Danielle Andersen : "Etre sexy et intelligente n'est pas incompatible en 2015"
Après son interview savoureuse de Sam Trickett, Lee Davy part à la rencontre d'une joueuse : Danielle Andersen.
Dmoongirl s'est fait un nom dans le poker en 2013 à la sortie du documentaire Bet Raise Fold: The Story of Online Poker. Mariée, maman, Danielle y racontait son quotidien et sa vie de joueuse Internet. Elle poursuit son rêve à Las Vegas après avoir été l'égérie d'Ultimate Poker et continue à jouer sans sponsor. Rencontre avec un grinder du net qui n'a pas (encore) réussit la transition vers la live.
Andersen n'avait "aucune idée de l'impact du documentaire et de son audience" et indique "être fière d'avoir faire ce projet" mené par Jay Rosencrantz. Joueuse anonyme avant Bet Raise Fold elle ajoute que c'est "une énorme pierre sur le chemin de ma carrière poker".
Lee Davy, membre du jury des Global Poker Index European Poker Awards 2014, découvre comment la joueuse s'est retrouvée dans le film suite à un post sur le forum 2+2 puis comment elle a géré le fait de devenir un personnage connu et suivi du monde du poker. "Le documentaire dévoile la période de ma vie la plus difficile. Les gens m'ont vu au plus bas donc je ne crois pas en être sortie avec un ego démesuré", explique la joueuse américaine avant d'énumérer son background de fille du Minnesota.
Installée dans une communauté rurale, Dmoongirl parle de la difficulté de s'arracher à son monde. "Dans ma petite ville j'ai appris beaucoup [...] c'est un endroit sûr et un groupe de gens formidable. Le mauvais côté d'avoir grandi dans un endroit comme cela c'est que vous croyez que le monde est un endroit effrayant.[...] Beaucoup n'ont pas vu le monde, mais si vous sortez de votre zone de confort vous pouvez découvrir les gens et apprendre sur vous même".
Le voyage a changé la perception d'Andersen et c'est le poker qui lui a permis d'amener sa mère de 54 ans voir la mer pour la première fois. Fenêtre sur le monde, le poker lui a ouvert les yeux. Et permis des rencontres improbables. Danielle a ainsi jouer aux cartes avec Manny Pacquiao. "Disons que c'est un gambler, il aime ça. Moi c'était la plus grosse partie de ma vie à l'époque, la cave était de 20000$ et j'en avais juste une deuxième derrière. Je pensais jouer tight et quatre mains plus tard je me retrouve à tapis contre Pacquiao... On a fait deux boards et nous avons partagé mais quelle histoire", révèle-t-elle avant d'aborder des sujets plus personnels.
La trentaine pour une femme, la vie qui passe, comment s'améliorer. "Je crois en la pensée positive et je m'intéresse de plus en plus au yoga et à la méditation. [...] J'essaye de faire du monde un meilleur endroit à ma façon mais je n'adhère à aucune cause en particulier", indique Dmoongirl avant de parler de Kara Scott. Une sorte de modèle, "franche, ouverte, forte et féminine" dont elle parlera à plusieurs reprises dans l'interview à Pokerupdate
La question du genre et de la place des femmes dans la société ainsi que dans le poker prend une grande place dans l'entretien entre Danielle Andersen et Lee Davy. Un sujet plutôt brulant avec le ladies de l'EPT Deauville et les déclarations de Vicky Coren ou Gaëlle Baumann.
"Nous devrions tous nous considérer comme des féministes. Ce mot c'est l'adn du fait que les hommes et les femmes devraient avoir des droits égaux. Si vous pensez que ce n'est pas le cas vous êtes un conn... . Si vous ne pensez pas que tous les humains devraient avoir les mêmes opportunités alors je n'ai pas le temps pour vous. Vous êtes un trou du ...", commence-t-elle avant de raconter une anecdote du quotidien des joueuses sur un chat consacré au poker. "L'incident a provoqué un twit de Lance Bradley où il disait quelque chose comme "si vous voulez voir pourquoi il n'y a pas plus de femmes dans le poker allez sur Twitch et regardez comment Dmoongirl est traitée"".
"Je ne généralise pas à la communauté du poker mais est-ce que 2+2 est un forum avec un environnement misogyne ? Absolument. Je crois que ça on ne peut le nier. Mais je suis ici pour défendre la communauté poker dans son ensemble, c'est une communauté qui regorge de gens merveilleux et ouverts. Après je pense que le rapport avec les joueuses doit évoluer si vous voulez plus de femmes dans le poker", poursuit-elle avant de s'étonner du comportement de son jeune garçon. Quand son propre fils lui a dit que "les filles ne jouaient pas aux jeux vidéos", elle s'est longuement interrogée sur la conformation sociale selon le sexe. "Quand un enfant qui vit dans une famille plutôt non conventionnelle avec une maman joueuse de poker ressort ce message, c'est alarmant. S'il a des difficultés à dépasser cette barrière, comment vont faire les autres enfants ?"
Le rôle des femmes dans ce combat pour l'égalité, les généralisations sur le mauvais traitement qu'elles subiraient aux tables sont évoquées. "J'ai joué beaucoup en live et je compte sur les doigts d'une main les incidents où un homme à dépasser les bornes. Par contre j'ai énormément d'exemples de gentlemen. Mon expérience en tant que femme dans le poker a été merveilleuse, c'est important de le dire", explique Andersen avant d'insister sur le rôle des médias dans "la sexualisation à outrance, en particulier des femmes".
“Le sexe vend. Pour être honnête je ne m'occupe pas de ça, je suis moi. Certains jours je vais mettre un sweat et des fois ca sera décolleté et jupe. Je ne fais pas ça pour égaliser une différence de pouvoir entre hommes et femmes. J'aime juste mes seins et si je veux les mettre en valeur je le fais ! Ce n'est pas une régression de dévoiler son décolleté. Ce qui est une régression c'est de juger ce qu'une femme porte. [...] C'est 2015, être sexy et intelligente ne sont pas des états incompatibles. [...] Des fois les femmes sont aussi les meilleurs ennemis des femmes et j'ai été coupable à de nombreuses reprises de comportements qui font subir un recul au mouvement féministe mais j'essaye de faire plus attention désormais", raconte-t-elle suite à l'évocation de Poker Night in America spécial Ladies Night où elle avait entendu quelqu'un évoquer le fait que "la fille au plus gros décolleté serait forcément le plus gros fish de la partie".
"En tant que femmes, nous devons cesser de nous blâmer nous même pour les comportements misogynes subis. Nous devons aussi cesser de critiquer et dénoncer l'attitude des autres femmes", termine-t-elle sur le sujet du genre avant de passer aux conseils poker et de finir sur ceux qui comptent dans son parcours, comme Lauren Billings ou l'omniprésente Kara Scott.
En savoir plus : Danielle Andersen, Moving, Motherhood and Misogyny (enAnglais)
