Stratégie Omaha (XIV) : Décisions après le flop en Pot Limit
La semaine dernière, j'ai parlé de certaines décisions à prendre avant le flop lorsque vous jouez au poker en « pot limit Omaha » en les comparants avec celles prises en « limit Omaha ».
Cette fois-ci, je veux discuter du moment où le flop tombe en « pot limit Omaha » et comment cela affecte votre réflexion à ce niveau. Change-t-il votre attitude face à votre main ou bien êtes-vous du genre têtu qui se fie à la force de ses cartes fermées ?
Le « pot limit Omaha » est un jeu de cœur où il faut avoir le courage de ses convictions mais aussi connaître les cartes qu'il ne faut pas jouer. Cela nécessite de la discipline pour savoir quand abandonner une main. Parfois vous aimerez vos cartes avant le flop et construirez un joli pot en compagnie de trois joueurs ou plus. Mentalement, vous aurez ajusté votre esprit pour récupérer un gros pot, mais c'est un état d'esprit dangereux sauf si vous êtes un joueur super agressif avec un tapis dominant ravi de miser et de relancer le pot, poussant les petits tapis à vous défier.
Le flop peut apporter de nombreux signes de danger et vous devez être capables de reconnaitre les signes évidents et ajuster votre réflexion et vos approches de mises en conséquence. Voici quelques exemples :
Vous avez A♠ A♦ K♠ Q♦
C'est une main premium doublement assortie avec une paire d'As et de nombreuses possibilités de mains max. Vous relancez avant le flop et obtenez quatre suiveurs. Les types de flops suivants devraient vous faire réfléchir :
i Q♠ 5♠ 5♥
ii J♦ 10♠ 10♣
iii 8♦ 7♠ 6♣
Dans l'exemple (i), vous avez fait deux paires à l'As avec les 5 du flop. Vous avez aussi un tirage couleur max. Les deux paires en elles-mêmes sont d'une valeur incertaine mais la couleur max peut être faite par une des neuf cartes parmi les 45 qui ne sont pas visibles. Votre couleur a 36% de chances d'être faite au tournant ou à la rivière et vous aurez généralement une bonne cote dans un pot multiple. Cependant, si la mise a lieu avec des relances à la hauteur du pot après le flop poussant certains joueurs à se coucher, vous devrez re-estimer cela.
Cependant, sur le flop en question, Q 5 5, le signe du danger classique pour les couleurs est présent : une paire au tableau. Vous avez quatre autres joueurs ayant pas moins de 16 cartes entre eux, c'est à dire plus de 35% des cartes que vous ne pouvez pas voir. Il y a deux 5 parmi les 45 cartes non visibles. Statistiquement, il y a 60% de chances qu'un des joueurs ait un autre 5. Cela fait immédiatement de vous un outsider car actuellement vous ne pouvez pas battre un brelan. Vous n'êtes en plus pas sûrs que le joueur n'a pas une Dame pour faire un full, bien qu'il y ait peu de chances (car vous avez aussi un Dame), tout comme il pourrait y avoir les deux 5 pour le carré. Il y a pourtant 12% de chances que deux des quatre joueurs ait chacun un 5, augmentant la possibilité pour l'un d'entre eux de compléter un full à la rivière. Vous devriez donc considérer de prendre vos décisions de mise en supposant qu'il y a au moins un brelan de 5 présent.
La question se pose alors de déterminer comment les autres misent ou, si vous êtes le premier, si vous devriez mettre une mise pour essayer de prendre le pot tout de suite. La position est un avantage évident car vous pouvez quitter la main pour pas cher si un ou plusieurs joueurs misent fortement avant vous. Si vous êtes le premier ou si on vous a fait parole, et que vous avez misé le pot, vous aurez tendance à obtenir une réponse à vos questions. Miser le pot en premier peut sembler imprudent mais étant donné que vous étiez l'agresseur initial « pre-flop », vous pourriez très bien avoir QQ que vous représentez avec la mise. Un joueur face à une mise de cette taille a le droit d'avoir peur du full déjà fait particulièrement si tout ce qu'il a est un 5 pour un faible brelan.
Si on se couche autour de vous c'est bien. Si on suit seulement, cela suggèrerait qu'aucun full n'a été fait mais des sur-relances seraient signes de danger. Plus il y a de joueurs qui restent dans le coup avec une paire au tableau, plus il y a de chances qu'un full soit la main gagnante. Une couleur faite n'est d'aucune utilité pour vous face à un full donc vous devriez tout autant être raisonnable et attendre d'avoir une meilleure opportunité.
Dans l'exemple (ii), avec un flop J T T, vous avez un problème similaire mais vous avez 12 cartes parmi les 45 qui feront la suite max. Il n'y a pas encore de tirage couleur. C'est une bonne main à tirage mais qui vous laisse toujours exposé au full possible, les 10 étant cette fois les coupables. A nouveau, après le flop, vous pourriez essayer de prendre la main avec une mise à la hauteur du pot ou adopter une stratégie similaire au cas du Q 5 5 ci-dessus.
