Stratégie Poker - les 'leaks' pré-flop
Mis à part les mauvais calls et les mauvais bluffs, une grande partie de votre 'winrate' contre les autres regulars se gagne sur des détails beaucoup moins visibles. En comparant ces mains à celles que vous disputez contre des fishs, vous verrez beaucoup moins d'abattages contre ces bons joueurs et il n'est malheureusement pas facile de toujours comprendre pourquoi un joueur gagne ou perd plus que vous sans même voir un 'showdown'.
Identifier les erreurs ('leaks') dans le jeu adverse peut rapporter beaucoup d'argent, pas simplement parce que vous jouez souvent contre les mêmes regulars, mais aussi parce qu'un joueur peut mettre un très long moment avant de détecter ce genre de 'leaks' dans son propre jeu. Souvent un joueur n'est pas conscient de ce 'leak' parce qu'il ne réalise pas que cela lui fait perdre de l'argent, en tout cas pas avant que quelqu'un ne lui signale son erreur.
Aujourd'hui, je vais donc parler de quelques 'leaks' préflop que je rencontre souvent chez les autres 'regulars', je vais également vous expliquer comment les exploiter et comment les identifier dans son propre jeu.
1 - Caller trop de mains contre des tentatives de vol
En jouant contre des relanceurs agressifs pré-flop en fin de parole (bouton et cutoff), il est essentiel de défendre agressivement ses propres blindes. Si vous abandonnez trop de pots dans ces conditions alors que votre adversaire relance vos ouvertures au bouton, vous allez finir par perdre beaucoup d'argent. L'erreur que beaucoup de joueurs commettent lorsqu'ils essaient de défendre leurs blindes, c'est qu'ils se contentent trop souvent de flat-caller (entendez par la de tenir simplement la relance). Avec un stack de 100BB contre de bons adversaires, il est assez compliqué de jouer profitablement des mains marginales hors de position, même si vos mains sont plus fortes que leur éventail de mains. L'avantage de la position est alors beaucoup plus important que celui que donne une main un peu plus forte que celle de votre adversaire avant le flop.
Si je sais qu'un joueur assis au big blind va souvent me flat-caller hors de position puis me relancer au flop, je vais commencer à jouer de manière un peu plus loose. Dans la plupart des cas, mon adversaire ne touchera pas le flop. Si je combine ça à mon avantage de position et au fait que je suis l'agresseur pré-flop, je remporterai souvent le pot sans même avoir besoin d'aller jusqu'à l'abattage
La meilleure manière de se défendre contre de gros relanceurs pré-flop est de sur-relancer plus de mains plutôt que de se contenter de suivre. Souvent, vous remporterez le pot parce que votre adversaire relancera ici avec une grande variété de mains. Si il se contente de payer vous avez toujours une main qui a de la valeur, et si vous confirmez votre agression après le flop, vous remporterez souvent le pot plus tard dans la main. Cette stratégie va également élargir votre range de sur-relances, si bien que vos mains monstre seront plus souvent payées.
Vous pouvez facilement identifier ces 'leaks' avec l'aide des statistiques. Un programme comme HoldemManager vous fournira des statistiques sur le pourcentage de défense face au vol en SB (le pourcentage normal est d'environ 13%), de sur-relance face au vol en SB (9%), de défense face au vol en BB (16%) et de sur-relance face au vol en BB (9%). Faites bien attention à sélectionner "bouton/cutoff" comme position du premier relanceur dans le filtre, sans quoi le programme inclura aussi les batailles de blinds.
2 - Se tromper dans la cote implicite
En calculant leurs cotes implicites pré-flop, les joueurs font souvent des erreurs. Un exemple: un 'regular' ouvre au bouton à 2.5 BB et vous avez 2♣2♥ au big blind. Vous flopperez un brelan environ une fois sur neuf. Comme vous aurez beaucoup de mal à remporter un pot si vous n'améliorez pas au flop, vous ne jouerez cette main que pour la 'setvalue'. Comme vous investirez en moyenne 9 x 2.5BB = 22.5BB, si vous floppez un brelan, il vous faudra gagner au moins 22.5BB pour que ce call soit profitable. Cependant, le 'regular'-type ouvrira environ une main sur trois au bouton. Contre une range aussi vaste, vous ne gagnerez pas 22.5BB à chaque fois que vous toucherez votre brelan. Les joueurs parlent souvent de la règle 5/10, qui veut que si vous devez investir moins de 5% de votre stack pré-flop, ce sera toujours un 'call', alors que si on vous demande plus de 10%, ce sera toujours un 'fold'. A mon avis le débat est ailleurs et doit avant tout porter sur l'éventail de mains adverses. Plus votre adversaire joue serré, plus grandes sont vos cotes implicites et plus vous pouvez disputer de mains.
