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Jesse et Mickey May racontent l'histoire de Devilfish, "un ami au coeur d'or"

Name Surname
Jesse May
Name Surname
Mickey May
12 min à lire

Mardi 6 avril, la légende du poker made in England, Dave "Devilfish" Ulliott a perdu sa lutte face au cancer. Depuis, l'industrie du poker au grand complet à rendu hommage à un champion aux multiples facettes.

Icône du poker moderne, Dave Ulliott a notamment vécu de grands moments de sa carrière en compagnie de Mickey May et Jesse "ScurrilousMay" May. Le duo se souvient et partage des documents exceptionnels avec les lecteurs de PokerNews. Histoire de se souvenir d'un homme qui en a poussé des centaines à tenir les cartes.

PokerNews remercie sincèrement Mickey et Jesse pour les textes et photos ce-dessous.

La nuit ou Dave Ulliott est devenu "Devilfish"

Dave Ulliott Devilfish

Au fond de lui, et même s'il n'aimait jamais l'admettre, Devilfish était un homme qui adorait le jeu de poker. Cette image a été prise à Downtown Las Vegas lors des World Series of Poker 2004 (WSOP) au Binion's Horseshoe. Devilfish possédait quelques vestes WSOP et quand il ne portait pas son costard noir pour les caméras, c'est cela qu'il portait. Pour l'histoire du jeu.

Dans les dernières années, sa réputation faisait de lui un fêtard invétéré mais la manière dont je m'en souviens c'est d'un joueur dur, sobre et qui vous découpait avec son regard. Il regardait en vous.

Cela me rappelle l'histoire de son surnom, l'époque ou Las Vegas a entendu parler de Devilfish pour la première fois. Sa victoire dans un Event WSOP y a fait beaucoup... mais la véritable histoire a eu lieu quelques mois plus tôt, en janvier 1997, en face du Binion au Four Queens. Cette histoire c'est du pur Devilfish.

Donc David Ulliott se retrouve en HU pour le titre contre Men "The Master" Nguyen. A cette époque le festival Four Queens Tournament Series avait juste un peu moins de prestige que les WSOP et la chose la plus gentille que l'on peut dire sur the Master c'est qu'il n'est pas vraiment un gentil gars.

Mais, à cette époque, Men the Master était le patron de beaucoup de gros tournois et il possédait une armée de minions qui entouraient la table pour l'encourager. Il enchaînait la Budweiser en jouant et pouvait se montrer plutôt abusif dans son comportement quand il avait une audience. Et il avait le chiplead.

Il y avait une mer de gens qui lançait des "allez the Master !" dans le rail et un des potes d'Ulliott de chez lui en Angleterre était avec lui, son unique supporter à Las Vegas. C'est lui qui a lancé des "go on Devilfish !"

Devilfish était un surnom qui venait d'une partie de cash game londonienne mais cela n'avait jamais pris. Au final, Dave Uliott a refait son retard après avoir été largement derrière au chipcount pour battre Men the Master. Après cet épisode, tout le monde ne l’appelait plus que Devilfish. Mais ce n'est pas la bonne partie de l'histoire.

Ma partie préférée se déroule après un énorme coup disputé à tapis où les deux hommes étaient presque à égalité en jetons. Men the Master se retrouve avec un seul et unique jeton... alors que le niveau se termine. Un dîner est prévu si les joueurs se mettent d'accord pour partir en pause. Donc Devilfish se lève pour partir manger et Men se met à whiner, "tu ne peux pas partir, j'ai un simple jeton !"

Devilfish qui s'est fait maltraiter toute la soirée et toute la journée verbalement par Men et son rail se met alors à toucher ses jetons et lâche : "Bien sûr que nous allons prendre ce dinner-break et je pense que peut être tu vas pouvoir en profiter pour penser à ta stratégie".

Je ne sais pas si le reste de l'histoire est vraie mais cela s'est bien passé comme cela. C'est vraiment l'essence de Devilfish. Men est devenu blanc, voir violet, et a menacé Devilfish de le tuer. De son côté, Devilfish était mort de rire et il a passé une heure à faire le tour de la poker room, racontant cet épisode à tout le monde.