Dans l'exemple (iii), vous avez totalement raté vos cartes ce qui signifie que vous avez besoin de bonnes cartes au tournant et à la rivière, sauf si vos As tiennent. Cette fois au moins il n'y a pas de paire au tableau. Le problème avec un flop comme 9 8 7 est que cela comporte un grand nombre de tirages suite pour vos adversaires, si ca ne leur a pas déjà fait une suite. Apres tout, si un joueur a suivi votre relance « pré-flop » avec une main coordonnée comme J T 8 7 ou 7 7 6 5, il sera dans le coup. Vous vous retrouverez probablement face à une grosse mise sur le flop et vous devrez surement jeter votre main sans vous soucier des As car vous n'avez pas non plus de tirage couleur.
Vous recevez 10♦ 9♦ 8♣ 7♣
Cette fois vous avez une main premium coordonnée qui peut faire une suite de diverses façons avec l'aide de près de la moitié des cartes restantes. Elle est aussi doublement assortie au cas où. Vous misez avec confiance une telle une main « pré-flop » et vous voyez le flop avec quatre autres joueurs et un pot conséquent.
Les types de flop suivant devraient à nouveau vous faire réfléchir :
i A♠ 6♠ 5♥
ii J♦ 10♠ 8♥
iii 6♣ 5♥ 5♦
Dans l'exemple (i), votre potentiel de suite est augmenté vous donnant 13 « outs » pour la suite max. Cependant, elle a besoin d'être tempérée par deux piques au tableau qui vous avertissent de couleurs éventuelles pour vos adversaires. L'un d'entre eux pourrait avoir 9 « outs » pour une couleur en supposant que personne d'autre n'ait un pique. De plus, 4 de vos 13 « outs » pour la suite sont aussi des piques. Cela réduit effectivement vos « outs » à 9 « outs » sûrs.
Dans le but de réduire les « pot odds », la cote financière, de vos adversaires sur un tirage couleur, vous devriez probablement relancer à hauteur du pot à ce point. Souvenez-vous aussi que même si vous avez un joueur qui tire une couleur, sauf s'il a le K♠, il craindra une plus haute couleur que la sienne. Une relance du pot jettera le doute dans l'esprit de vos adversaires. Une relance du pot peut aussi décourager un joueur ayant un brelan avec 66 ou 55 en main. Vous pouvez à priori ne pas tenir compte d'AA sauf si vous aviez été relancés avant le flop.
Si vous avez des suiveurs, vous attendez probablement le tournant pour voir si cette carte fait une paire ou si c'est un pique. Si vous êtes sur-relancés au flop, vous aurez une décision difficile à prendre. Il est fort probable qu'un joueur ait fait un brelan. Vous tombez alors dans le domaine d'un scenario « all-in shoot-out » si vous sur-relancez. Les « odds » sont probablement égaux pour que vous complétiez une suite en évitant une couleur ou un full.
Dans l'exemple (ii), le danger est que votre suite faite ne sera pas la max. Un joueur ayant Q9 en a déjà une plus haute. Un autre ayant des cartes comme K Q T 8 ou K J 9 8 aura une suite plus haute ou le full. Votre mise a besoin d'être restreinte dans ce cas car vous ne serez suivi que par quelqu'un qui pourrait vous battre ou qui a une bonne chance de compléter une plus haute suite ou peut être un full. Soyez prêts à jeter si la mise est forte.
Dans l'exemple (iii), la situation est similaire à l'exemple (i) en ce qui concerne vos tirages suite mais c'est du full dont il faut vous méfier cette fois-ci, et il peut même déjà avoir été fait. Une fois encore, une mise précoce du pot peut être le meilleur coup à tenter pour prendre le pot dès maintenant ou pour identifier la force de vos adversaires.
Conclusion
Les scénarios et les suggestions ci-dessus ne sont pas un catalogue exhaustif de « choses que vous devez faire » lorsque vous voyez des types de flops particuliers. Ils sont juste destinés à servir de guide pour comprendre pourquoi votre main très forte avant le flop pourrait avoir perdu beaucoup de valeur par rapport à vos adversaires après que le flop soit arrivé. Vous serez ensuite amené à prendre une décision. Avez-vous la plus forte main possible sur un pot particulier et relancez-vous du pot vos adversaires pour qu'ils abandonnent leurs probables tirages ? Ou faites-vous de petites mises ou parole et attendez-vous que vos adversaires vous donnent une information ? La réponse revient entièrement à savoir comment vous voyez les joueurs à votre table. Si des maniaques ou des joueurs agressifs sont présents, il pourrait être astucieux de leur faire un « check-raise » si vous avez une main forte. S'ils sont en général serrés, vous pourriez bien vouloir miser le premier.
Comme dans toutes les parties, une partie de la décision est basée sur la table et ses joueurs. Comme avant, allez à des petites tables et essayez quelques coups pour pas cher.
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