Une erreur encore plus grosse consiste à suivre des sur-relances avec des mains à cote implicite. Une sur-relance standard vous demandera d'ajouter (environ) 8.5BB, ce qui veut dire que vous devrez destacker votre adversaire à chaque fois que vous toucherez si vous voulez que vos calls soit profitable. Même si votre adversaire ne sur-relance qu'avec AK et QQ+, c'est un move EV-, puisque même avec un éventail très resserré vous ne serez pas payé à chaque fois que vous touchez le flop.
Si je vois un joueur caller régulièrement des sur-relances avec de petites pocket paires, je vais le noter aussitôt. Car je serai alors en mesure de sur-relancer ce joueur avec beaucoup de mains : Il suit pré-flop parce qu'il se figure qu'il a de bonnes cotes implicites mais se couchera facilement à chaque fois qu'il passe à coté du flop. En vérité, il commet une très grosse erreur parce que vous sur-relancez avec un éventail de mains très large. Il vaut mieux suivre une sur-relance avec des connecteurs assortis plutôt qu'avec une paire servie, puisque ainsi vous toucherez plus souvent quelque chose au flop, et même si ce n'est pas un monstre à chaque fois, ce sera souvent suffisant : le mieux est encore de caller des sur-relances avec des mains qui peuvent flopper une jolie paire max étant donné que, dans des pots sur-relancés, tout l'argent partira souvent au milieu avec une simple paire.
Le "Vs-3bet-fold%" (poucentage de 'fold' face à un '3-bet') est une nouvelle statistique disponible sur HoldemManager, qui est pratique mais présente également des inconvénients. La valeur moyenne des 'regulars' dans ma base de données est de 65% mais je sais qu'au moins deux des joueurs à 65% sur-relancent avec toutes sortes de mains. Avec des joueurs qui se rapprochent ainsi de la valeur moyenne, il est assez difficile d'en déduire quel éventail ils jouent exactement, a moins d'avoir pris des notes sur eux. Pour des joueurs qui s'éloignent beaucoup de cette moyenne, en revanche, il sera beaucoup plus aisé de déterminer leur éventail.
3 - Relancer trop souvent avec des (bons) joueurs 'shortstack' à la table
Sur PokerStars, vous verrez beaucoup de joueurs gagnants utiliser la 'stratégie du petit tapis' et se stacker à 20BB, ce qui peut être assez irritant si vous êtes assis à la table avec 100BB, car il est pratiquement impossible de gagner de l'argent face à ces joueurs. Alors qu'eux joueront avec un tapis effectif de 20BB, le reste de la table va constamment varier entre 100BB et 20BB, ce qui a un gros impact sur la sélection de mains pré-flop. Une grande part de l'argent remporté par les adeptes de la SPT se gagne pré-flop, sans voir un seul abattage, en sur-relançant à tapis contre les joueurs qui ont un large éventail de mains d'ouverture. Pour pouvoir vous défendre contre ça, le seul moyen efficace est de resserrer votre jeu et de relancer moins fort. Si, par exemple, vous êtes au bouton et qu'il y a deux petits tapis aux blindes, effectuez une mini-relance plutôt que de relancer à 3-4 x BB et cessez d'ouvrir avec des mains marginales comme 5-2 assortis. Ainsi, vous pourrez plus souvent suivre les tapis adverses et perdre moins si vous devez vous coucher. De son côté, le petit tapis se couchera presque aussi souvent face à une relance à 2BB qu'à une relance à 4BB.
4 - Miser lorsqu'il y a plus de value à juste caller
L'idée qu'il faut jouer de manière agressive pour gagner est largement avérée mais vous n'avez pas besoin de jouer au « raise-or-fold » en permanence non plus. Pré-flop, vous trouverez souvent des situations où il vaut mieux juste flat-caller, alors que la plupart des joueurs sur-relancent souvent à la place.
Les joueurs ont souvent une approche très serrée lorsqu'ils sont confrontés à une sur-relance hors de position, parce qu'il peut être très difficile de jouer profitablement un gros pot contre un adversaire agressif. Les mains qui se jouent bien contre des relances d'ouverture sont plus nombreuses que celles qui vous permettent de caller un '3-bet' hors de position. Prenez, par exemple, une main comme KQ contre un relanceur au cutoff. Si vous sur-relancez ici, les mains qui vous suivront seront rarement inférieures à la votre (du genre KJ ou QJ). C'est d'autant plus dommage que votre main se joue pourtant très bien contre une simple relance d'ouverture.
Si vous anticipez un pot multiway (à plusieurs), se contenter de suivre sera plus souvent profitable que de sur-relancer. Dans ce cas, votre position a moins d'importance parce que les pots multiway sont généralement moins agressifs. En effet, il y a de bonnes chances que l'un au moins des joueurs ait touché un bon flop. De plus, en flatcallant, vous invitez les mauvais joueurs, qui pensent avoir une bonne cote, à se joindre à la danse. C'est un concept qui est souvent mal compris: Bien que votre cote progresse en fonction du nombre de joueurs impliqués dans le coup, vos chances de gagner le coup, elles, diminuent.