Le roi du rire

Si vous avez passé un moment avec Devilfish, vous savez déjà ce qu'il a murmuré à l'oreille de Greg Raymer alors qu'ils étaient pris pour cette photo — quelque chose d'extrêmement déplacé, complétement inapproprié mais sauvagement drôle.

Devilfish

Je pense que cette image date de Deauville en 2005. Raymer dispute son premier tournoi en Europe après son sacre au Main Event WSOP. Devilfish avait un truc. Il vous balançait quelque chose à la tête, un quelque chose qui vous faisait penser que vous étiez dans la combine avec lui et qu'il vous autorisait à comprendre la blague.

Sans aucun doute, dans cette image, la blague c'est Gus Hansen ou Barny Boatman, ou même probablement les deux — deux faire valoir faciles pour les piques de Devilfish. Aucun joueur n'était vraiment à l'abri d'une saillie verbale avec le joueur anglais. Vous aviez l'impression de rigoler avec lui et soudainement, vous étiez au centre de la tempête, la blague et le bon mot à votre encontre.

Raymer, à son crédit, avait compris cela et je vous garanti qu'il aurait probablement rigoler quatre secondes après cette photo à une autre blague du Devilfish. En forme, Dave Ulliott était vraiment un mec marrant.

Quand Devilfish se fzait rincer par un gamin, nommé Peter Eastgate

Dave Ulliott Devilfish

Ces images ont été prises durant le tournage de Poker Million III. Devilfish a participé à tous les tournage même s'il a raté le dernier car il était tricard auprès de Sky Studios.

Quand il s'est montré aux studios d'enregistrement, c'était écrit que cela serait une longue journée.

Devilfish

Il faisait toujours la même chose, il arrivait toujours des plombes en retard puis il attendait dans la chambre verte, étendu sur le canapé alors que tous les autres oueurs l'attendaient déjà en place sur le plateau. Le staff devenait fou. C'était très frustrant pour la production et les travailleurs du show... mais c'était payant.

Le Ladbrokes Poker Million était plein de qualifiés Internet qui n'avaient jamais joué devant les caméras. Ils étaient effrayés d'être là et surtout de jouer pour autant d'argent après s'être qualifiés pour quelques cents. Quand ils se rendaient compte qu'ils allaient jouer le Devilfish c'était encore pire. En les faisant attendre, Devilfish faisait monter la pression.

Au moment ou tout le monde était prêt à lui faire sa fête et les organisateurs à le disqualifier, Devilfish se rendait au studio pour commencer la partie. La table était alors prête à folder en continue jusqu'à sauter avec soulagement. Cela avait marché cette année là dans cette émission puisque le Devilfish avait faire runner-up derrière Donnacha O'Dea.

Bon, je me souviens qu'une année cela s'était très mal passé. Devilfish avait essayé d'intimider un jeune loup du net venu du Danemark. On aurait dit un lapin pris dans la lumière des phares. Mais le gamin a claqué un gros bluff bien audacieux à Devilfish... avant de l'éliminer et de presque gagner la série. Le gamin a eu un peu de succès quelques temps plus tard... c'était Peter Eastgate.

"Mets moi un coup de genou sous la table si tu veux raise dans un pot!"

Devilfish poker

En terme de talent pur au poker, Devilfish était un juge habile. Son cercle se résumait à une seule et unique personne, lui, mais Devilfish a toujours essayé d'être en bons termes avec ceux qu'ils considéraient comme les top players britanniques. C'était actuellement un honneur d'être respecté par Dave Ulliott et que ce dernier vienne vous voir pour vos donner un avertissement : "Nous sommes tout les deux des Anglais mon pote, pas besoin de se faire la guerre".

Très probablement cela était juste un moyen pour lui d'éviter de se faire embêter par un bon joueur à la table mais il y avait un respect mutuel de la part des jeunes sharks, au moins disons entre 2002 et 2005.

