ont décidé autrement et Moneymaker a éliminé le joueur le plus dangereux à la table.
Je me demande souvent si les conséquences de la victoire de Moneymaker auraient été les mêmes si Ivey avait gagné cette main puis le Main Event. Le boom du poker aurait-il eu lieu de la même façon ?
Je ne sais pas. Ivey n’avait pas gagné son siège pour 39$ en ligne et son nom n’était pas Moneymaker.
Lederer : Cette main où Moneymaker touche l’as et élimine Ivey, c’est probablement une des mains les plus importantes de l’histoire du poker. Elle a permis à Moneymaker de gagner et de créer et d’enclencher l’Effet Moneymaker et elle a empêché Ivey de remporter le Main Event. Si cette main avait été gagnée par Ivey, je pense que l’histoire du poker aurait été complètement différente.
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