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Chronique Kipik : c'est pas la taille qui compte

Chronique Kipik : c'est pas la taille qui compte 0001

L'une des remarques que je lis le plus souvent, soit sur le forum, soit par rapport à cette chronique, est que ma façon de jouer, mon approche stratégique du poker, mon analyse, conviennent probablement à un joueur qui en vit et joue énormément. Mais pas à un quelqu'un qui joue de façon ponctuelle.

Je crois sincèrement que rien n'est plus faux, et dangereux, que cette façon de penser.

Vous ne sauteriez pas sans parachute ?

Si votre hobby était le parachutisme, plutôt que le poker, et qu'un gars avec des milliers de sauts à son actif venait discuter avec vous, vous l'écouteriez bien sagement. Même si vous sautiez seulement une fois par mois. Quand sa survie est en jeu, on est prêt à faire naturellement quelques efforts…

Seulement, voila : notre plaisir à nous n'est pas de nous amuser avec les lois de la gravité. Mais avec celles des probabilités. Et, à moins d'avoir besoin des conseils d'un spécialiste en addictions, notre vie, notre survie, est rarement en jeu. Ce qui pose un double problème : les probabilités ne sont ni simples ni facilement accessibles. Et leur impact, ou leur ignorance, ni dramatique ni vraiment motivant.

Je me vois franchement mal venir blâmer celui qui, avec encore en tête le souvenir de ces longues heures de math ennuyeuses à mourir, préfère faire l'impasse. Et jouer comme il aime. Peinard ! En cherchant bien, vous trouverez même toujours un joueur old school pour venir vous conforter en vous expliquant que « les maths, c'est bien. Mais, l'important, c'est de jouer l'homme ». Ou toute autre pensée du même acabit.

Il n'aura d'ailleurs pas totalement tort. Et on peut jouer en ignorant pour l'essentiel les mathématiques. Seulement, voila, que vous le vouliez ou non, les maths existent. Que vous les ignoriez ou pas, elles, elles ne vous ignorent pas. Et, si vous êtes un joueur gagnant, c'est que, d'une façon ou d'une autre, vous les utilisez déjà. Même si c'est seulement de façon inconsciente.

Moins d'informations, plus de mathématiques

Le poker online a largement changé la donne en retirant toute information contextuelle. Humaine. Vous ne verrez jamais votre adversaire se redresser tout d'un coup quand tombe au turn une carte qui rentre une possible quinte (oui, il l'a). Vous ne remarquerez jamais que, chaque fois que le chauve assis deux sièges à votre droite, se frotte le crâne, il se couche.

Le poker est un jeu d'information incomplète. C'est encore plus « vrai » sur Internet où l'information est réduite au strict minimum. Certes, on peut parfois relever un « tell de vitesse » sur certains joueurs. Mais, pour 99%, la seule information dont on dispose est dans la mise. Les patterns. Les sizings.

J'ai rencontré de nombreux joueurs qui réussissent en live. Mais sont incapables d'être gagnants sur Internet. Une façon d'expliquer cela est de dire que "l'online, c'est rigged" (NDR: truqué). Une autre est de simplement reconnaître que beaucoup de joueurs live s'appuient sur des informations qu'ils n'ont plus dès qu'ils se retrouvent derrière leur ordinateur. Dit autrement : leurs lacunes en mathématiques, dans la compréhension de la théorie du jeu, ne peut plus être compensé par l'observation (même si c'est seulement une observation inconsciente, intuitive; juste une autre façon de décrire la façon qu'a notre cerveau de traiter à la volée la masse d'informations qu'il reçoit de tous nos sens).

Or, moins vous avez d'informations à votre disposition, plus les mathématiques jouent un rôle majeur. Et celui qui va le plus comprendre les mathématiques, la théorie du jeu, développera le plus facilement un avantage sur ses adversaires moins informés.

Notre cerveau nous joue un nouveau tour

C'est le règne du volume. Non pas parce qu'un volume plus important permet de jouer des avantages plus petits (ce qui est vrai). Mais surtout parce que, plus le volume augmente, plus celui qui respecte la théorie du jeu va exploiter son avantage sur ceux qui maîtrisent moins bien les mathématiques du poker.

Avancer que celui qui joue moins ne peut pas, ou n'a pas intérêt, à jouer de la même façon que celui qui enchaîne les MTT (ou les sessions de cash game, d'ailleurs; sur ce point, nulle différence), revient en fait à reconnaître sa propre faiblesse dans la compréhension du jeu. A dire que les erreurs qu'on commet sont justifiées par la rareté. Le même raisonnement qui amène des joueurs, qui se sont qualifiés pour quelques dollars à un gros tournoi live et ont booké une semaine pour aller jouer à des centaines/milliers de kilomètres de chez aux, a jouer différemment. A valoriser le temps passé (et, encore une fois, ce n'est pas forcément une erreur; c'est juste une source d'erreurs stratégiques qui se paient. Mais tout comme on paie pour voir un film ou visiter un musée).