Ces deux images sont celles des deux jeunes qu'ils considéraient être les young guns durant cette époque : Ram Vaswani et Julian Gardner — deux mecs cool avec une tonne de talent.

Cela me rappelle une histoire que j'ai entendue à propos de Devilfish et Simon Trumper. Ils étaient à une table dans un tournoi de Las Vegas, Ulliott étant à droite de Trumper. "On ne va pas faire les fous", glisse Devilfish à Trumper. "Voilà ce que l'on va faire, à chaque fois que tu vas raise un pot, tu me mets un coup de genou sous la table... et je ferais la même", ajoute-t-il, bien conscient d'être toujours le premier à agir !

Quand les Brits défonçaient les Scandis

J'aime cette image. Elle vient de la croisière Ladbrokes dans les Caraïbes. Si vous êtes un fan de l'hsitoire du poker britannique alors vous réaliserez le nombre fantastique de héros qui sont là.

Devilfish

Paul Jackson à l'extrême gauche du cliché, Conor Tate juste à côté de lui, puis "Bob the Butcher" (qui a tiré son surnom d'un épisode dont il ne vaut mieux pas parler). Puis le héro du poker suédois est à droite du Devilfish, Bengt Sonnert. Jon "Skalie" Kalmar est dans le rail et on aperçoit Miss UK Leilani Dowding.

C'était un Team Event entre Britanniques et Scandis en format shoutout. L'argent était pour une oeuvre de charité mais Devilfish avait accepté de aprticiper uniquement s'il pouvait choisir à qui allait l'argent, une association pour le Hull Skateboarding Park, une institution qui, je pense, construisait un skate park... dans son jardin ! Les Britanniques ont gagné... largement.

"Tu devrais voir mon jacuzzi, Phil!"

Devilfish
Devilfish

Les deux images datent des WSOP 2005, nous sommes loin dans le tournoi qui se déroule au Rio. A la table, Phil Hellmuth et Devilfish jouaient souvent le rôle des ennemis jurés mais c'était plutôt deux pois dans une cosse. Eliminé par Devilfish, Hellmuth allait même jusqu'à lâcher un "bonne chance" avant de lui glisser dans le creux de l'oreille un truc du genre "Come on Davil, maintenant c'est pour toi". Pas le genre de réplique habituelle pour le Poker Brat.

Mais cela était entre eux.

Sur une Premier League jouée à Maidstone, aucun des deux joueurs n'avait accepté de venir avant d'avoir l'assurance d'être le mieux logé des joueurs et d'être la star du show. Quand Devilfish s'est rendu compte qu'ils s'étaient fait duper tous les deux, il n'a pas vendu le morceau mais s'en est servi pour énerver Hellmuth. A chaque fois que Phil était présent, il parlait de son grand piano et de son énorme jacuzzi... juste pour voir la tête dégoutée de Hellmuth !

"The Most Dominating Final Table Performance vue en WPT"

Devilfish

Je ne sais pas quand Devilfish s'est fait faire ses bagues énormes mais mon anecdote favorite les concernent. Elle a eu lieu durant la Table Finale du World Poker Tour Tunica de la saison I qui s'est déroulée en janvier 2003during the first season in January 2003. Chris Moneymaker n'avait pas encore gagné et le WPT n'avait pas non plus encore été diffusé à la TV.

Le poker grandissait mais n'avait pas connu son pic. Je n'ai pas assisté à cela mais il y avait des live audio broadcasts des TF et j'étais déjà scotché à mon ordinateur. Devilfish était large chipleader mais Phil Ivey avait des jetons, tout comme un local héro et un mec dangereux, Tommy Grimes. Tout le monde se disait que l'étranger en tête rentrerait vite dans le rang.

La TF a commencé avec beaucoup de spectateurs et une présentation des joueurs, le moins fourni en jetons en premier. Linda Johnson était au micro et, alors que chaque participant était appelé sur scène, les applaudissements étaient de plus en plus nourris... avec un pic pour Ivey. Puis Linda a dit "Your chip leader, qui vient d'un endroit que l'on nomme Hull, The Devilfish!"