Autre exemple: Si le bouton relance et qu'un fish au small blind calle, il n'est pas très intéressant pour vous de sur-relancer avec une main comme 56 assortis ou 44. Il y a beaucoup plus de value dans un flatcall et, si vous sur-relancez, le bouton suivra souvent en espérant jouer un '3-way pot' en position avec un mauvais joueur dans le coup. Et, de fait, le fish callera souvent, avec n'importe quelle pocket paire ou n'importe quel broadway, et il sera assez difficile de l'expulser du coup s'il touche. C'est une chose que vous ne voulez pas voir se produire lorsque vous jouez votre main en comptant sur la 'fold equity'.
Un troisième cas de figure se produit lorsqu'un joueur limpe dans un cash game '6-max'. Chaque 'regular' partira du principe que c'est un mauvais joueur et essaiera de l'isoler avec une grande variété de mains(c'est-à-dire qu'il relancera pour disputer un tête-à-tête contre le limper initial). Vous n'avez pas forcément besoin d'un monstre pour le relancer mais, lorsque vous avez la position, il vaut souvent mieux flatcaller et accepter de jouer dans un '3-way pot' contre deux adversaires avec un éventail très large. Vous remporteriez souvent le pot en relançant pré-flop dans ce genre de situations, mais en vous contentant de limper vous appâterez le poisson et gagnerez plus d'argent sur le long terme
5 - Limper au Small Blind
Les joueurs qui limpent sont, dans la plupart des cas, des joueurs faibles. Les bons joueurs relanceront très souvent les limps au small blind. Oubliez cette histoire de cote à 3:1. Même si ça a l'air très rentable sur le papier, ce genre de situations ne compense pas suffisamment votre désavantage de position. En disputant une bataille de blindes au small blind, sachant qu'il y a un bon joueur au big blind, je me cantonnerai au 'raise or fold'. Si un joueur au small blind limpe et que c'est moi qui suis au big blind, je vais toujours effectuer une relance pré-flop ou miser le flop, en fait ça dépend surtout du cours du jeu. J'entends par là que si je le relance tros fois de suite en position, la quatrième je préfèrerai plutôt miser le flop que de relancer à nouveau pré-flop. En faisant ça, vous forcez votre adversaire à jouer un pot plus important hors de position et vous verrez que ce genre de situations recèle beaucoup de 'fold equity'.
6 - Miser trop, trop peu ou avec les mauvaises mains
Une fois que vous aurez pris part à quelques '3-bets' et '4-bets' avec un joueur en particulier, vous voudrez peut-être commencer à le bluffer de temps en temps. Un '3-bet' normal est d'habitude d'environ 12BB et, en jouant avec une profondeur de tapis de 100BB, un '4-bet' coûtera 27BB, ce qui est en général suffisant pour que votre adversaire se mette en mode 'push -or-fold'. Si vous faites ça avec toutes vos mains, il sera impossible à votre adversaire de distinguer vos bluffs de vos mains-monstre. De cette manière, vous rendrez vos bluffs plus économiques et retirez tout de même le plus de value possible de vos monstres (à condition bien sûr que votre adversaire joue en 'push or fold'). Vous devez faire attention à ne pas miser trop peu, étant donné que beaucoup de joueurs ont la manie de flatcaller, ce qui donne lieu à des pots postflop un peu étranges.
Parce que pratiquement toutes les situations de '4-bets' pré-flop se jouent en 'push-or-fold', il n'y a rien de mal à polariser son éventail de mains d'ouverture. J'entends par là que, lorsque vous effectuez un '4-bet', ce sera indistinctement avec un monstre ou un bluff complet. Si votre adversaire flatcalle rarement et que vous êtes de toutes manières décidé à coucher votre JJ en cas de sur-relance adverse à tapis, il importe peu de savoir si vous jouez JJ ou 32 dépareillés. Cela dit, des mains comme JJ, TT, 99 et AQ se jouent bien en flatcallant juste des '3-bets' adverses. Vous serez la plupart du temps devant l'éventail adverse et, puisque vous flopperez souvent la top-paire, ce sont également des mains faciles à jouer. Si vous décidez d'envoyer un '4-bet' avec l'une de ces mains en revanche, vous ne le ferez qu'avec l'intention de suivre un tapis adverse, sans quoi vous gaspillerez totalement la value de votre main.
J'espère que vous ne vous serez pas reconnu dans trop des exemples présentés ici mais, si c'est le cas, au moins avez-vous désormais quelques pistes pour vous mettre à réfléchir sur votre jeu. Une fois que vous aurez plus d'expérience, il vous sera de plus en plus facile de détecter ce genre d'erreur chez les autres 'regulars', ce qui signifie beaucoup d'argent à la clé.
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