- "Je ne joue pas de façon optimale mais, eh ! c'est un tournoi à $10.000"

- "Je ne joue pas de façon optimale mais, eh ! c'est mon seul tournoi de la semaine."

- "Je ne joue pas de façon optimale mais, eh ! t'as vu ce que la place suivante paie ?"

Toutes ces explications, on les a déjà entendues maintes fois. Et on les a d'ailleurs, tous, également utilisées. Mais ce ne sont que des justifications a posteriori. Aussi fausses, et dangereuses, que les raisonnements « result oriented » (connaître la fin d'une main amène à changer son raisonnement pour s'adapter au résultat alors même que la décision était la bonne dans l'absolu).

Je parlais dans ma dernière chronique de la façon dont notre cerveau fonctionne. C'en sont juste d'autres exemples. Arguer d'une différence stratégique liée à un volume de jeu différent revient au même : on cherche une raison pour justifier, a posteriori, des erreurs. Des faiblesses. Ou juste un manque de réussite.

Pas de service personnalisé au royaume des mathématiques

Que vous jouiez un tournoi par mois ou quinze par jour, le fait est que les mathématiques sont les mêmes. La théorie du jeu ne change pas parce que vous vous appelez Paul ou Thierry. Elle se fout royalement qu'on soit lundi ou vendredi. En mars ou en octobre. Que vous ayez gagné trois tournois dans la semaine. Ou que ce soit votre premier. Elle est. Tout simplement. Et chacune de vos décisions, chacun de vos choix, peut se juger par rapport au choix optimal.

Shaundeeb (par exemple) n'a pas décidé de vous surelancer à tapis pour 18bb parce qu'il joue des milliers de tournois. Il l'a fait parce que la situation (votre profil, vos stacks, les positions, sa main) s'y prête. Parce que ce choix est celui qui offre le meilleur rapport risque/récompense, la meilleure espérance de gain. Et il le fera à chaque fois qu'une situation identique se présentera sur tous ses tournois.

Si on inverse les rôles et que vous décidez d'une ligne différente (« oh, non ! je ne peux tout de même pas envoyer avec cette poubelle »), le fait que ce soit votre seul tournoi du mois ne change rien : vous venez de commettre une erreur en n'adoptant pas la ligne optimale.

Shaun ne dévie pas de la stratégie optimale parce qu'il joue dix mille tournois dans l'année (si si) et pourrait donc se permettre, comme certains l'imaginent, de prendre plus de risques. Il « se contente » (sic) d'appliquer les mathématiques propres au poker pour optimiser ses chances d'aller loin dans ses dix mille tournois. De prendre (autant que possible, tout le monde commet des erreurs) la décision la plus profitable à chaque situation donnée. Cela ne signifie pas qu'il n'existe pas d'autres approches, tactiques et stratégiques, que celle de Shaundeeb. Ou de n'importe quel joueur. Mais que, quelle que soit l'approche stratégique d'un joueur, celui-ci connaîtra d'autant plus de réussite qu'elle respecte la théorie du jeu.

Forcément moins, pas forcément moins bien

Si lui le peut, en jouant dieu seul sait combien de tournois à la fois, qu'est-ce qui explique que n'importe quel joueur, qui joue cent fois moins, ne puisse pas le faire ? Rien, en tout cas, qui soit mathématiquement, réellement, justifiable. Rien… à part une moins bonne analyse des situations, une moins bonne compréhension des mathématiques justifiant le choix d'une ligne plutôt qu'une autre. Ou l'audace, le détachement nécessaire, pour suivre ensuite cette ligne.

Je ne peux pas faire grand-chose pour l'audace et le détachement. Cela ne peut venir que de soi-même. Et de l'expérience. Mais, dans les semaines à venir, je tenterai de décortiquer les mathématiques, la théorie du jeu. Parce que, contrairement à une autre idée reçue, non seulement elles ne sont pas complexe mais, en plus, il n'y a même pas besoin de savoir les faire pour s'en servir, il suffit de les comprendre. De comprendre leur « code ». N'ayez pas peur, ça ne fait pas mal. Et ça vous fera même sans doute du bien…

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NDLR : Kipik est un joueur de poker français, spécialiste des tournois en ligne. Retrouvez chaque mardi sa chronique sur Pokernews et rejoignez-le sur le forum.

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