D'abord, en mode américain, elle a dit cela comme s'il s'agissait d'un pays. Un pays plutôt perdu et au bout du monde. Et puis l'accent de mec du Nors du Devilfish faisait que les gens du Mississippi étaient convaincu qu'il ne parlait même pas anglais. Quand il s'est pointé sur la scène... il y a donc eu un énorme silence et j'ai explosé de rire devant ma radio car je pouvais me faire la scène dans ma tête.

Devilfish, qui portait probablement un jean et un hoodie depuis quatre jours comme tout le monde, est alors apparu avec un costard noir, les cheveux gominés, des lunettes de soleil oranges et ses énormes bagues avec "Devil" sur une main et "Fish" sur l'autre. Une vision de film ! Quelque chose de jamais vu au poker. Le spectateurs ne pouvaient que se demander qui était ce diable !

Et il les a tués

J'en ai parlé quelques fois avec Mike Sexton, qui appelle toujours cet épisode "la performance la plus dominante jamais vue en World Poker Tour". Malheureusement, la version éditée pour le show TV ne rend pas justice à Dave. Devilfish était toujours un putain de joueur à chaque fois mais quand il était à la télé il était toujours au top. Lors de cette TF, il a ouvert 7 mains sur 8 et si c'était déjà ouvert il plaçait un 3bet.

Il faut redire que c'était en janvier 2003 et c'était incroyable à l'époque. Les gens étaient choqués pendant que Devilfish enterraient leurs espoirs. Il a mis toute la table en tilt à l'exception de Phil Ivey. Ce dernier avait le mental pour réaliser ce qu'il se passait et n'a pas bougé une oreille jusqu'à ce que Devilfish en ait marre.

Grimes était un des mecs les plus adorés du circuit à l'époque. Venu du Texas et très serré, Grimes était en tilt... il a donc payé pour son tapis préflop avec Kx6x. Je me souviens de la main car c'était énorme. Tommy Grimes qui paye pour son stack avec Kx6x. Avec 6 joueurs encore en course ! Devilfish aimait ce genre de situation, lui contre le reste du monde. Il pensait toujours avoir une chance.

Un homme au coeur d'or

Devilfish

Laissez moi vous dire un truc sur le Devilfish — Il y a toujours eu des gens pour dire de mauvaises choses sur lui, et il faut dire qu'ils avaient des munitions.

Devilfish pouvait être arrogant, méchant, cruel avec les croupiers, insensible et trop direct avec les femmes. On disait bien de Stu Ungar, qu'il serait capable de vous mettre un serpent dans les poches avant de vous défier pour un head's up.

Il y a de nombreuses fois où il a dépassé les bornes et j'ai détesté ce qui sortait de sa bouche. Des fois je l'ai dit et des fois non car j'ai fait la même chose. Pour être honnête je n'accordais pas d'importance à ce qu'il disait car il le faisait pour être marrant, toujours à la recherche du bon mot. Ce qu'il disait s'en allait avec le vent. Il était drôle de manière très violente et brutalement direct. Il pouvait étendre un mec en face et ouvrir son âme d'une manière jamais vue chez un non irlandais. Pour moi, tout cela ne voulait rien dire.

J'admirais simplement la manière dont Devilfish marchait dans ses bottes, la manière dont il suivait son chemin. Si vous connaissez son histoire, vous savez ce que je veux dire quand je vous dit que sa paire de grolles n'était pas brodée avec de l'or fin à la naissance.

Vous pouvez être sûr que la plupart des gens qui ont commencé comme lui n'ont pas fait le quart de son parcours. Devilfish a fait briller ses chaussures dans le monde entier. Je sais qu'il avait un coeur en or et même si je n'ai jamais été d'accord avec lui, je suis fier de l’appeler mon ami.

Rest in Peace, Devilfish. Tu l'as fait comme il le fallait.

*les photos de l'article sont de Mickey May, le texte de Jesse May, traduit par Giovanni Angioni et Matthieu Sustrac

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